Armée de lunettes déformantes conçues pour simuler l'effet de la marijuana sur le cerveau, la Fondation CAA-Québec partira dès le mois de mars en tournée dans les écoles secondaires pour sensibiliser les jeunes aux risques de la conduite sous l'influence du cannabis.

EFFET VISUEL TRÈS DÉSTABILISANT

À quelques mois de la légalisation, l'organisme voué à la sécurité routière a acquis la trousse de simulation Fatal Vision, que les Forces armées canadiennes s'apprêtent aussi à acheter en plusieurs exemplaires. Vendue autour de 1000 $US, la trousse contient une paire de lunettes dont la vitre déforme la lumière et modifie la perception des couleurs. L'effet visuel, très déstabilisant, est comparable à celui de l'état d'ébriété, a-t-on pu constater lors d'un essai hier. Les participants sont invités à participer avec ces « lunettes de poteux », comme le décrit le CAA, à des jeux d'habiletés où leurs perceptions sont mises à l'épreuve. « C'est pas la panacée, mais l'idée, c'est d'avoir un outil pour parler au monde. Ça nous permet de montrer par l'interactivité comment la perception et les capacités de réaction sont affectées par le cannabis », explique Annie Gauthier, porte-parole de CAA-Québec.

RISQUES D'ACCIDENT DEUX FOIS PLUS ÉLEVÉS

Le CAA-Québec affirme que la conduite sous l'influence du cannabis multiplie par deux le risque de provoquer un accident de la route. Pire, lorsque la marijuana s'ajoute à la consommation d'alcool, le risque est multiplié par 14, avance l'organisme. Ces données, qui proviennent de l'association Prévention routière de France, sont cependant tempérées par d'autres études scientifiques. Une étude rapportée par le BC Medical Journal affirmait, en 2011, que des conducteurs sous l'influence du cannabis ont eu tendance à avoir plus d'accidents avec des obstacles soudains apparus dans des tests sur simulateur, mais qu'en revanche, ces personnes ont eu une conduite moins risquée lors d'expérimentations : « Les utilisateurs de cannabis avaient tendance à réduire leur vitesse et étaient moins prompts à essayer de dépasser un autre véhicule, alors que les conducteurs en état d'ébriété avaient tendance à conduire plus vite et de façon plus agressive », résume l'étude.

COMBATTRE LES FAUSSES PERCEPTIONS PAR L'HUMOUR

Le CAA s'inquiète de la perception très répandue chez les jeunes que la consommation de cannabis n'a aucun effet sur la conduite automobile, voire qu'elle l'améliore. « Selon un sondage que nous avons réalisé, c'est le quart des jeunes qui le croient, et cette proportion grimpe à près de 35 % chez ceux qui sont des consommateurs », explique Mme Gauthier. Pour combattre cette perception erronée, le CAA a réalisé une série de publicités humoristiques, basées sur de vrais messages qui ont été publiés sur les réseaux sociaux par des consommateurs de pot, et qui illustrent comment ils sont parfois distraits.

« J'ai passé 20 minutes à chercher mon cell dans l'char... en m'éclairant avec mon cell !!! », illustre un des trois messages qui seront diffusés sur Instagram, Snapchat et YouTube. « On n'est pas là pour juger les gens qui consomment de la marijuana, explique Marie-Anne Pasieka, formatrice en sécurité routière au CAA. On a le même message qu'avec l'alcool : si tu veux en prendre, vas-y, mais reste à la maison, utilise les transports en commun, demande à tes parents de venir te chercher, mais ne conduis pas. »

TOLÉRANCE ZÉRO AU QUÉBEC POUR LE MOMENT

Au Canada, la limite de THC qui sera permise dans le sang des conducteurs n'a pas encore été clairement établie. Le projet de loi C-46, actuellement à l'étude au Sénat, doit prévoir ces limites et les peines criminelles qui en découleront dès le premier jour de la légalisation. Pour le moment, le taux suggéré par le gouvernement est de 5 nanogrammes de THC par millilitre de sang, et de 2,5 ng par millilitre lorsque la concentration est combinée à un taux d'alcoolémie de 0,05. Un projet de loi étudié parallèlement au Québec prévoit cependant la tolérance zéro. Les contrevenants risquent de perdre leur permis sur-le-champ s'ils sont pris en conduisant sous l'influence du cannabis. Ces modalités doivent être débattues en Chambre au cours des prochains jours.