De l'extérieur, on peut raisonnablement s'interroger sur la stratégie du patron de Fiat, l'Italo-Canadien Sergio Marchionne, de sortir Maserati de la confidentialité. Pour mémoire, celui-ci s'est fixé comme objectif d'écouler 50 000 véhicules d'ici 2015. Un pari que d'aucuns jugeaient, hier encore, complètement insensé. Après tout, Maserati n'a fait immatriculer que 6288 de ses voitures l'année dernière.

Mais l'investissement de quelque 2 milliards de dollars (canadiens) consenti par le groupe Fiat pour restructurer Maserati commence à porter ses fruits. Marchionne risque de confondre - une fois de plus - ses détracteurs. Pour preuve, la petite manufacture de Modène a plus que quadruplé ses ventes cette année.

Cette embellie s'explique en partie par le renouvellement de la Quattroporte qui, pour la première fois de son histoire, agrafe un rouage intégral à son soubassement. Une caractéristique aujourd'hui jugée essentielle par les clients de la haute. Maserati a - tout comme Jaguar - mis beaucoup de temps à reconnaître cet axiome.

Toujours comme Jaguar, la marque italienne réserve son dispositif à quatre roues motrices à l'usage exclusif de sa version V6 nouvellement créée. La version V8, toujours au catalogue, se limite à entraîner les roues arrière. Par conséquent, pour s'afficher en toutes saisons au Québec, Maserati ne nous laisse guère le choix: la V6 SQ4 ou rien. Pour le moment, puisque la rumeur court que la V8 y aura droit éventuellement pour faire comme tout le monde (Audi A8, BMW Série 7, Lexus LS, Mercedes Classe S). Pourquoi, donc, Maserati n'est pas comme les autres? De fait, aucune des rivales précitées ne peut se targuer de faire rugir un V6 d'origine Ferrari sous son capot.

Un V6 volcanique

Arrondissons les angles, voulez-vous? Le V6 de 3 litres suralimenté par deux turbocompresseurs de la Quattroporte n'est pas si différent du V8 3,8 litres biturbo. Les deux mécaniques ont beaucoup en commun. La différence majeure, hormis naturellement la puissance et le couple, est le calage des deux bancs de cylindres. Le V8 est de 90 degrés, alors que le V6 est de 60 degrés.

Considérant l'aura de prestige de ces deux mécaniques, pourquoi les a-t-on masquées sous de vulgaires caches en plastique?

On ne voit rien, mais on entend. Il suffit de presser le bouton de démarrage et la fanfare éclate. De la musique aux oreilles.

La magie de la suralimentation aidant, les 404 chevaux déployés par le V6 n'ont pas à rougir de la concurrence, même chez les «grosses cylindrées». Tenez, par exemple, les V8 allemands. Leur cavalerie n'est plus imposante dans leur configuration de base. Le V8 de 4 litres compressé de l'Audi A8 annonce 420 chevaux, alors que le V8 de 4,4 litres biturbo de la Série 7 de BMW en affiche 443. Un rendement certes extraordinaire, mais qui se paie à la pompe. Mais qu'est-ce qu'elle consomme! Même si l'acheteur de ce type de voiture accorde peu ou pas d'importance à ce facteur, il ne peut demeurer complètement insensible à l'environnement. Et Maserati non plus. Des solutions techniques existent, et Maserati aurait tout intérêt à les utiliser.

Cela dit, pour canaliser la fougue de ce moteur, Maserati a recours à une boîte semi-automatique à huit rapports. Celle-ci, produite par l'équipementier allemand ZF, a été éprouvée déjà par bon nombre de concurrents de la Quattroporte. Celle-ci autorise des changements de vitesse au moyen d'immenses palettes fixées à la colonne de direction. Elles sont ravissantes, efficaces, mais un brin encombrantes quand vient par exemple le moment d'actionner le levier des clignotants.

Voilà sans doute la seule faute d'ergonomie à bord de cette auto. Elle pèche cependant dans d'autres domaines, principalement en matière de créativité. C'est bien joli, le partage des composantes, mais encore faut-il que celui-ci ne relève pas de l'évidence. Un peu de subtilité, je vous en prie. Plutôt que de s'affaler, insouciant, dans les fauteuils de cette italienne, la rétine du connaisseur focalise sur les commutateurs. Tous proviennent de Chrysler. Y compris l'écran central, sans oublier le système de navigation qui l'accompagne. Considérant le prix demandé et, surtout, le caractère exclusif dont cette marque se réclame, on s'agace de ces détails triviaux.

Cela ne remet pas en cause le bon fonctionnement de ces boutons, sélecteurs, commandes et autres interrupteurs. Pour se distraire, mieux vaut humer les cuirs ou caresser le vernis du bois apposé au tableau de bord. Dans ce domaine, rien à redire. La finition «légère» longtemps attribuée aux automobiles italiennes ne trouve aucune justification à bord de la Quattroporte. Cette dernière, faut-il préciser, prend naissance dans l'une des chaînes d'assemblage les plus sophistiquées d'Italie. Il s'agit de l'ex-usine du carrossier Bertone à Grugliasco, en banlieue de Turin.

Comme une chaussure italienne, la Quattroporte respire l'élégance, mais ne parvient pas toujours à satisfaire toutes les pointures. En un mot, on s'y sentait à l'étroit. Maserati a pris acte de cette récrimination. Cette sixième mouture adopte un habitacle plus ample, principalement pour séduire les États-Unis et la Chine, ses deux principaux marchés de conquête. L'acheteur a le loisir d'opter pour une configuration à quatre ou cinq places. Des deux, je préfère la version à quatre places, plus intimiste d'abord, tout en vous assurant le confort additionnel d'un baquet.

Les propriétaires de certaines voitures de prestige ne manqueront pas de relever - avec raison - de nombreux accessoires (ou gadgets, c'est selon) à bord de l'italienne. Cette dernière, il est vrai, ne comporte pas de pavé tactile pour composer un numéro de téléphone ou encore d'une commande centrale - une molette ou une souris, par exemple - pour paramétrer ad nauseam son véhicule. Non. Cette Maserati est une sportive pur jus. Si on aime cette approche, aucun problème. Les autres savent où s'adresser.

Uno? No! Due

Une fois n'est pas coutume, cet essai s'est réalisé en deux temps. Un premier contact a été établi avec la Quattroporte il y a quelques semaines (voir notre vidéo), puis un second après que la neige a généreusement saupoudré tout le Québec.

La première prise en main a mis, sans surprise, en relief le tempérament sportif de cette Maserati. L'auto vire à plat et se laisse aisément guider; ses dimensions imposantes se font rapidement oublier. Au volant, elle dégage une (fausse, considérant son poids) impression de légèreté par rapport à ses rivales allemandes. Ces dernières sont gaillardes et parfois un peu coincées, alors que la Maserati est plus folâtre. Au jeu des comparaisons toujours, l'italienne est plus fermement suspendue que ses concurrentes, généralement plus souples pour lisser les aspérités de la chaussée.

Sur la neige, le rouage à quatre roues motrices conçu par l'entreprise canadienne Magna fait merveille. Celui-ci permet d'acheminer jusqu'à 50% de la puissance aux roues avant lorsque celles de derrière perdent de la motricité. Le correcteur de stabilité électronique est pour sa part peu intrusif et donne une - petite - chance au conducteur sportif de corriger lui-même une quelconque dérive de l'auto.

Résumons. Cette Quattroporte ravira les esthètes par son élégance, son exotisme et ses performances. Elle représente à coup sûr une solution de rechange originale aux «traditionnelles» berlines allemandes, japonaises et anglaise (Jaguar XJ). Considérant les ambitions commerciales du patron, Maserati se doit de mieux «déguiser» certains détails (les interrupteurs de Chrysler, par exemple) et faire meilleur usage des avancées techniques, comme la coupure automatique à l'arrêt pour diminuer la consommation.

L'offensive

Fondée le 1er décembre 1914, Maserati célébrera son 100e anniversaire cette année. La marque, dont l'emblème s'inspire de la statue de Neptune, entame le renouvellement complet de sa gamme. Ainsi, quelques semaines après la sortie de la Quattroporte, Maserati a entrepris la commercialisation de la Ghibli.

Cette dernière n'a rien à voir avec le coupé du même nom apparu pour la première fois dans les années 60 et 70. La nouvelle s'habille au contraire d'une classique carrosserie à quatre portes et repose sur une évolution d'une architecture initialement mise au point par Mercedes-Benz et ensuite retouchée par Chrysler...

Au sujet du constructeur américain toujours, celui-ci prête également une autre base technique à la firme de Modène. En effet, le Jeep Grand Cherokee se métamorphosera en Maserati Levante au cours des prochains mois. Maserati souhaite écouler 20 000 unités de ce modèle. Le coupé GranTurismo et le cabriolet GranCabrio seront, pour leur part, rénovés d'ici 2016-2017.

Photo fournie par le constructeur

L'essentiel

Marque/modèle : Maserati/Quattroporte

Fourchette de prix : 117 900 $ à 147 900 $

Garantie de base : 4 ans/80 000 km

Consommation réelle : 14,3 L/100 km

Pour en savoir plus : maseratiquebec.com

Moteur (essence) : V6 DACT 3 litres suralimenté

Puissance : 410 ch à 5500 tr/min

Couple : 405 lb-pi de 1750 à 5000 tr/min

Poids : 1920 kg

Rapport poids-puissance : 4,6 kg/ch

Mode : intégral

Transmission de série : semi-automatique 8 rapports

Transmission optionnelle : aucune

Direction/diamètre de braquage (m) : crémaillère/11,8

Freins av-arr : disque/disque

Pneus (av-arr) : 245/45R19 - 275/40R19

Capacité du réservoir/essence recommandée : 80/super

On aime

> Mécaniques véloces

> Comportement sportif

> Rouage intégral, enfin!

On aime moins

> Retard technologique (poids-consommation-connectivité)

> Commutateurs empruntés à la grande série

> Empreinte écologique