Le problème posé par les coussins gonflables fabriqués par le japonais Takata est sans précédent dans l'industrie automobile par son ampleur et par sa complexité. Conséquence, comme bien d'autres dans le monde, des consommateurs québécois sont toujours dans l'attente d'une réparation de leur véhicule, huit mois après avoir reçu un avis de rappel.

« DÉCOURAGEANT »



« C'est particulièrement décourageant. » Depuis juillet dernier, Danielle Leclerc fait asseoir les passagers de sa Toyota Corolla 2005 uniquement sur la banquette arrière. La Longueuilloise respecte scrupuleusement la recommandation de Toyota. En attendant de recevoir la « lettre d'avis de correctif » du constructeur. Carole Poulin vit la même situation, avec la même voiture. « Ça fait à peu près huit mois qu'on nous a envoyé un rappel concernant le coussin gonflable du passager avant, et lorsque l'on appelle notre concessionnaire, il nous dit qu'il n'a toujours pas reçu les pièces. Que peut-on faire ? », demande-t-elle. La réponse apparaît incongrue, mais juste : attendre.

L'ORIGINE DU PROBLÈME



À l'origine de cette attente, un coussin gonflable pour passager avant. Il se déploie avec beaucoup trop de force, au point où il explose, projetant sur les occupants du véhicule des fragments de matériaux notamment métalliques. Au moins 10 accidents mortels dans le monde ont été répertoriés de même que de nombreuses explosions intempestives. Découvert à l'automne 2014, ce défaut a été volontairement ignoré par Takata bien des années auparavant. Ce n'est qu'il y a deux semaines qu'une équipe de chercheurs a confirmé les origines de ce problème : l'utilisation de nitrate d'ammonium « sans agent desséchant », « une longue exposition à de hautes températures dans un contexte humide » et un « montage du gonfleur qui ne permet pas de prévenir de manière adéquate l'intrusion d'humidité ».

Danger : l'airbag du passager avant pose problème. Photo : Reuters

En se déployant, le coussin projette sur les occupants des fragments de matériaux. Photo : Reuters.

DES ANNÉES DE RAPPELS



Parce que le problème est complexe, parce que 11 grands constructeurs automobiles de la planète sont touchés et parce que cela concerne des dizaines de millions de véhicules, la prise en charge de tous les véhicules va être longue, très longue, comme nous le confirme le directeur des communications de la National Highway Traffic Safety Administration. « Il n'y a pas loin de 25 millions de véhicules touchés rien qu'aux États-Unis. Ce qui est plus que ce qui est vendu dans le pays chaque année. C'est un problème massif qui prendra des années à être résolu », dit Gordon Trowbridge. Rien d'étonnant à ce que des mois après les avis de rappel, des milliers de véhicules soient encore chez leurs propriétaires.

Rien qu'aux États-Unis, environ 25 millions de véhicules sont touchés. Photo : AFP.

LES CAS PRIORITAIRES



Les États-Unis n'ont pas attendu la confirmation de l'origine du problème pour ordonner aux constructeurs de rappeler dès que possible les véhicules concernés. « Il leur est demandé de réparer d'abord les véhicules les plus à risque, cela étant basé sur des facteurs incluant l'âge de la cartouche de gonflage et l'exposition à long terme à de hautes températures et de hauts taux d'humidité, explique Gordon Trowbridge. Des constructeurs ont d'importants stocks de pièces de rechange à disposition, d'autres moins. Mais tous doivent effectuer leur campagne de rappel. 

AU CANADA



Le problème est d'une ampleur sans commune mesure au Canada, où aucune plainte au sujet de ce coussin gonflable n'a été déposée et aucun incident lié à ce coussin n'a été rapporté, selon le ministère des Transports. « Malgré le fait que les coussins gonflables Takata présentent un risque pour la sécurité, Transports Canada croit que le risque pour les Canadiens est faible, déclare sa porte-parole Natasha Gauthier. Le défaut est lié à une longue exposition à une humidité et à une température élevées. Ce type de condition est fréquent dans le sud des États-Unis, mais pas au Canada. »

Lors d'un impact, un dispositif d'allumage chauffe du gaz pressurisé à l'intérieur d'un tube en acier à haute résistance. Il s'ensuit une réaction chimique qui remplit le coussin de gaz, le gonflant à une vitesse de 400/km/h. Le nitrate d'ammonium qui compose ce gaz a l'inconvénient d'être sensible à l'humidité. Photo : Reuters.

DANS L'ATTENTE



Malgré cette distinction, les filiales canadiennes ont averti les propriétaires des véhicules concernés qu'il y a un risque. C'est le message qu'ont reçu en juillet dernier Danielle Leclerc et Carole Poulin. Cependant, « en raison du grand nombre de véhicules touchés dans le monde et du fait que chaque dispositif de gonflement correspond à un modèle et à un constructeur particulier, il faudra un certain temps avant que tous les constructeurs ne reçoivent les pièces de rechange nécessaires », indique Natasha Gauthier, de Transports Canada. « Les concessionnaires enverront une lettre aux propriétaires touchés par le rappel dès que les pièces de rechange seront disponibles », ajoute-t-elle. C'est la « lettre d'avis de correctif » qu'attendent nos deux automobilistes.

La première vague de rappels au Canada a concerné plus de 320 000 véhicules. Photo : AP.