«On a perdu la capacité de conduire, ce qui risque de provoquer plus d'accidents graves, pas moins.» Voilà ce que pense Bertrand Godin, ex-pilote professionnel et instructeur de conduite à l'École nationale de police du Québec, des automobiles modernes. Grand amateur d'aviation, M. Godin voit même un parallèle entre l'évolution des systèmes d'aide en voiture et les récents accidents d'avion.

Allumer les phares

La plupart des voitures ont une position «auto» (automatique) sur le levier de commande des phares. Ça évite d'avoir à les allumer ou à les éteindre manuellement, au passage dans un tunnel ou quand la nuit tombe. Ce qui se produit de plus en plus, c'est que des automobilistes oublient de vérifier que leurs phares sont allumés dans la pénombre. «C'est hallucinant le nombre de voitures aux phares éteints qu'on croise la nuit», s'exclame l'ex-pilote. Même chose pour les feux de route (les «hautes»), que certains automobilistes laissent activés en permanence, et qui aveuglent les autres automobilistes devant eux. On en voit plus depuis que certains constructeurs ont mis en marché des voitures proposant de s'en occuper automatiquement.



Photo fournie par le constructeur

Des automobilistes oublient de vérifier que leurs phares sont allumés dans la pénombre.

L'appel de phares

Parlant d'habitudes de conduite et de phares, une habitude autrefois bien plus courante, mais qui s'est perdue est l'appel de phares. Sur l'autoroute, ce geste permettait de signaler aux véhicules en sens contraire qu'ils approchaient d'une zone où il y avait un ralentissement brusque, que ce soit en raison d'un accident, d'un véhicule d'urgence ou d'un policier s'assurant que tout le monde respectait la limite de vitesse. De nos jours, des systèmes de freinage d'urgence ralentissent abruptement la voiture en cas de collision imminente, et font perdre aux gens l'habitude de regarder leur environnement et de prévoir une sortie d'urgence autre que de freiner en ligne droite en cas de collision.



Photo fournie par Nissan

De nos jours, des systèmes de freinage d'urgence ralentissent abruptement la voiture en cas de collision imminente.

Vérifier ses angles morts

Une caméra logée dans les rétroviseurs latéraux suit ce qui se passe dans les angles morts du véhicule. S'il y a un obstacle, un témoin lumineux s'allume dans le champ de vision du conducteur. Si la caméra est obstruée, le système se désactive. Aux États-Unis, les statistiques indiquent que ces systèmes épargnent 100 vies et évitent 8000 accidents de la route chaque année. Ce que les statistiques ne disent pas, c'est ce qui se produit quand ces systèmes sont inactifs. «Les conducteurs habitués à ces systèmes feront-ils leur angle mort?», s'interroge l'instructeur de l'École nationale de police.



Photo fournie par Ford

Une caméra logée dans les rétroviseurs latéraux suit ce qui se passe dans les angles morts du véhicule.

Ralentir aux traverses piétonnières

Certains véhicules haut de gamme sont équipés de caméras frontales pouvant alerter le conducteur qu'un piéton ou un cycliste désire traverser l'intersection devant la voiture. Certaines villes dans le monde ont aussi des feux de circulation équipés de tels systèmes. Le mois dernier, en Oregon, le conducteur d'un Ford F-150 a tué un piéton qui s'engageait devant lui, dans une intersection où aucun indicateur ne signalait sa présence. Un piéton qui traverse la rue sans qu'un système électronique ne signale sa présence est-il moins important qu'un autre? La police de Portland a conclu que l'automobiliste ne portait pas attention à ce qui se passait devant lui et lui a retiré son permis de façon définitive.



Photo UniversitéŽ technologique de Munich

Certains véhicules sont équipés de caméras frontales pouvant alerter le conducteur qu'un piéton ou un cycliste désire traverser l'intersection devant la voiture.

Regarder en arrière

La plupart des automobilistes garent leur voiture de front dans les stationnements de centres commerciaux. Des constructeurs ont donc créé des systèmes de caméras pouvant signaler la présence d'une voiture en approche au moment où on tente d'extirper la voiture de sa place de stationnement. C'est l'évolution de ces caméras de marche arrière qui permettent de sortir de son entrée de garage en regardant l'écran de la console plutôt que directement derrière soi. Certains automobilistes qui reculent dans la rue ont ainsi perdu l'habitude de regarder la rue, se fiant à une vidéo qui, pourtant, ne dit pas tout. C'est risqué. «Nos yeux sont les meilleurs capteurs qui soient», rappelle Bertrand Godin. «On voit des choses qu'une caméra ne peut pas prédire.»



Photo fournie par Hyundai

Certains automobilistes qui reculent dans la rue ont perdu l'habitude de regarder la rue.

Maîtriser le frein à main

La plupart des voitures neuves vendues en 2017 ont troqué le levier de frein à main entièrement mécanique pour un bouton activant un frein électromécanique. Ces mêmes véhicules ont un antipatinage permanent. L'hiver sur la glace ou l'été sur une chaussée mouillée, le manque d'adhérence peut causer des maux de tête, puisque ces systèmes empêchent les roues de déraper pour trouver une surface moins glissante à proximité. Et les pilotes plus expérimentés n'ont plus accès au frein à main pour corriger une tenue de route erratique. Bref, les systèmes avancés, ça peut parfois faire plus de mal que de bien!



Photo fournie par Toyota

La plupart des voitures neuves vendues en 2017 ont troqué le levier de frein à main entièrement mécanique pour un bouton activant un frein électromécanique.

Air France 447 Rio-Paris: l'inexpérience en cause

Un Airbus 330 s'est abîmé dans l'océan Atlantique le 1er juin 2009, après que le givrage de sondes extérieures a provoqué la perte d'indicateurs de vitesse. Alors que le pilote faisait une sieste, ses assistants n'ont pas su reprendre le contrôle de l'appareil sans l'aide de ces systèmes, ce qui a provoqué un décrochage fatal, le plus grave accident de l'histoire d'Air France. «La comparaison avec ce qui s'en vient dans l'automobile est frappante», conclut Bertrand Godin, sans faire de jeux de mots.

Photo fournie par Airbus

Un Airbus 330 s'est abîmé dans l'océan Atlantique le 1er juin 2009, après que le givrage de sondes extérieures a provoqué la perte d'indicateurs de vitesse.