Dans certains cercles militants où on ne jure que par la voiture électrique, «moteur à combustion interne» est presque devenu une expression vulgaire à ne pas prononcer à table.

Mais si vous êtes un peu moins exalté et s'il y a encore de l'amour dans votre coeur pour la belle mécanique, admirez le moteur diesel deux-temps à turbocompression 14RT-flex96C du motoriste finlandais Wärtsilä. Cet amour de 14 cylindres a une puissance de 108 920 chevaux-vapeur est un des moteurs à pistons les plus puissants au monde.

Et il est aussi un des plus énergétiquement efficaces. Mais on parlera de ça un peu plus tard.

Car avant, c'est ici qu'il faut s'occuper des jeunes hommes qui portent des casquettes à grosses palettes et des bijoux bling-bling, et qui viennent de penser «J'en veux un dans ma Scion!» en lisant le titre: le 14-RT-flex96-C est plus gros qu'un immeuble à huit logements alors, non, c'est impossible d'en mettre un sous le capot d'une petite japonaise.

Pas pour les courses d'accélération du samedi soir

La famille de moteurs le RTA96-C a été conçue pour propulser les plus grands navires porte-conteneurs qui sillonnent les mers. Il vient en six, huit, dix, douze et, oui madame, quatorze cylindres développant chacun 7780 chevaux-vapeurs. La puissance maximale de ce moteur deux-temps est atteinte à 102 tours-minutes (60 fois moins vite qu'un moteur de Scion xB au sommet de son couple, si vous avez vraiment besoin de le savoir).

Avez-vous idée de ce que signifient 7780 chevaux-vapeurs par cylindre? Les V8 Ferrari utilisés dans les F1 produisent 90 CV par cylindre et sont des machines épeurantes. La Mustang Boss 302 2011 a un moteur de 5 litres et de 444 CV. Le 14-RT-flex96-C a un déplacement de 25 480 litres (1 556 002 pouces cubes, si vous avez plus de 50 ans) et il pèse 2300 tonnes, à peu près le poids de 1400 Mustang.

On trouve un de ces moteurs en I dans les entrailles du Emma Maersk, le plus grand porte-conteneurs au monde (capacité: 15 500 conteneurs).

Un autre fabricant de moteurs marins, l'Allemand MAN Diesel, vient de mettre à son catalogue un moteur 14-cylindres encore plus puissant, soit 116 917 chevaux-vapeurs.

Même technologie que l'Alfa Romeo 156 1.9 JTD 1997!

Le RT-flex96-C de Wärtsilä utilise une technologie qui a été développée par les motoristes maritimes, puis empruntée par l'industrie automobile, l'injection électronique à rampe commune. La première voiture équipée de ce genre de moteur diesel était l'Alfa Romeo 156 1.9 JTD 1997. On en trouve maintenant dans de nombreuses versions diesel de modèles européens vendus en Amérique du Nord.

Discuter de l'empreinte écologique d'un navire est complexe et ce n'est sûrement pas dans La Presse Auto/MonVolant que vous trouverez le point final sur ce débat écolo-maritime qui prouve que tout est relatif. D'abord, on peut dire que les grands navires océaniques sont relativement peu polluants, parce qu'ils déplacent des tonnages de marchandises hallucinants, en proportion du combustible consommé. Kilomètre pour kilomètre et tonne pour tonne, aucun moyen de transport n'approche un navire, à part le train.

Par contre, la plupart des navires, océaniques ou côtiers, consomment un combustible bon marché vraiment sale et très polluant. Ils sont alimentés au «bunker C», un mazout lourd tellement visqueux qu'il faut le chauffer à 120 degrés Celsius afin de le rendre assez liquide pour être injecté dans un moteur. Le bunker C est le moins raffiné des carburants produits par l'industrie pétrochimique. Les deux seuls produits plus visqueux sont le noir de carbone et les résidus bitumineux utilisés dans l'asphalte. Le bunker C est dégueulasse.

La combustion du bunker C libère du soufre en grande quantité, et d'autres polluants, notamment des composants aromatique polynucléaires, réputés toxiques.

Mais les moteurs marins s'améliorent. De nouvelles normes américaines doivent entrer en vigueur en 2014. La famille de moteurs diesel RT-flex96-C est capable de brûler non seulement du Bunker C, mais aussi des carburants plus propres, a indiqué à La Presse Andrea Sichler, de Wärtsilä.

Même s'il est alimenté au Bunker C, le RT-flex96-C offre une consolation écologique: il a une efficacité thermique de plus de 50%, ce qui veut dire que plus de la moitié de la chaleur produite par la combustion du carburant est convertie en mouvement. La plupart des véhicules routiers personnels ont une efficacité thermique d'entre 25% (essence) et 30% (diesel).

Peut-on imaginer des moteurs marins de 16, 18 ou 20 cylindres?

Ça n'arrivera pas dans l'avenir prévisible, répond Andrea Sichler, de Wärtsilä, même si les armateurs projettent des navires toujours plus gros: «Les commandes des navires futurs prévoient des vitesses moindres qu'il y a deux ou cinq ans. Alors la puissance requise est relativement moindre. Et des moteurs plus puissants requerraient des hélices plus grosses, ce qui poserait des problèmes de design des navires et de profondeur, dans les ports. Par conséquent, deux hélices, mues par deux moteurs plus petits, seraient probablement une solution plus viable, dans les super-navires du futur.»

Photo Wikipedia

L'Emma Maersk, le plus gros porte-conteneur au monde.