Avec une cinquantaine de véhicules aménagés depuis 2012, Camion Unique s'affirme comme chef de file dans l'aménagement de camions de bouffe de rue. Ses clients sont Au Pied de cochon, Jérôme Ferrer, Queues de Castor, Unibroue ou La Cage Brasserie sportive et l'objectif n'est ni plus ni moins que de faire de l'entreprise de Laval la référence en Amérique du Nord. Entretien avec le propriétaire Pascal Rousseau.

D'où est venue l'idée de construire des camions de bouffe de rue ?

Ma copine possédait le Lucky's, l'un des premiers camions à Montréal. Ça n'avait aucun sens combien c'était inefficace, à tel point que j'en rageais. Un dimanche, j'ai sacré la masse dans le camion. J'ai appelé deux employés de ma compagnie de transport pour m'aider à faire le nouvel aménagement. J'ai commencé à avoir plein d'appels, à tel point que je me suis dit qu'il y avait sans doute un marché et que ça valait la peine d'essayer. Je m'y consacre à temps plein depuis 2014.

Avez-vous suivi des modèles éprouvés ?

J'ai regardé ce que certaines compagnies américaines et canadiennes faisaient, mais ce n'était pas souvent concluant. J'ai fait beaucoup d'essais et d'erreurs au départ, évidemment. Mais j'ai toujours été passionné par l'aménagement, la logistique et le design de fabrication, notamment dans les bateaux. Je travaille aussi avec les chefs et les cuisiniers pour répondre à leurs besoins au maximum. Mais aujourd'hui, c'est davantage moi qui les conseille.

Vous avez des exemples ?

J'ai rencontré par hasard les gens de Queues de Castor, qui n'étaient pas satisfaits du travail fait sur leurs cinq premiers camions-cuisines. Je leur ai conçu une nouvelle aire de cuisine, si bien qu'ils sont passés d'une production de 250 à 650 crêpes à l'heure. C'est vraiment une question de logique et d'aménagement, le cuisinier ne doit jamais chercher quoi que ce soit.

On parle toutefois de clients qui ont des entreprises florissantes. Vos camions ne sont pas faits pour tout le monde ?

C'est sûr que si tu n'as pas accès à du financement, ce n'est pas pour toi. Mais la vérité est qu'un restaurateur va faire plus d'argent en payant 100 000 $ en versements mensuels pour un véhicule clé en main qu'en essayant d'en bâtir un lui-même. Il faut faire les bons choix. La cuisine de rue, ça reste du fast-food, tu dois être efficace. Le nombre de fois que les gens ont manqué un événement parce que quelque chose a brisé sur leur véhicule, ça représente des milliers de dollars perdus pour une économie de bouts de chandelles... Si tu veux aller à la guerre, tu dois être prêt. Y a pas de demi-mesure.

Qu'est-ce qui vous distingue des autres entreprises spécialisées dans la conception de véhicules-cuisines ?

Parfois, les gens utilisent certaines méthodes parce qu'elles sont réputées plus rapides et plus faciles, mais ce ne sont pas toujours les plus efficaces. On usine par exemple plusieurs de nos pièces pour qu'elles soient bien fixées, en plus de les aligner pour faciliter le nettoyage. On a aussi réduit les commandes de l'alimentation électrique et de gaz à deux ou trois boutons. Il y avait toujours des problèmes et ça devenait lourd à la fois pour l'opérateur et pour nous, mais on a rapidement corrigé le tir. Parce qu'un cuisinier, ce n'est pas nécessairement un mécanicien.

Mis à part quelques projets spéciaux, vous avez surtout travaillé à partir de camions de type « step van ». Pourquoi ?

La step van est un classique, une icône du phénomène food truck. Je l'ai remarqué, ça attire davantage les gens qu'une remorque. C'est psychologique, et c'est maintenant associé au véhicule. Et ils sont facilement transformables, contrairement à d'autres types de véhicules. Par exemple, un fourgon Sprinter a une structure monocoque, je ne peux pas couper où je veux parce que ça touche l'intégrité du véhicule.

Quels sont vos objectifs à long terme ?

Le commerce au détail souffre, les détaillants devront aller chercher leur clientèle et ne plus attendre qu'elle vienne à eux. C'est sûr qu'il y a un avenir pour tout ce qui est mobile. En ce moment, on construit un camion et demi par mois, mais avec le marché américain, ça peut exploser. On a déjà l'espace pour augmenter notre production. Si je fais une cinquantaine de camions par année, je serai content.

Si l'essentiel du marché des commerces mobiles demeure les camions de bouffe de rue, Camion Unique diversifie de plus en plus ses réalisations, comme avec le camion boutique de la lunetterie Brio Optic. Photo; François Roy, La Presse