Des élus américains accusent l'équipementier Takata d'avoir suspendu, pour préserver ses profits, des audits qui auraient pu permettre de déceler plus tôt ses coussins gonflables défectueux, liés désormais à huit morts et des centaines de blessés.

Le bilan pourrait s'alourdir si le groupe nippon venait à créer un fonds d'indemnisation à l'image de General Motors (GM) dans l'affaire des rappels de véhicules équipés d'un commutateur d'allumage défectueux, a indiqué mardi Kevin Kennedy, un des responsables de Takata en Amérique du Nord, au cours d'une audition devant le Sénat américain.

Takata devrait décider dans les deux à quatre prochaines semaines de lancer ou non ce fonds, a précisé M. Kennedy.

Avant la mise en place de son dispositif d'indemnisation, GM ne dénombrait que 13 morts mais ce bilan, encore provisoire, en recense maintenant 117.

Les audits de qualité et de sécurité ont été suspendus en 2009 sur les sites de Monclova(Mexique), qui assemble les modèles de coussins gonflables de Takata mis en cause, et de Moses Lake (Washington, ouest) qui produit le gonfleur du coussin de sécurité, selon un rapport du Sénat américain. Les deux sites présentaient en outre de sérieux problèmes de qualité, selon les élus américains qui mènent leur enquête sur cette affaire.

Cette mesure est intervenue un an après que le constructeur automobile Honda eut lancé un premier rappel de véhicules équipés du modèle de coussins gonflables défectueux, selon le rapport.

«Des courriels internes obtenus par la Commission (sénatoriale) suggèrent que Takata aurait privilégié ses bénéfices plutôt que la sécurité en suspendant des audits de qualité globaux pour des raisons financières», accusent encore les élus.

Les audits ont repris en 2011. Toutefois, les auditeurs ont identifié à ce moment-là des relâchements en matière de qualité, affirme le Sénat américain, citant des courriels d'employés de Takata. Lesdits courriels n'ont pas été transmis au siège de Takata à Tokyo, relève le rapport.

«Inexactitudes»

Le groupe japonais dénonce des «inexactitudes» et des «courriels pris hors contexte de sorte de créer une fausse impression», alors que le rapport était au centre de nouvelles auditions mardi de responsables des constructeurs automobile Honda, Fiat Chrysler et de l'agence de sécurité routière américaine (NHTSA) devant le Sénat américain.

«Par exemple, les audits globaux desquels il est question dans les courriels sont relatifs à la gestion de la sécurité des employés des matériaux pyrotechniques. Ils n'étaient pas, comme le rapport l'induit, liés à la qualité des produits ou à la sécurité», a rejeté Takata dans un courriel à l'AFP. «Takata conduit des revues régulières sur la qualité des produits et de la sécurité à Moses Lake et à Monclova, et à aucun moment elles n'ont été suspendues».

Le défaut en cause concerne le gonfleur qui peut éclater sous certaines conditions (ancienneté, humidité, etc.), projetant alors des fragments de métal et de plastique sur le conducteur ou le passager.

Nombre de grands constructeurs sont affectés par ces coussins gonflables défectueux parmi lesquels Honda, BMW, Fiat Chrysler, General Motors, Ford, Mazda, Mitsubishi Motors, Nissan, Subaru et Toyota. Environ 34 millions de véhicules sont en cours de rappel aux États-Unis, soit le plus gros rappel lié à un produit dans le pays.

Comme dans le cas de GM, les élus ont de nouveau fait part mardi de leur frustration vis-à-vis de l'équipementier japonais en exhibant des photos, souvent sanglantes, de victimes présumées de l'explosion des coussins de sécurité.

«Si nos avions et notre espace aérien étaient aussi dangereux que nos voitures et nos routes, les responsables de ces entreprises seraient (déjà) inculpés et il y aurait des changements radicaux dans l'industrie aéronautique», a fustigé le sénateur démocrate Richard Blumenthal.

«La lassitude et la confusion ne cessent de croître» au sujet des rappels, a renchéri son collège Bill Nelson.

Des changements ont été effectués en 2013 dans les lignes d'assemblage de l'usine de Monclova sans le feu vert des ingénieurs responsables de la qualité ni celui des responsables de la sécurité, accusent encore les élus américains, dont le rapport recense 13 000 courriels internes de Takata et autres documents.

«Un nombre inconnu de pièces de rechange pourraient par ailleurs être défectueuses», souligne le rapport.