L'un des véhicules les plus vendus en Amérique, le F-150 de Ford, sera commercialisé à la fin de l'année avec une carrosserie constituée entièrement d'aluminium. Pour les alumineries, cette orientation de Ford - en particulier - et de l'industrie automobile - en général - est aussi importante que l'invention de la fameuse cannette, dans les années 50. Rien de moins. Mais pourquoi diable notre voiture est-elle soudainement faite d'alu?

Les apparences sont trompeuses

Que ce soit un capot, les portières, la carrosserie entière ou le châssis seul, l'aluminium est présent dans les voitures depuis plusieurs années - pour ne pas dire des décennies. Du moins dans certaines voitures. Et pas des moindres: Jaguar XE, Type F, Aston Martin, Audi A8, Range Rover ou encore Mercedes SL, pour ne citer que ces marques et modèles. Les voitures électriques que sont la Tesla Model S et la BMW i3, par exemple, ont rejoint cette cohorte de voitures de luxe et haut de gamme constituées en tout ou en partie d'aluminium.

Les apparences sont donc trompeuses quand on pense que Ford a provoqué une petite évolution - ou révolution - en dévoilant en janvier, au salon de Detroit, son prochain F-150 dont la cabine, le train avant et le plateau sont faits uniquement d'aluminium.

Une percée significative

Que le véhicule le plus vendu au Canada soit prochainement constitué d'autant d'aluminium représente néanmoins une percée significative de ce matériau dans l'industrie automobile. Le F-150 sera le premier véhicule grand public du genre sur le marché.

Ce choix de Ford a d'ailleurs donné des idées à la concurrence. Au cours de l'hiver, on apprenait que General Motors avait l'intention de sortir à la fin de l'année 2018 une camionnette constituée en partie d'aluminium.

Le Groupe Toyota, lui, s'orientera vers ce matériau plus timidement. Sa Lexus RX-350 modèle 2016 sera dotée d'un capot et d'un hayon en aluminium. Avant que la Toyota Camry 2018 n'en bénéficie.

Pourquoi ce choix?

La raison essentielle pour laquelle de plus en plus de constructeurs utilisent ce métal est que la nouvelle législation américaine impose des normes de consommation d'essence draconiennes. D'ici 2025, la consommation moyenne des véhicules devra être de 4,36 L/100 km.

Pour atteindre cet objectif, des constructeurs se tournent vers le diesel ou l'injection directe quand d'autres choisissent de diminuer le poids des véhicules pour réduire leur consommation d'essence. Et c'est là que l'aluminium intervient.

Des avantages multiples

Pour l'industrie automobile, ce métal a des propriétés très intéressantes, comme l'explique Jean Simard, président de l'Association de l'aluminium du Canada: «Il permet d'utiliser moins de volume de matériaux pour la même finalité. Avec l'aluminium, on peut prévoir le comportement et la réaction physique du véhicule. Le problème de l'acier est qu'il éclate et qu'il est imprévisible en matière de réaction à un impact. On en met donc plus pour que ce soit plus solide. L'aluminium se comporte en accordéon lors d'un impact. Sa capacité d'absorption est deux fois plus importante que celle de l'acier.»

Plus résistant, l'aluminium est également plus léger que l'acier. «J'ai besoin de moins de matériaux, il y a moins de poids, donc moins d'essence consommée, donc moins besoin de gros moteurs», résume M. Simard. Avec sa carrosserie en aluminium, Ford a pu ainsi réduire le poids de son F-150 d'environ 320 kg. Le véhicule a gagné en charge utile, en capacité de remorquage et en efficacité au freinage.

L'autre avantage est l'absence de corrosion. «L'alliage d'aluminium du nouveau F-150 ne produit pas de rouille rouge comme l'acier», certifie d'ailleurs le constructeur américain.

Pour couronner le tout, l'aluminium est grandement recyclable. Près de 90% des résidus d'aluminium générés actuellement dans l'industrie automobile seraient récupérés et recyclés. Le recyclage de l'alu nécessiterait 95% moins d'énergie que son extraction à partir de bauxite, son minerai d'origine principal, plus polluante et plus coûteuse.

Ses inconvénients

Si l'aluminium a rarement été prisé des constructeurs dans l'histoire, c'est avant tout en raison de son prix élevé. Un prix qui a considérablement baissé ces dernières années. «Le prix est bas sur les marchés depuis 2009, on est alors passé de 3000$ à 1200$ la tonne», dit Jean Simard.

Jusqu'alors, les constructeurs automobiles ne possédaient pas les chaînes de production correspondant à ce matériau et leur main-d'oeuvre n'y était pas nécessairement formée. Des investissements nécessaires réalisés par Ford ces dernières années.

Chez les carrossiers, la réparation d'une pièce en aluminium est une opération délicate, sans pour autant être plus longue ou plus chère que pour une pièce en acier. «On peut modeler l'acier comme on veut. L'aluminium, il faut le chauffer à une certaine température pour éviter les fissures et les craquages de la pièce», explique Sylvain Perreault, de Carrosserie Frontenac. Avec l'utilisation grandissante de l'aluminium, les carrossiers doivent être formés et les ateliers, outillés.

Comme chacun sait, l'industrie de l'aluminium a mauvaise presse, car elle engendre une pollution fluorée, gazeuse et boueuse qui doit être captée et stockée. Grande consommatrice d'eau, elle nécessite deux fois plus d'électricité que pour la production d'acier.

Ces inconvénients ne freineront en aucun cas l'utilisation grandissante de l'aluminium dans l'industrie automobile. Après la cannette, elle constituera votre camionnette.

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Photo Carlos Ororio, archives AP

Avec sa carrosserie en aluminium, Ford a pu réduire le poids de son F-150 d'environ 320 kg.

Il en manque!

Propulsée par l'automobile, la croissance de la consommation d'aluminium est telle que la production nord-américaine de ce matériau, presque uniquement canadienne, est insuffisante.

«En Amérique du Nord, on consomme plus d'aluminium que l'on en produit, environ 4,5 millions de tonnes pour 3,2 millions produites. L'aluminium, c'est le bâtiment, le transport, l'aérospatial et les emballages, mais le secteur automobile est celui qui tourne vraiment actuellement», résume Jean Simard, président de l'Association de l'aluminium du Canada.

Conséquence, les alumineries canadiennes voient à présent de l'aluminium arriver en provenance du Moyen-Orient et de la Russie. Elles demandent au gouvernement un soutien à la production accrue.

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Photo Woohae Cho, archives Bloomberg

Les alumineries canadiennes voient à présent de l'aluminium arriver en provenance de l'extérieur, car la demande est plus grande que la production.

Divers alliages

L'aluminium n'est jamais utilisé à l'état pur. Le magnésium, le silicium, le chrome, le cuivre, le manganèse et le fer sont autant d'éléments qui peuvent lui être associés pour lui conférer plus de résistance, pour le mouler plus facilement ou pour le déformer de différentes manières selon les besoins (laminage, pliage, emboutissage).