Ce qui était le fait de certains consommateurs il y a quelques années devient aujourd'hui la norme. Les Canadiens ne cessent d'allonger la durée de leur prêt automobile, appâtés par des taux d'intérêt à 0% et cherchant uniquement à obtenir la mensualité la plus faible possible. Ce choix a ses limites et suscite certaines inquiétudes.

D'une source à l'autre, tout indique que l'automobiliste canadien n'hésite plus à rembourser sa voiture neuve sur une période de six, sept ou même huit ans!

Le cabinet d'analyses J.D. Power a récemment estimé que la durée moyenne d'un prêt automobile était de 69 mois au Canada.

Les demandes de prêt automobile y ont augmenté de 9% au dernier trimestre de 2013, comparativement à la même période un an plus tôt, selon Equifax Canada. La société spécialisée dans l'analyse de crédit évalue, elle, à plus de 72 mois le terme d'un prêt automobile moyen.

À l'Association pour la protection des automobilistes (APA), on observe que cette durée moyenne est même dorénavant de 84 mois.

L'allongement de la période de remboursement est favorisé par l'essor des taux d'intérêt à 0% sans qu'une mise de fonds ne soit exigée et par des mensualités relativement faibles. Sans compter que contrairement à un prêt hypothécaire, un prêt automobile est fixe et n'a pas à être renégocié après quatre ou cinq ans.

Prêt à long terme et dépréciation

Analystes économiques, observateurs du marché automobile et défenseurs des consommateurs résument de la même manière cette tendance: des prêts de six à huit ans, «ça fait mal». À moyen et à long terme.

En effet, de telles durées de remboursement «favorisent un endettement continuel des consommateurs», comme le souligne le président de l'APA, George Iny. Un avis partagé dans l'Ouest canadien par la Credit Counselling Society (CCS), pour qui ces prêts incitent les gens à contracter plus de dettes qu'ils ne peuvent en soutenir à long terme.

Mais le plus grand danger d'un prêt automobile à long terme est qu'il repousse le moment où la valeur de revente du véhicule devient égale ou supérieure à la dette associée au véhicule. Parce qu'une automobile se déprécie rapidement - de 40% à 50% en moyenne les trois premières années -, plus le terme du prêt est long, plus l'automobiliste devra attendre avant de pouvoir revendre sa voiture sans perdre de l'argent lors de la transaction.

Par exemple, une voiture de marque américaine achetée neuve pour 20 000$ avec un prêt sur 8 ans à 0% ne vaudra plus que 10 000$ au bout de trois ans, moment où il restera encore 12 500$ à rembourser. Si son propriétaire décide de la vendre au bout de ces trois ans, non seulement il ne fera pas un sou, mais il devra encore de l'argent avant même d'avoir souscrit à un nouveau prêt pour sa prochaine voiture. Dans cet exemple-ci, le propriétaire devrait attendre environ cinq ans et demi avant d'espérer dégager un léger bénéfice de la revente de sa voiture.

Comme l'affirmait dernièrement à Bloomberg le président de la CCS, Scott Hannah, «ce n'est pas dans le meilleur intérêt du consommateur que de prendre un prêt à long terme pour un bien qui se déprécie».

Nombreux pourtant sont ceux qui le font et, pire encore, nombreux sont ceux qui ne conservent pas leur véhicule plus de quatre ou cinq ans.

Que faire alors? Dans un monde idéal, il faudrait se limiter à un prêt sur cinq ans accompagné d'une bonne mise de fonds. «La mise de fonds n'est plus populaire, rétorque George Iny. Tout le monde en est à des paiements mensuels, pour tous ses biens, d'ailleurs.»

Ce que bien des commerçants notent: le consommateur cherche à obtenir la plus basse mensualité, pas le meilleur prix. Parce que, bien souvent, il n'a pas le budget pour payer des mensualités plus élevées pendant une plus courte période.

La meilleure démarche ne consisterait-elle pas à revoir ses envies à la baisse, tout simplement?

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À quand la fin?

Fondamentalement, personne n'est contre les taux d'intérêt à 0% pour un prêt automobile. C'est pourquoi, tant que ceux-ci n'augmentent pas, l'emprunt à long terme peut être intéressant pour certains. À condition d'être discipliné et vigilant. Car le jour où tous les taux d'intérêt remonteront, le budget du foyer devra être revu. Et le marché automobile écopera. Il faudra s'attendre à ce que des voitures plus petites et moins chères soient convoitées. À moins que les constructeurs ne poussent le bouchon encore plus loin, en allongeant la durée des prêts, bien au-delà de huit ans... Des commerçants y pensent déjà.