La petite histoire de l'automobile nous apprend que les automobiles Bentley ont longtemps été des Rolls-Royce très légèrement maquillées destinées à des milliardaires discrets préférant rouler sous le couvert d'une marque moins ostentatoire que celle identifiée par la légendaire statuette Spirit of Ecstasy.

Aujourd'hui, et ce depuis 1998, ces somptueuses limousines appelées Phantom ou Mulsanne ne sont plus des soeurs jumelles, mais d'âpres concurrentes se disputant le riche marché de la voiture faste.

La Bentley Mulsanne qui tient son nom de l'un des virages du circuit où est disputé les 24 Heures du Mans a fait une entrée en scène remarquée en devenant la première nouvelle limousine de cette marque depuis 1930, si l'on tient compte que les précédentes étaient des simulacres de Rolls-Royce.

Le prix d'un condo haut de gamme...

Ce pan d'histoire mis à part, la voiture essayée affichait une valeur de détail de 358 160$, un prix auquel il faut ajouter pas moins de 53 610$ en taxes, soit une somme à peu près équivalente à ce que vous coûterait, disons une Audi A6 neuve. Total: 411 770$ ou le prix d'un condo haut de gamme.

C'est plus cher qu'une Ferrari pour une voiture qui, avec une vitesse de pointe de 300 km/h, roule aussi vite qu'une Porsche Panamera Turbo.

Il serait donc avisé de demander à votre chauffeur s'il possède de bonnes notions de la course automobile avant de lui confier le volant de votre Mulsanne. À moins que vous soyez tenté de la conduire vous-même pour ne pas vous priver du fabuleux arsenal de puissance qui réside sous le capot avant.

Détail étonnant, on y trouve depuis 1949 le même V8 de 6,7 litres, bien que l'ajout de deux turbocompresseurs Mitsubishi et d'une demi-douzaine de mises à jour ait fait passer sa puissance à 505 chevaux à un régime particulièrement bas de 4200 tours-minute.

Et que dire du couple de 752 livres/pied livré à 1750 tr/ min dont la force arrive à triompher sans sourciller des 2300 kg de ce mammouth de la route?

Moteur V4 ou V8

Avant de pousser les hauts cris, permettez-moi de préciser que Bentley a fait sa bonne action pour l'environnement en dotant cette artillerie d'un dispositif de désactivation des cylindres permettant d'en faire un moteur V4 en temps opportun.

Avec un peu de bonne volonté, on arrive à réduire la consommation à 16,2 litres aux 100 km. Dans un autre effort pour se mettre au diapason, la Mulsanne fait appel à une transmission ZF à huit rapports qui, au fait, est la même que celle utilisée par Rolls-Royce dans son modèle Ghost.

Ce qui ressort surtout d'une randonnée au volant de la Mulsanne, c'est ce désir des ingénieurs de la rendre moins rébarbative à conduire, un effort qui se ressent par les nouveaux réglages appliqués aux diverses phases de la conduite.

Pourvu que l'on prenne soin de placer la suspension en mode sport, la voiture voit son roulis et son tangage diminuer sensiblement sans que le confort soit véritablement perturbé. Du même coup, la direction et la transmission s'ajustent pour une conduite moins artificielle.

Ce qui étonne le plus cependant en s'installant au volant, c'est l'insonorisation et le faible niveau sonore du moindre accessoire. Ainsi, l'écran central s'escamote sans aucun bruit tandis que le volant qui adopte la position présélectionnée bouge dans un silence d'abbaye. Ce qui n'empêche pas l'habitacle de se transformer en salle de concert grâce à une chaîne audio dont Claude Gingras vanterait sûrement les mérites.

C'est en reluquant l'habitacle de la Mulsanne que le prix faramineux de ce salon motorisé finit par s'extérioriser. Les cuirs impeccables, les bois luisants et les chromes scintillants créent une ambiance de richesse inouïe. Bentley nous dit qu'il faut deux jours à une ouvrière spécialisée pour coudre le cuir recouvrant partiellement le volant.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

50% de la Bentley Mulsanne est l'oeuvre de travail manuel comme le démontrer ce moteur signé par son assembleur.

Deux mois de travail

On justifiait autrefois le prix d'une telle limousine par le très fort pourcentage de travail manuel qui entrait dans sa construction. C'est encore vrai de nos jours dans une proportion de 50%, ce qui explique qu'il faille deux mois pour achever l'assemblage d'une Mulsanne. Cela n'en fait pas une voiture parfaite pour autant. Sa maniabilité, par exemple, vous fera souhaiter d'avoir requis les services de votre chauffeur pour une sortie en ville. Le volant exige près de quatre tours d'une butée à l'autre, une solide corvée malgré la direction assistée.

J'ai bien aimé en revanche la position de conduite élevée qui facilite les manoeuvres en ville ainsi que la possibilité d'activer la caméra de recul indépendamment de la position du levier de vitesse.

À l'arrière, tradition oblige, on trouve la table de travail fixée au dossier avant et les miroirs pivotants. Le confort y est suprême avec des sièges bénéficiant de huit réglages différents.

Malgré son opulence, ses dimensions colossales et sa très grande distinction, la Bentley Mulsanne n'inspire pas tout à fait la même adulation et, inversement, les mêmes quolibets que son ancienne partenaire, la Rolls-Royce.

En cela, elle demeure fidèle à sa vocation première qui est d'offrir une limousine de premier rang et l'égale d'une Rolls-Royce sans attirer indument l'attention.

C'est ce qui lui permet d'être conduite avec ou sans chauffeur.

 

ON AIME

> Insonorisation remarquable

> Aménagement intérieur majestueux

> Confort douillet

ON AIME MOINS

> Le prix d'un condo haut de gamme

> Chauffeur non inclus

> Maniabilité nulle

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Un tableau de bord d'une splendeur qui justifie le montant élevé de la Bentley Mulsanne.