Dans un contexte économique où les investisseurs sont extrêmement frileux à l'égard du secteur manufacturier, Campagna Motors cherche des capitaux aux États-Unis avec une première campagne de sociofinancement. Le petit constructeur bouchervillois de T-Rex et de V13R joue-t-il son avenir ?

André Morissette a fait « un peu » son deuil de voir naître au Québec un constructeur automobile, déçu de constater que le gouvernement provincial « est plus intéressé à faire venir des sociétés étrangères qu'à investir ici », constate le président de Campagna Motors.

Contexte difficile

Clairvoyant et réaliste quant à la recherche d'investisseurs. « On a fait le tour du jardin ici, au Québec. Il n'y a pas tellement de capitaux de risque au Québec, pas quand tu es dans le secteur manufacturier. Si on était le prochain Facebook, ce ne serait peut-être pas la même chose. Pour les investisseurs de capitaux de risque au Québec et au Canada, les projets industriels, à moins qu'ils soient reliés à des marchés publics, ne sont pas des projets excitants. »

Campagna, c'est un produit de niche, le fameux T-Rex, véhicule biplace à trois roues doté d'un volant. Accompagné sur les routes depuis quelques années de son petit frère, le V13R. La concurrence n'a émergé que récemment, incarnée par le Polaris Slingshot en 2014. « Le marché du trois-roues est en pleine croissance et soutient à l'échelle mondiale la croissance du marché de la moto », assure André Morissette.

Récolter 50 millions !

Dans ce contexte, son entreprise s'est tournée vers le sociofinancement. « On veut sortir de notre créneau de niche, on veut prendre de l'expansion. Et pour ça, on a évidemment besoin de capitaux sérieux », explique André Morissette. Campagna a lancé aux États-Unis une première campagne du genre en fin d'année dernière avec un premier objectif modeste de 100 000 $ à amasser. Pour voir comment ça marche. « Là, on fait un regulation crowdfunding, précise M. Morissette. Qui nous permet de tester le message, les partenaires, le portail, de tester la façon dont on va chercher, voir s'il y a un engouement ou pas, pour pouvoir ajuster notre message. Car la vraie campagne de financement va commencer dans quelques mois, au printemps. Ce sera la campagne la plus substantielle pour permettre à des investisseurs canadiens de participer. Cette première campagne ne s'adresse qu'aux investisseurs américains. »

Il y a tout juste une semaine, 82 personnes avaient signifié leur intention d'investir dans Campagna, pour une somme de 27 800 $, à 29 jours du terme de cette première campagne. La vraie campagne de sociofinancement à venir est beaucoup plus ambitieuse. « Notre plan d'affaires, c'est de collecter 50 millions », dit André Morissette.

L'exemple à suivre ?

Il faut dire que le sociofinancement dans le domaine industriel a interpellé beaucoup d'acteurs lorsque Elio Motors a réussi récemment à récolter 17 millions US auprès de 6300 personnes, pour vendre une voiture biplace à trois roues (tiens, tiens) inexistante sur les routes jusqu'alors. Et plus de 63 000 personnes en ont réservé une en déposant 1000 $US chacune. Son PDG-fondateur, Paul Elio, a ainsi amassé un total de 80 millions et démontré que l'argumentaire de vente était plus important que la garantie d'un retour sur l'investissement.

« Le financement d'Elio Motors a fait couler beaucoup d'encre. Les États-Unis ont des programmes de sociofinancement qui permettent d'aller chercher pas mal plus de financement et ils sont beaucoup plus flexibles dans les démarches de mise en marché de ta campagne de financement », avance André Morissette. Sans compter que la force du nombre est un atout non négligeable, le marché américain étant 10 fois plus gros que son pendant canadien.

Le sociofinancement a ses limites

Quiconque a des ambitions dans l'industrie automobile n'oublie pas cependant que le sociofinancement n'est pas la panacée. « Le sociofinancement est un tremplin. Si on peut aller chercher 25 à 50 millions auprès de 10 000 personnes, on a alors une base d'investisseurs intéressante », dit M. Morissette. Parce que « 50 millions pour démarrer un programme d'expansion sérieuse, ce n'est pas beaucoup », reconnaît ce dernier. Dans l'industrie, lancer une toute nouvelle voiture coûte environ 3 milliards. Quand on n'a pas de plateforme existante ni d'usine pour la produire, c'est 5 milliards... Si Campagna ne veut pas être avalé ou péricliter, il lui faut investir. Et il lui faut des fonds.

Compagna joue-t-il son avenir ?

La question est délicate pour le petit constructeur de Boucherville. La réponse de son président aussi. Joue-t-il son avenir ? « Oui et non. On ne joue pas notre avenir dans le sens où il n'y a rien s'il n'y a pas de financement. Parce que ça fait 20 ans que la business fonctionne sans financement, donc elle va juste fonctionner à une vitesse moins grande que s'il y a du financement trouvé. Malgré notre petitesse en termes de volume, on a un créneau très bien identifié. Si on est supportés, on va conquérir un peu plus pour sortir de notre créneau. »