Le marché automobile iranien, délaissé par les constructeurs étrangers en raison des sanctions liées au dossier du nucléaire, leur ouvre de nouveau ses portes. Mais Téhéran entend désormais imposer ses conditions.

Pour la deuxième année consécutive, la capitale iranienne accueille lundi une conférence internationale de l'industrie automobile. Les grandes marques mondiales - Benz, Volkswagen, Renault, Peugeot, Kia et Toyota - sont attendues, mais il n'était pas clair si les Américains General Motors et Ford y participeraient.

Les organisateurs veulent attirer les investisseurs étrangers, mais pas à n'importe quel prix.

Le ministère de l'Industrie réclame notamment que 40% de la production soit faite en Iran en début de partenariat, pour atteindre 85% en cinq ans, et que les Iraniens bénéficient des réseaux de vente du partenaire étranger.

Le marché iranien, l'un des plus grands du Moyen-Orient avec 77 millions d'habitants, a été sévèrement touché depuis 2012 par un embargo bancaire européen et américain empêchant les transferts internationaux, aggravé par les sanctions américaines sur l'automobile à l'été 2013.

Plusieurs grands groupes, comme le français PSA-Peugeot Citroën et le sud-coréen Hyundai, ont quitté le pays. D'autres, comme Renault, qui importe des pièces détachées assemblées dans son usine de Téhéran, ont baissé drastiquement leur production.

Le secteur s'est effondré, passant de 1,6 million de voitures en 2011 à environ 800 000 en 2013.

Mais la levée, au début de 2014, des sanctions contre le secteur automobile iranien, dans le cadre de l'accord intérimaire sur le nucléaire conclu entre Téhéran et les Occidentaux il y a un an, a réveillé l'intérêt des constructeurs étrangers pour ce marché au fort potentiel.

Les dirigeants de PSA ont ainsi rencontré de hauts responsables iraniens, en octobre à Paris, pour évoquer un éventuel retour en Iran, son second marché en volume jusqu'en février 2012. Ce retrait lui a provoqué un manque à gagner d'une centaine de millions de dollars.

Payer le prix

«La production actuelle se fait sans l'aide des partenaires étrangers et nous attendons que nos anciens partenaires reviennent sur le marché iranien avec le plan que nous proposons et à nos termes», déclare à l'AFP Hashem Yekezareh, le PDG d'Irankhodro, lié par des co-entreprises à Peugeot, Renault et Suzuki.

Mais M. Yekezareh ne mâche pas ses mots à l'égard de Peugeot, qui «a quitté l'Iran et veut revenir alors que la situation s'améliore». «Il doit payer le prix pour ces actes», estime-t-il.

Irankhodro veut une co-entreprise à 50-50, contre 51% actuellement au partenaire étranger (Renault-Pars du constructeur français Renault), dans laquelle entreraient la production, les ventes, un transfert de technologies avec le secteur recherche et développement, des investissements avec l'unicité des plateformes, ainsi qu'un accès au réseau étranger de Peugeot.

«Nous pensons aux intérêts d'Irankhodro, et nous irons vers la société qui peut protéger au mieux ces intérêts», affirme le PDG.

Irankhodro, premier constructeur iranien avec 54% des parts de marché, souhaite atteindre 60% grâce à ces nouvelles conditions, et ambitionne de revenir dès cette année au niveau de 2011 (600 000 voitures).

Pour cela, il compte notamment sur deux nouveaux modèles construits en collaboration avec Renault mais pas encore en production et qu'il a présentés en octobre: le multisegment urbain Captur, un segment en pleine expansion, et la petite citadine Clio 4.

Firmes prudentes

Mais les sanctions bancaires toujours en vigueur contre la République islamique empêchent un vrai retour à la normale du marché.

Et, tant qu'un accord final sur le nucléaire, garantissant la levée intégrale des sanctions sur l'économie iranienne, n'est pas signé, les entreprises étrangères demeurent prudentes, redoutant le risque que les négociations n'aboutissent pas.

Mais «le jour où l'accord nucléaire est signé (...) les affaires reprennent», pronostique un expert automobile étranger.

Selon lui, un pré-accord aurait été conclu avec Skoda (Volkswagen). Hyundai et Fiat sont aussi sur les rangs. La branche indonésienne de Toyota pourrait également monter une usine d'assemblage.

Le paysage iranien sera beaucoup plus concurrentiel dans cinq ans, selon cet expert, qui participera à la conférence de Téhéran.

Mostafa Jafari, directeur commercial de Kerman Motor qui assemble les marques chinoises Lifan et JAC, dénonce toutefois l'exclusivité accordée par le gouvernement à Irankhodro et Saïpa, deuxième constructeur national, sur les citadines et les compactes - les deux segments les plus porteurs du marché -, une décision qui freine de facto la concurrence des autres constructeurs mais aussi des marques étrangères.