Le dernier palmarès annuel d'Interbrand consacrant « les 100 meilleures marques au monde » a placé Toyota au huitième rang et en tête de liste des constructeurs automobiles. Il a fait d'Audi la marque automobile dont la valeur a le plus progressé en un an. Mais que signifie ce classement ? Et que vaut-il ? Bref, est-ce utile à l'automobiliste ? Trois experts en communication et en marketing tentent de nous éclairer.

QUE NOUS DIT INTERBRAND ?

Firme britannique de consultants, «Interbrand conseille les entreprises pour améliorer leur marque», rappelle Benoit Duguay, professeur titulaire à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM. Elle établit également un classement annuel des marques.

Dans son tout dernier classement publié ce mois-ci, Toyota occupe le huitième rang mondial avec une valeur indiquée de 42,392 milliards US, en hausse de 20 % par rapport à l'an dernier. La marque automobile suivante est au 10e rang (Mercedes-Benz avec 34 338 milliards). On trouve ensuite BMW (11e), Honda (20e), Ford (39e) et Hyundai (40e). On indique qu'Audi (45e) a enregistré la deuxième plus forte progression en un an (+27 % à 9,831 milliards).

QUELLE MÉTHODOLOGIE ?

Pour établir ce classement, Interbrand déclare qu'elle analyse la performance financière des produits d'une marque. Elle chiffre l'influence de la marque dans la décision d'achat. Et elle évalue la capacité d'une marque à générer une demande et des profits soutenus.

 C'est une méthodologie qui favorise les marques qui ont des chiffres d'affaires gigantesques. Personne n'est amoureux de Microsoft, mais il est cinquième dans ce classement», commente Jean-François Ouellet, professeur de marketing à HEC Montréal.

Pour Benoit Duguay, également spécialiste en consommation et en communication, il est difficile de savoir avec précision quelle est la méthodologie employée ici.

«C'est un peu comme un concours de beauté. La méthode pourra toujours être contestée et est contestable», résume Bernard Motulsky, titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing de l'UQAM.

QUE SIGNIFIENT LEURS VALEURS ?

Dans son classement, Interbrand indique par exemple que la valeur de la marque Toyota est de près de 42,4 milliards US, celle d'Audi d'à peine 10 milliards - quand celle d'Apple (premier) est de 118,8 milliards. À quoi correspondent ces chiffres ? «C'est la valeur globale de la marque, ce ne sont pas des actifs ni la performance financière pour une année. C'est ce que ça vaut théoriquement», répond Benoit Duguay.

«La marque est un des actifs intangibles d'une entreprise. Il y a la valeur comptable et il y a la valeur en Bourse. Apple par exemple a peut-être une valeur au livre de deux ou trois milliards et une valeur en Bourse d'environ 100 milliards», explique Jean-François Ouellet.

Les valeurs indiquées par Interbrand correspondent plus ou moins au montant à débourser pour mettre la main sur ces marques. Bernard Motulsky précise cependant qu'il faudrait proposer plus que ces montants, car il faudrait racheter les parts des investisseurs à un prix qui leur rapporte.

«La valeur en Bourse dépend de la réputation, des espoirs fondés, des objectifs, des opinions que les investisseurs ont sur l'entreprise. D'où l'importance de la réputation dans la valeur boursière d'une entreprise», dit-il.

QUE RETENIR SUR TOYOTA ET AUDI ?

Toyota et Audi sont les deux exemples automobiles les plus significatifs de ce classement. L'un est au huitième rang mondial, l'autre a le plus progressé. Qu'est-ce que cela nous dit sur eux ? «Ça nous dit que Toyota est la marque automobile la plus connue», estime Benoit Duguay. «Pour Toyota, il y a un peu d'inflation boursière associée à cela», suppose Jean-François Ouellet.

Et pour Audi ? «On parle ici de la marque et de sa notoriété, pas uniquement de ses ventes, dit M. Duguay. Il y a des marques très fortes et d'autres qui le sont moins.» Sinon comment expliquer la position éloignée au classement de la pétrolière Shell (65e) ?

«C'est la perception qui compte d'abord et non pas la réalité», estime M. Ouellet.

QU'EST-CE QUE ÇA VAUT ?

Que vaut finalement ce classement Interbrand ? Perplexe, Benoit Duguay répond qu'il ne sait tout simplement pas. Jean-François Ouellet, lui, a le réflexe de préciser d'emblée que «ce classement est respecté mondialement». Pour Bernard Motulsky, «c'est a priori plus du divertissement qu'une étude très sérieuse». «Un classement est toujours sujet à caution. Ceci doit être pris comme un indicateur, mais pas comme un jugement absolu», ajoute-t-il en se demandant à quelle fin ce classement est fait.