La consommation moyenne d'essence des véhicules nord-américains n'a jamais été aussi basse. Et s'améliore d'année en année. Elle est cependant loin, très loin, des exigences environnementales qui devront être respectées d'ici 10 ans. Les constructeurs réussiront-ils à les atteindre ? Et l'automobiliste ordinaire appréciera-t-il toujours autant son VUS?

L'Agence américaine de l'Environnement (EPA) a annoncé au début du mois une consommation moyenne record du parc automobile américain: 9,8 L/100 km pour l'année-modèle 2013. Un chiffre en baisse de 0,4 L/100 km par rapport à celui de l'année-modèle 2012. Selon l'EPA, pour l'année-modèle 2014, on se dirige vers une moyenne très légèrement inférieure à ces 9,8 L/100 km.

Les moteurs à injection directe, le turbo ou les nouvelles transmissions suffiront-ils néanmoins pour atteindre la moyenne de 4,36 L/100 km à bord des véhicules de l'année-modèle 2025, comme l'exige l'administration Obama? Étant donné que cette consommation moyenne doit pour cela fondre de plus de moitié en 12 ans, on peut en douter. D'autant plus lorsque l'on examine les moyennes des années passées.

«Ce n'est pas surréaliste dans la mesure où il y a des véhicules aujourd'hui qui consomment 4 ou 5 L/100 km, sans compter les hybrides et les tout électriques sur le marché. Mais c'est ambitieux, c'est sûr», estime Pierre-Olivier Pineau, professeur aux HEC de l'Université de Montréal.

«Techniquement, c'est possible en si peu de temps car on travaille à présent sur le poids des véhicules et leurs moteurs. (...) Sous la contrainte, les constructeurs ont tendance à réagir plus rapidement», estime Yan Cimon, professeur spécialiste de l'industrie automobile à l'Université Laval.

Il va déjà falloir que les gouvernements se montrent convaincants à l'égard des vendeurs et des acheteurs d'automobiles. «Avec les prix du pétrole qui baissent, on pourrait imaginer que cela amoindrit l'exigence économique de devoir diminuer la consommation d'essence. Mais les impératifs environnementaux, eux, restent là», dit Pierre-Olivier Pineau.

La résistance des constructeurs automobiles et la réticence des consommateurs risquent également d'être alimentées par les coûts. «Les petits véhicules vont devoir être privilégiés et si la technologie est plus chère, les coûts d'achat vont augmenter», ajoute ce spécialiste en politique énergétique.

Mais comment peut-on imaginer que la clientèle va se tourner massivement vers des véhicules moins énergivores, donc plus petits, quand on sait que les VUS, multisegments et camionnettes représentent près de 60% des ventes sur le marché canadien? Ou quand on connaît l'appétit des Américains pour les gros véhicules?

Sachant que les ventes de ces véhicules ne cessent d'augmenter, la popularité des VUS confrontée à cette exigence de consommation représente un «énorme défi», pour ne pas dire un «problème». Le client risque de ne plus avoir accès au VUS espéré ou de ne plus avoir droit aux performances auxquelles il s'attendait.

«Il va y avoir un choc sur le marché. La baisse de la consommation va se heurter aux goûts des consommateurs. Ce choc social est inévitable et non négociable», prédit Pierre-Olivier Pineau.

«Le goût pour les gros véhicules ne s'effacera pas, mais il va falloir un changement culturel important», conclut Yan Cimon.