L'an dernier, les automobilistes nord-américains ont établi de nouveaux records de consommation de carburant. Aux États-Unis, la pointe s'est établie à 9,7 millions de barils de pétrole par jour, selon l'Energy Information Administration (EIA) américaine. Elle surpassait ainsi le record précédent de 9,6 millions de barils par jour, établi en 2007.

Il y a 10 ans, la consommation moyenne des véhicules était de 11,3 litres pour 100 kilomètres. Devant respecter le resserrement de la norme fédérale en la matière, les constructeurs ont mis en place des mesures d'allègement et d'amélioration technologique. Ça a marché : en 2016, cette moyenne a atteint 9,5 L/100 km, le niveau le plus bas jamais enregistré par l'Environmental Protection Agency (EPA), qui fixe la norme.

Pourtant, la consommation de carburant est bel et bien à la hausse. Et ce n'est pas fini. L'EIA prédit d'autres records en 2017, avec une consommation annuelle qui croîtra de 0,5 %. Au Canada, les experts confirment que la tendance est identique.

Autrement dit, depuis 10 ans, tous les efforts visant à réduire la consommation de pétrole et les émissions polluantes du secteur du transport, tant au Canada qu'aux États-Unis, ont échoué. C'est un échec doublement cuisant, étant donné qu'avec la chute des ventes de véhicules neufs entre 2008 et 2014, il ne s'est pas ajouté tant de nouveaux véhicules que ça sur les routes par rapport à la décennie précédente.

Depuis 10 ans, tous les efforts visant à réduire la consommation de pétrole du secteur du transport, tant au Canada qu'aux États-Unis, ont échoué. PHOTO Martin Chamberland, La Presse

DE PLUS LONGUES DISTANCES

Les raisons expliquant ce phénomène se résument en trois mots : on roule davantage, dit Roger McKnight, analyste en chef pour la firme de consultation pétrolière En-Pro, à Oshawa.

Selon lui, au-delà du prix du carburant, les habitudes des automobilistes ont suffisamment changé en 10 ans pour contrebalancer l'amélioration de l'efficacité énergétique du parc automobile nord-américain.

« Les gens qui ont troqué leur ancienne voiture pour un VUS plus confortable se considèrent mieux équipés pour parcourir de plus longues distances », ajoute l'analyste ontarien. C'est l'autre tendance dans le marché automobile : aujourd'hui, il se vend plus de VUS que de voitures partout sur le continent.

Le plaisir de conduire n'explique pas à lui seul cette situation. Les trajets entre la maison et le bureau provoqués par l'étalement urbain s'étirent. Plutôt que d'opter pour le train ou l'autobus, de nombreux travailleurs à Toronto et New York, aussi bien qu'à Montréal et Québec, prennent leur voiture.

LA LOI ZÉRO ÉMISSION DEVRA AVOIR DES DENTS

Il faudra donc des mesures costaudes pour réduire la consommation de carburant de l'ensemble du parc automobile nord-américain. À elles seules, les ventes de voitures hybrides ou électriques ces 10 dernières années sont trop timides pour laisser croire que la technologie suffira à régler le problème.

Une taxe plus élevée sur le prix de l'essence à la pompe n'aura peut-être pas l'effet escompté non plus. « Les gens sont moins sensibles qu'on pense au prix de l'essence. Que ce soit par choix ou par obligation, ils feront le plein quand même. Surtout si leur véhicule consomme 5, 10 ou 15 % moins d'essence que le précédent », croit Roger McKnight.

Ingénieur de formation et spécialiste des véhicules électriques établi à Trois-Rivières, Sylvain Juteau ne voit également pas l'industrie se corriger d'elle-même.

C'est pourquoi le projet de loi zéro émission de Québec lui semble prometteur.

Ce projet vise à établir des objectifs de ventes de véhicules ne produisant aucune émission polluante aux constructeurs puis à les pénaliser si ces objectifs ne sont pas atteints.

« Cette loi pourrait avoir un impact majeur, à condition qu'elle ait des dents. » Il faut que les pénalités soient sévères tant pour les fabricants que pour les acheteurs, estime-t-il. « Comme on a fait avec les cigarettes. Par exemple, on pourrait mettre en place un système de taxation variable, selon la taille de la cylindrée, qui serait vraiment substantiel. »

Car tout l'enjeu est là : il faut forcer les automobilistes à changer leurs habitudes dans le bon sens, ce qui n'a manifestement pas été le cas ces 10 dernières années. Pour y parvenir, l'offre devra donc être modulée de façon à avantager l'acquisition de véhicules moins gourmands que celui que possédait l'acheteur auparavant. Sinon, les 10 prochaines années risquent fort de ressembler aux 10 précédentes.

Photo Bernard Brault, Archives La Presse

La consommation moyenne des véhicules diminue, mais la consommation de carburant est bel et bien à la hausse.