À la fin de la semaine, le monde découvrira la septième génération de la Corvette, tout juste 60 ans après la toute première apparition publique de cette icône de l'automobile. Cette Chevrolet sportive a traversé les décennies, en innovant constamment sur les plans technologique et esthétique. Sa genèse a pourtant été laborieuse. Voyage dans le temps.

La Chevrolet Corvette est de ces voitures qui ont failli disparaître avant de connaître un succès indéniable qui ne s'est jamais démenti au fil des décennies.

Les débuts de cette voiture ont en effet laissé entrevoir un avenir incertain. Lorsque l'idée de concevoir une voiture sportive émerge dans l'esprit d'Harley J. Earl en 1951, les GI's stationnés en Europe reviennent au pays de l'Oncle Sam avec un enthousiasme débordant pour les petits roadsters britanniques. Le vice-président du service de design chez General Motors se convainc alors de la nécessité d'offrir une sportive deux places, pour concurrencer notamment les Jaguar et Ferrari du moment. La légende veut que ce soit une course automobile disputée sur le circuit de Watkins Glen qui lui donna l'inspiration.

Earl se met rapidement au travail et persuade la direction de GM de donner le feu vert à la construction d'un prototype, qui sera présenté au public en janvier 1953 à l'occasion du salon Motorama, organisé par le constructeur lui-même à l'hôtel Waldorf Astoria, à New York. Ce dévoilement est un succès.

Earl n'est pas seul dans l'aventure. Edward N. Cole, alors ingénieur en chef de Chevrolet, croit dur comme fer au projet. Les deux hommes innovent en dotant la voiture d'une carrosserie en fibre de verre plus légère et plus facile à modeler qu'une carrosserie en métal et en reprenant les lignes du prototype pour la voiture de série.

Les 300 premiers exemplaires de la Corvette sortent de l'usine de Flint, au Michigan, en 1953, à un prix de 3498$US. Le cabriolet séduit le public par sa beauté avec ses pare-chocs intégrés à la carrosserie, sa calandre aux barrettes agressives, ses passages de roues, son pare-brise panoramique ou encore ses petits ailerons arrière.

Le projet se heurte rapidement à un mur cependant: la Corvette se vend mal, très mal. La moitié de la production de l'année 1954 est écoulée. Au siège de GM, on s'interroge sérieusement sur la viabilité de ce produit. Le constructeur a conçu une sportive qui, mécaniquement, n'est pas suffisamment sportive... Son 6 cylindres en ligne de 3,9 L ne développe «que» 160 chevaux, associé à une boîte automatique à deux rapports seulement.

Mais les arrivées presque simultanées d'une concurrente sur le marché et d'un homme visionnaire chez GM vont lui donner le coup de fouet nécessaire à sa survie et finalement à sa pérennité.

En janvier 1953, dans les allées du Motorama, un homme a été séduit comme tout le monde par la voiture, mais a été profondément déçu comme beaucoup par ce qu'il y a sous le capot. Jeune ingénieur et amateur de sport automobile, Zora Arkus-Duntov (ZAD) adresse à Edward N. Cole ses compliments et... ses suggestions. On est tellement impressionné chez Chevrolet que l'on invite ZAD à Detroit et qu'on lui propose un poste d'assistant auprès de Cole. Le travail des deux hommes donne une nouvelle impulsion à la voiture.

Dès 1955, année de la sortie de la Ford Thunderbird la concurrente , Cole et ZAD dotent la Corvette d'un V8 de 4,3 L et 195 chevaux.

«C'est Duntov qui a fait les modèles Corvette les plus populaires, de 1955 à 1974. C'est la personne la plus marquante de l'histoire de cette voiture. Il a travaillé sur le design mais surtout sur le moteur. L'année 1956 marque la réussite et la popularité de la voiture grâce au V8 et à sa carrosserie plus imposante», estime Jean Lesage, ancien membre du jury d'évaluation de la National Corvette Restorers Society.

La voiture fait l'objet de retouches esthétiques dès 1956 avec la disparition des petits ailerons arrière et l'ajout de flancs creusés.

«Le modèle 1956 a été la première Corvette à porter la signature Zora Duntov et ce fut une voiture sport de performance nettement plus intéressante», précise-t-on dans l'itinéraire de visite du musée national de la Corvette.

À compter de cette période, la Corvette qui va se décliner en version coupé ne va cesser d'évoluer et d'innover. Mécaniquement, de ses phares escamotables aux freins à disques aux quatre roues en passant par la suspension arrière à roues indépendantes. Et esthétiquement, de ses sorties d'air latérales au pare-brise arrière séparé en deux vitres en passant par les lignes du modèle 1973.

Sous le capot, la Corvette a continuellement détonné, comme en 1966, lorsqu'elle a été propulsée par un V8 de 7 litres qui pouvait développer jusqu'à 425 chevaux pour 408 livres-pieds de couple.

Certains modèles sont passés à l'histoire (comme ceux de 1963, 1968, 1973 et 1982), d'autres peut-être un peu moins (1986). Un fait demeure: 60 ans après sa naissance, la Corvette est toujours bien présente sur le marché.

«Chaque génération de la Corvette a innové, le moteur et la carrosserie faisaient la différence par rapport aux autres voitures», explique Jean Lesage.

«Ses générations ont souvent amené quelque chose de nouveau et de différent en design. Dans ce domaine, il y a des différences marquées entre les générations. En ce qui concerne le rapport qualité-prix, la Corvette surclasse les Ferrari et les Lamborghini», ose avancer Luc Champagne, propriétaire de deux Corvette et grand amateur du genre. Évidemment.

De la septième et dernière génération en date de la Chevrolet Corvette, présentée dimanche en marge du salon de Detroit, on n'attend rien de moins qu'une innovation.