Après Volkswagen, Renault pourrait devoir répondre devant la justice française d'irrégularités présumées vis-à-vis les normes d'émissions polluantes de ses moteurs diesel.

Le premier groupe automobile français s'est d'avance défendu d'avoir mal agi, et s'est dit déterminé à faire «valoir ses droits».

Le ministère de l'Economie a annoncé mercredi soir que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes avait décidé de transmettre au bureau du procureur de Nanterre les conclusions de son enquête sur les émissions polluantes des véhicules diesel de l'entreprise au Losange.

Avant l'enquête française, une ONG allemande a affirmé il y a un an que le Renault Espace émet entre 13 et 25 fois la quantité d'oxydes d'azote (NOx) autorisée par la loi environnementale de l'Union européenne. Photo: Renault

Émissions d'oxydes d'azote (NOx) excessives ?

La Répression des fraudes a souligné que son enquête concernait «les pratiques relatives aux émissions d'oxydes d'azote (NOx) d'une douzaine de constructeurs automobiles commercialisant des véhicules diesel en France». De source proche du gouvernement, cette enquête administrative vise Renault mais aussi d'autres constructeurs.

Outre des résultats de tests menés sur des véhicules, la Répression des fraudes s'est appuyée sur l'analyse de documents saisis au cours d'une perquisition dans les locaux de Renault et sur l'audition de représentants de l'entreprise, a précisé l'organisme gouvernemental dans un communiqué, remarquant qu'«il revenait maintenant à la Justice de donner les suites qu'elle jugerait nécessaires à ces manquements présumés».

Renault, disant prendre acte de cette décision, a lui aussi souligné que c'était désormais «au procureur de la République» qu'il appartenait «le cas échéant, de décider des suites à donner».

«Le groupe Renault réaffirme sa détermination à faire valoir ses droits pour défendre l'intérêt social de l'entreprise, ses salariés et ses actionnaires», a ajouté l'entreprise dirigée par Carlos Ghosn dans un communiqué.

Elle a répété les arguments qu'elle énonce depuis que la perquisition de la Répression des fraudes dans ses locaux a été révélée en janvier dernier, provoquant un effondrement de la valeur de son titre en Bourse. En premier lieu, elle «respecte la législation française et européenne».

«Les véhicules Renault ont tous et toujours été homologués conformément à la loi et aux réglementations. Ils sont conformes aux normes en vigueur» et «ne sont pas équipés de logiciels de fraude aux dispositifs de dépollution», a assuré le groupe.

L'affaire découle du scandale des programmes de gestion des moteurs diesel truqués par Volkswagen pour les faire passer pour moins polluants qu'ils n'étaient, dévoilée en septembre 2015 aux Etats-Unis.

Plan d'action technique

La Répression des fraudes, qui avait immédiatement ouvert une enquête, a déjà transmis ses conclusions relatives au groupe allemand à la justice, et le Parquet de Paris a annoncé en mars dernier avoir décidé l'ouverture d'une instruction pour «tromperie aggravée».

Parallèlement, le gouvernement a mis en place une commission d'experts indépendants dont les travaux ont mis en évidence d'importants dépassements de seuils d'homologation sur les émissions de véhicules diesel, dont des Renault.

L'affaire Volkswagen a non seulement ébranlé le géant allemand mais aussi jeté la lumière sur le décalage entre les normes d'homologation en laboratoire et les émissions polluantes en conditions réelles d'utilisation, qu'il s'agisse des NOx ou du CO2. Ces normes sont en cours de resserrement au niveau européen, et les tolérances dans leur application vont de même être réduites.

De son côté, Renault a présenté en mars un plan d'action technique pour réduire les émissions de NOx de ses moteurs diesel, assurant mercredi qu'il avait été «jugé transparent, satisfaisant et crédible» par les experts de la commission technique.

Ces experts, qui poursuivent leurs travaux, avaient dans un rapport rendu fin juillet indiqué ne pas pouvoir exclure que d'autres marques que Volkswagen aient recours à des logiciels «tricheurs», malgré leurs dénégations.

Ces travaux ont aussi montré que la technologie du «piège à NOx», qui détruit ces émissions nocives par combustion et est utilisée par Renault sur ses diesel, était globalement moins efficace en conditions réelles que celle par injection d'urée (SCR), plus complexe et coûteuse.

C'est au SCR qu'a recours depuis plusieurs années sur ses diesel le groupe PSA, en passe de céder cette année à Renault la place de premier constructeur français en unités produites. Or, lui aussi a été perquisitionné par la DGCCRF, en avril.

De son côté, M. Ghosn a affirmé fin septembre, lors du Mondial de Paris, qu'il était «totalement déterminé à collaborer à tous les niveaux» dans ce dossier.