Les Américains sont-ils prêts à acheter une voiture «chinoise» ? General Motors (GM), qui devrait dévoiler ce dimanche au salon automobile de Detroit (nord) un modèle entièrement fabriqué en Chine, mais destiné aux consommateurs américains, en est convaincu.

L'annonce prévue au cours d'un grand raout lundi est fustigée par les syndicats locaux et pourrait vite devenir un sujet de polémique au moment où Donald Trump, le favori du parti républicain à l'élection présidentielle, a fait de la relocalisation des emplois industriels un thème de campagne.

Le premier véhicule «Made en China» de GM est un 4X4 de ville (VUS) de la marque Buick, appelé «Envision» et produit dans ses usines de la province de Shandong (est). Il est déjà vendu en Chine où il s'en est écoulé 127 085 unités sur les 11 premiers mois de 2015.

Le constructeur américain prévoit d'en importer entre 30 000 et 40 000 exemplaires par an pour renforcer l'offre de Buick aux États-Unis au moment où la demande pour les VUS, cross-overs et camionnettes à plateau (pick-ups) est forte en Amérique du Nord sur fond de bas prix de l'essence.

«Nous espérons que ce sera un succès», indique à l'AFP Molly Peck, directrice du marketing chez Buick. «Il offre toutes les fonctionnalités et aménagements d'un VUS de luxe. Il est de haute qualité, silencieux et équipé des dernières technologies en matière de sécurité. Le design est magnifique (...) Le rapport qualité-prix est bon», ajoute-t-elle.

GM devient ainsi le premier grand groupe automobile présent aux États-Unis à vendre un véhicule produit en Chine, une démarche décriée par le puissant syndicat de l'automobile UAW.

«C'est une insulte» pour les contribuables américains dont une partie des impôts a servi à sortir GM de la faillite à l'été 2009, critique l'UAW.

S'il n'en a pas encore fait un sujet de campagne, le milliardaire Donald Trump, qui dénonce depuis des mois la délocalisation des emplois américains en Chine et au Mexique, dispose là d'une opportunité pour nourrir sa rhétorique nationaliste, selon les experts.

Nouvelle ère

«C'est un événement majeur qui ouvre une nouvelle ère», souligne Harley Shaiken, professeur à l'Université de Berkeley (Californie) et spécialiste du droit du Travail.

«GM est conscient que si l'impression de départ sur ce véhicule est mauvaise, les conséquences iraient au-delà de ce simple modèle», selon cet expert.

Le groupe automobile américain importe déjà aux États-Unis des véhicules dont des éléments, comme les moteurs, sont fabriqués au Mexique et au Canada.

Pour certains analystes, GM n'avait pas d'autre choix que de produire ce véhicule à l'étranger.

«Les usines de GM en Amérique du Nord fonctionnent au maximum de leurs capacités. Il n'y avait pas de place pour cette voiture», estime Stephanie Brinley, analyste chez IHS Automotive.

«Cela ne signifie pas pour autant que toutes les Buick vont désormais être produites en Chine ou que délocaliser la production en Chine est devenue la stratégie de General Motors», ajoute-t-elle.

Pour Jessica Caldwell chez Edmunds.com, nombre d'automobilistes ne se rendront probablement pas compte que la Buick Envision a été fabriquée en Chine. «Au départ, les gens vont certainement regimber, mais sur le long terme ça ne va pas être un frein» pour l'adopter, estime-t-elle.

Pour GM, produire en Chine et vendre aux États-Unis est une opportunité pour faire des économies, alors que le coût de la main-d'oeuvre devrait augmenter suite à un récent accord de revalorisation salarial.

En novembre, GM, qui a quatre marques (Chevrolet, Cadillac, Buick et GMC) a vendu un peu plus de 100 000 voitures de la marque Buick en Chine, contre 19 000 aux États unis. Buick compte au total pour 7 % des volumes de ventes de GM.

L'exemple GM ne devrait pas faire tache d'huile dans l'immédiat selon certains analystes, parce que les constructeurs doivent déjà étoffer leur offre en Chine, premier marché automobile mondial où GM est solidement implanté.

«Je ne pense pas qu'on va soudainement voir déferler aux États-Unis des véhicules fabriqués en Chine», fait valoir Jack Nerad analyste chez Kelley Blue Book.