La présence sur le web est devenue l'une des dépenses les plus importantes faites par les concessionnaires automobiles. Les plateformes mobiles sont de plus en plus utilisées par les consommateurs lorsqu'ils magasinent. Après l'essor de la recherche en ligne de la meilleure voiture au meilleur prix, émerge dorénavant la vente directe d'automobiles neuves sur l'internet. Simple épiphénomène ou tendance lourde à venir?

Volvo se lance

Il y avait Tesla, il y a maintenant Volvo. Le constructeur suédois a annoncé avant les Fêtes son intention de vendre ses voitures directement sur l'internet, vraisemblablement dès cette année. Cette initiative de la part d'un tel constructeur - qui n'est certes pas majeur comme GM, mais beaucoup plus important que Tesla - pourrait donner rapidement des idées à la concurrence.

Volvo a testé le principe en septembre dernier en offrant uniquement sur son site web 1927 nouveaux modèles XC90 Première Édition. Ceux-ci ont tous été vendus en moins de 48 heures dans 27 pays, dont 61 unités rien qu'au Canada. Un projet-pilote qualifié de «très positif» et de «grande réussite» par Volvo Canada.

Le principe

Si l'on se réfère à l'expérience récente menée par Volvo, l'achat en ligne d'une voiture est relativement simple, une fois son choix élaboré et arrêté. Après avoir rempli les formulaires d'identification et d'information bancaire, l'acheteur verse 4000 $ par carte de crédit (Tesla demande 2500 $). Le dossier acheminé chez le concessionnaire, le client doit s'y rendre pour finaliser le contrat d'achat. Approuvée par Volvo, la vente est ensuite effective. Et le client prend livraison de sa voiture chez le concessionnaire.

Présente sur quelques sites ou entreprises spécialisés, cette pratique gagne du terrain aux États-Unis. AutoNation, le plus grand détaillant du pays, a récemment annoncé vouloir faire la même chose que Volvo. Le site CarsDirect promet, lui, de faire toute la paperasse et les démarches nécessaires à un achat dont il garantit le prix. Le client n'a plus qu'à se déplacer pour signer et prendre ses clés.

L'avantage

Il semble que rares sont les expériences de ce genre qui permettent d'éviter un passage chez le concessionnaire avant la signature. Il y a justement une nuance dans l'approche de Volvo. «Nous créons un écosystème en ligne qui simplifie le processus de magasinage pour acheter et détenir une Volvo», a déclaré dans un communiqué Alain Visser, vice-président marketing, ventes et service après-vente du Groupe Volvo.

Si la simplicité est le gros avantage de la vente directe en ligne, celle-ci s'adresse cependant à une clientèle d'automobilistes très précise, estime Yan Cimon, professeur au département de management de l'Université Laval.

«Il faut être ultrafidèle à une marque, acheteur d'un type précis de voiture et savoir ce que l'on demande», énumère ce spécialiste de l'industrie automobile.

Un produit unique, un achat spécifique. Tesla, par exemple, correspond à ce modèle d'achat. D'autant plus qu'il a encore des petits volumes de ventes à gérer. S'il vendait 100 000 exemplaires par année, il n'est pas sûr qu'il pourrait continuer à se passer de concessionnaires.

Et les concessionnaires?

«Quand vous prononcez le terme "commerce électronique", les concessionnaires commencent à être nerveux», a illustré justement Alain Visser lors de l'annonce de Volvo.

Si le modèle traditionnel de ventes chez les concessionnaires se porte bien au pays et si rien ne laisse présager une révolution, la Corporation des associations de détaillants d'automobiles au Canada surveille ce qui se passe ailleurs. «Pour le moment, la vente directe en ligne ne m'inquiète pas outre mesure. Ce n'est pas vraiment répandu et populaire en Amérique du Nord. [...] Chaque fois qu'un constructeur a tenté de contourner le réseau de concessionnaires, il a échoué», commente son président Richard Gauthier.

Le danger potentiel qui guetterait les concessionnaires est élémentaire. «Un constructeur pourrait dire: «Si on est capable de vendre directement aux consommateurs, on n'a plus besoin de concessionnaires»«, suppose Richard Gauthier.

Pour mener à bien son projet de vente en ligne, Volvo ne l'envisage pas. «Nous n'imaginons pas un réseau de distribution automobile sans concessionnaires dans un avenir prévisible», a assuré Alain Visser le mois dernier dans une entrevue à l'agence Reuters.

L'avenir

Si les concessionnaires ont encore un avenir, même dans un contexte de vente directe en ligne, c'est parce qu'ils sont indispensables aux constructeurs et aux automobilistes. «Un concessionnaire est la meilleure publicité qu'un constructeur peut avoir», juge Richard Gauthier.

«Il faudra toujours une interaction humaine, il y a toujours un espace physique où vous devez avoir un contact avec une personne», confirme Yan Cimon.

L'industrie automobile a beau être très en retard dans l'exploitation des transactions en ligne, une voiture reste tout de même la seconde grande dépense d'un foyer. «Vous achèteriez une voiture sans la voir ou l'essayer?», s'interroge Richard Gauthier.

On devrait avoir une esquisse de réponse cette année grâce à Volvo Canada qui attend du constructeur la confirmation du procédé de ventes en ligne.