La commission française créée après le scandale Volkswagen des moteurs diesel truqués pour tenter de rétablir la confiance a livré un message opposé: après avoir testé 86 véhicules au hasard cette commission indépendante dit ne pas pouvoir exclure que d'autres constructeurs recourent à des logiciels tricheurs comme celui qui a été découvert sur certains modèles Volkswagen.

De plus, la commission brosse un portrait peu flatteur du régime actuel de contrôle des émissions en Europe, dont les normes sont régulièrement bafouée par les constructeurs automobiles.

Retirer l'homologation de certains véhicules diesels ?

La commission présidée par la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, affirme que certains véhicules testés en conditions réelles présentent des «écarts importants» avec les conditions d'homologation. Ces dépassements écarts sont tels que la commission recommande de nouveaux tests «afin d'évaluer s'ils ne doivent pas faire l'objet d'un retrait de leur certificat d'homologation».

Cette mesure aurait comme effet d'interdire la vente de ces modèles, comme c'est le cas des modèles Volkswagen et Audi diesels en Amérique du Nord.

Les travaux de la commission se sont appuyés sur des tests effectués par un centre d'essais et de recherches automobiles privé français, l'UTAC-Ceram.

La commission avait comme mandat de «faire toute la transparence sur les pratiques de l'industrie automobile et à restaurer la confiance des consommateurs».

Alors que Volkswagen a avoué en septembre 2015 avoir installé sur des véhicules diesel un logiciel de gestion moteur destiné à tromper les tests d'homologation en réduisant temporairement les émissions polluantes, les autres constructeurs se dont défendus d'avoir recours à ce dispositif prohibé par les réglementations européenne et américaine.

La Fiat 500X est une des cancres européennes du respect des normes d'émissions polluantes de NOx et de Co2. Photo: Fiat-Chrysler

Tests d'émissions, mais aucune analyse des logiciels

Mais les experts ont relevé dans leur rapport qu'«il n'a pas été possible d'avoir accès à l'ensemble des logiciels embarqués, et donc aucune analyse des logiciels n'a été effectuée».

«La commission ne peut donc pas se prononcer définitivement sur la présence ou absence de logiciels tricheurs dans les véhicules testés», ajoutent-ils.

Même sans accès à ces programmes, les tests ont «décelé un nombre important d'anomalies», qu'il s'agisse des émissions de CO2 ou d'oxydes d'azote (NOx), vis-à-vis de seuils que la commission avait fixés.

L'affaire Volkswagen a eu des effets sur l'industrie automobile tout entière, en mettant en lumière les écarts parfois très importants entre les normes d'émission lors des tests d'homologation et celles en conditions réelles d'utilisation.

Décriées pour leur obsolescence, les normes européennes actuelles, dites NEDC, vont être remplacées à l'horizon 2017 par un nouveau protocole (WLTP), censé être plus pertinent.

Mauvais élèves

L'UTAC-Ceram a testé les 86 véhicules (85 diesel et un essence, pour référence) de trois manières «dans des conditions différant légèrement de celles de l'homologation afin de leurrer, et ainsi de détecter» un dispositif frauduleux. A chaque fois, elle a ajouté un seuil de tolérance.

La Volvo V40 transgresse les normes anti-pollution européennes au chapitre du CO2. Photo: Volvo

Un tiers des véhicules diesels crachent trop de NOx

Sur les 85 véhicules, environ un tiers (de 24 à 28) se sont ainsi retrouvés «en anomalie» vis-à-vis des seuils de NOx, selon les trois tests. Un phénomène encore plus marqué sur le CO2 (mesuré lors de deux tests), dont 39 et 47 véhicules dépassaient les seuils.

Parmi les plus «mauvais élèves» lors du premier test sur le NOx au sein des voitures homologuées «Euro 6», la norme la plus récente, figurent la Fiat 500X, la Renault Talisman et le Nissan Qashqai.

On retrouve la Fiat en queue de classement Euro 6 pour le premier test de CO2. La Volvo V40 et la Skoda Fabia la précèdent.

La commission, qui a auditionné 11 constructeurs aux modèles «en anomalie», a indiqué s'être vu opposer l'argument selon lequel des systèmes de dépollution pouvaient voir leur efficacité limitée pour éviter une détérioration des composants mécaniques, ce que permet d'ailleurs la législation.

Mais il semble que dans certains cas, ces mesures soient déclenchées «bien avant que les limites physiques ne soient effectivement rencontrées par les systèmes utilisés», selon le rapport.

Entre autres groupes mis en cause, Renault a indiqué dès avril qu'il allait réduire les émissions de NOx via des évolutions techniques en usine cet été, avant de basculer à terme vers une technologie de dépollution de diesel plus efficace.

Dans un communiqué commun, France Nature Environnement et le Réseau Action Climat ont douté de la bonne foi des constructeurs: «il est quasiment impossible de déterminer les raisons techniques réelles qui ont motivé les constructeurs à manipuler l'action des systèmes de dépollution».

Les deux associations ont également regretté que les plans des fabricants d'automobiles pour rapprocher les émissions réelles de leurs véhicules des normes européennes «se révèlent insuffisants pour remédier à une situation très préjudiciable pour la santé publique et l'environnement».

Le Nissan Qashqai diesel est un des mauvais élèves montrés du doigt au sujet des émissions de NOx. Photo: Nissan

La Renault Talisman diesel émet plus de NOx que la norme. Photo: Renault