À quoi pouvait bien ressembler la conduite d'une automobile au sommet de son art, il y a un plus d'un demi-siècle? Et, comment celle-ci se compare-t-elle à une voiture équivalente, mais d'un millésime plus récent? Voilà l'expérience hors du commun proposée par Mercedes-Benz qui, à l'occasion du lancement de sa nouvelle SL, avait eu la géniale idée de sortir de son musée un exemplaire de chacune des cinq générations précédentes de ce classique de l'automobile.

Dans ce prestigieux assemblage, la seule génération qui manquait à mon répertoire de voitures mises à l'essai était la toute première, cette spectaculaire 300 SL dévoilée en 1954 sous la forme d'un coupé dont la plus grande distinction était sa carrosserie avec portes en ailes de mouette s'ouvrant vers le ciel. Elle a été par la suite rendue plus civile avec un habillage traditionnel de roadster.

Traditionnel certes, mais toujours on ne peut plus imposant.

Peinte d'un rouge vif, il n'en fallait pas plus pour ébahir les touristes qui déambulaient en fin d'après-midi dans les rues de la station balnéaire de Marbella, en Espagne, où se tenait l'évènement. Mon guide, qui suivait dans une SL ordinaire, n'en revenait tout simplement pas de voir autant de regards béats d'admiration au volant de leurs Maybach, Aston Martin, Bentley et autres divinités du même cru.

Bref, je me suis offert mes 15 minutes de gloire au prix d'une expérience, néanmoins, assez stressante. Conduire une voiture de collection comme la 300 SL évaluée à 700 000$ (11 000$ en 1954) dans des rues étroites et achalandées n'est pas précisément ce qu'il y a de plus reposant...

Car (et c'est là que la comparaison prend tout son sens), la voiture la plus sophistiquée des années 50 n'est pas une sinécure à conduire. Ce que nos ancêtres considéraient comme l'agrément de conduite ressemble aujourd'hui à une véritable corvée.

Par exemple, les Mercedes-Benz du temps n'avaient pas d'immenses volants d'autobus pour rien. C'était pour alléger un peu la lourdeur insensée de la direction à billes, très lente, que l'on n'en finissait plus de tourner pour un simple virage à 90 degrés. Même le freinage était assez approximatif et l'on avait intérêt à bien mesurer ses distances au moment de ralentir. Quant au confort, il était lui aussi plutôt rudimentaire sans tous ces accessoires qui facilitent aujourd'hui la tâche du conducteur. Garer un tel monument par exemple était et reste une véritable épreuve de force.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Les anciennes Mercedes-Benz comme la légendaire 300 SL étaient souvent critiquées pour leur immense volant.

Un moteur en forme

Ce qui m'a agréablement surpris toutefois, lors de ce bref essai, c'est la bonne forme du moteur, sa sonorité riche et ses performances fort honnêtes pour un 6-cylindres en ligne de 3 litres et 215 chevaux. Pour afficher ses 435 chevaux, la SL 2013 a besoin de 4,6 litres de cylindrée et de deux turbocompresseurs, ce qui n'a rien de renversant à côté de la mécanique pas mal plus modeste de la 300 SL. Cette dernière misait sur une boîte manuelle à quatre rapports tandis que le modèle de sixième génération reçoit une transmission automatique à sept rapports.

Pour les férus de statistiques, sachez que notre ancienne SL avait une vitesse de pointe de 260 km/h et qu'elle ne mettait que 7,5 secondes à atteindre les 100 km/h.

La nouvelle signe la même performance en 4,6 secondes.

En 1954, personne ne se souciait d'économie d'essence et les 17 litres aux 100 km de la première SL avaient peu d'importance. S'il est un domaine où la recherche a été bénéfique, c'est bien du côté de la consommation et une SL 2013 se contente de 9,1 litres aux 100 km, soit presque deux fois moins que la version de 1954.

Les progrès technologiques

Près de 60 ans plus tard, la dernière génération des SL nous permet de constater jusqu'à quel point la technologie a fait des progrès considérables, aidée bien sûr par les avancements extraordinaires de l'électronique.

À elle seule, cette science a fait croître la sécurité d'utilisation de l'automobile de façon remarquable. On lui doit la grande majorité des aides à la conduite depuis le contrôle de la traction jusqu'aux systèmes de stabilité en passant par les suspensions adaptatives et les régulateurs de vitesse intelligents. Sans parler d'accessoires plus récents comme le détecteur de changement de voie ou d'une présence dans votre angle mort.

Après un tel essai comparatif, on en arrive à la conclusion qu'il est arbitraire de vouloir évaluer côte à côte deux modèles aussi éloignés l'un de l'autre dans le temps. La nostalgie penchera toujours du côté de la plus ancienne alors que le progrès technique fera triompher la plus récente.

Car, quoi que l'on dise, le temps embellit les souvenirs.

Les frais liés à ce voyage ont été payés par Mercedes-Benz.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Le moteur 6 cylindres en ligne de la Mercedes 300 SL alignait 215 chevaux en 1954.