Appel de phares sur les planches de Deauville dans «Un homme et une femme», dérapages contrôlés aux mains de Johnny Hallyday, refrains de Gainsbourg: c'est précédée de son propre mythe que la Ford Mustang va enfin débarquer en France.

Chez les aficionados de ce coupé quatre places aussi américain que le base-ball, l'excitation est à son comble. Car la Mustang, produite depuis plus de 50 ans, n'a jamais été officiellement importée sur le Vieux continent.

Cela va changer en 2015, quand la voiture aux formes agressives, dans sa toute nouvelle mouture, sera vendue et garantie par le réseau Ford. La marque à l'ovale bleu la mettra en vedette sur son stand lors du Mondial de l'automobile qui ouvre ses portes au public samedi à Paris.

Fruit défendu, en tout cas rare sur les routes françaises, la Mustang s'est pourtant imposée dans la culture populaire dès ses débuts.

Voiture de Jean-Louis Trintignant en 1966 dans Un homme et une femme de Claude Lelouch, elle prend le départ du rallye de Monte-Carlo l'année suivante aux mains de Johnny Hallyday. Elle figure aussi au générique du «Gendarme de Saint-Tropez» avec Louis de Funès. Serge Gainsbourg, en duo avec Jane Birkin, la fait rimer avec «bang» et embrasser les platanes.

Des décennies durant, les amateurs doivent recourir à de fastidieuses et coûteuses importations à titre isolé. Elles s'accélèrent à partir de 2005 quand la Mustang de cinquième génération se pare d'une carrosserie rappelant celle de la fin des «sixties».

La même que Steve McQueen

Pour son arrivée en Europe, la Ford, souvent associée à de gros moteurs, s'est un peu assagie: un quatre-cylindres de 2,3 litres sera disponible, augurant d'un appétit en carburant compatible avec des dispositifs réglementaires et fiscaux plus sévères qu'aux États unis. Mais le puissant V8 sera également proposé.

Ford dit aussi avoir consenti des efforts sur la finition et la tenue de route pour satisfaire des automobilistes européens réputés plus exigeants que les Américains.

«C'est une voiture qui paraît adaptée pour le marché européen. On peut se faire plaisir avec une voiture bien née qui ne va pas consommer comme on l'imagine d'une voiture américaine», s'enthousiasme Xavier Vrigny, responsable du «Mustang Club de France» pour la Touraine.

Il a conduit au salon Auto-Moto-Rétro du Grand-Quevilly, dans la banlieue de Rouen, sa Ford Mustang «fastback» de 1968. Le Graal de nombreux amateurs, et pour cause. «C'est la même que Steve McQueen dans Bullitt», souligne-t-il.

Le club Mustang rassemble quelque 350 passionnés en France, «plombiers, avocats et même gendarmes», explique son président, Jean-Claude Duprée, qui a noté une forte hausse de ses adhérents depuis dix ans. Et il s'attend à en accueillir encore davantage avec la nouvelle génération de voitures.

500 réservations en 45 secondes

«Tout le monde est déjà dans les blocs de départ, les gens sont vraiment dans l'expectative, ils disent "on veut la voir, on veut la voir"», raconte ce steward d'Air France à la retraite qui possède pas moins de cinq Mustangs, la plus ancienne de 1966 et la plus récente de 2012.

Patrick Rencurosi, responsable du club pour la Normandie, confirme que la nouvelle Mustang «est attendue de pied ferme». Bémol toutefois pour lui: «il va falloir savoir à quelle sauce le gouvernement français va nous faire absorber la taxe carbone» qui frappera les modèles les plus puissants.

Selon Ford, le modèle d'entrée de gamme devrait se vendre autour de 35 000 euros, avec deux carrosseries au choix, coupé et cabriolet.

Au-delà des puristes, Fabrice Devanlay, directeur de la communication de Ford France, est certain que ce modèle va provoquer l'engouement en Europe. Il en veut pour preuve le fait que 500 voitures, proposées en pré-réservation sur internet au début de l'été, sont parties... en 45 secondes.

Objectif de ventes en Europe: 8000 Mustangs par an, soit dix fois moins qu'aux États-Unis. Mais ce n'est pas le succès commercial qui importe, selon M. Devanlay: la Mustang, «voiture magique», servira «avant tout à attirer les gens dans les concessions», confie-t-il.