Le géant automobile japonais Nissan a bouclé jeudi le rachat d'une participation de 34% dans son compatriote Mitsubishi Motors (MMC), nouveau venu dans l'alliance forgée avec le français Renault sous le contrôle de l'omniprésent Carlos Ghosn.

Déjà PDG de Renault et Nissan, le patron de 62 ans va désormais prendre la tête du conseil d'administration de MMC, sous réserve de l'approbation des actionnaires en décembre, qui devront aussi se prononcer sur l'arrivée de trois autres administrateurs venus de Nissan.

Face aux critiques de certains sur sa domination sans partage, il a toutefois annoncé la nomination de son actuel numéro deux et directeur de la compétitivité, Hiroto Saikawa, au poste de co-PDG pour l'épauler chez Nissan.

Ah, ces yeux... Osamu Masuko (à droite) a maintenant Carlos Ghosn comme patron. Photo: Reuters

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«Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une mise en retrait de ma part. Ce que je dis, c'est que j'aurai besoin de temps pour soutenir MMC», a déclaré M. Ghosn lors d'une conférence de presse à Tokyo.

Un peu plus tôt, Nissan avait officialisé sa mainmise sur son compatriote pour un montant de 237 milliards de yens (2,1 milliards d'euros).

L'actuel PDG de Mitsubishi Motors, Osamu Masuko, gardera le poste de directeur général exécutif «pour mener la transformation nécessaire de la compagnie», aux prises avec un scandale de falsification de données.

Nissan s'était porté au secours de son compatriote en mai, moins d'un mois après les premières révélations de fraude.

M. Ghosn a tenu à minimiser son rôle en insistant sur la distinction entre les deux fonctions. «Le conseil d'administration est chargé de la gouvernance, pas de la direction opérationnelle de la compagnie, il est là pour s'assurer que les règles et procédures existent et sont respectées» et pour «garantir la transparence», ainsi que pour «apporter conseil et soutien», a-t-il insisté.

«Oui, je serai impliqué dans trois entités, mais pas de la même manière», a ajouté le patron, pressé de questions par les journalistes sur sa triple casquette (Nissan-Renault-MMC).

Il portait déjà deux chapeaux. Photo: AFP

Une alliance à 10 millions de voitures

M. Masuko s'est pour sa part dit «ravi que cette transaction ait abouti», seule voie, selon lui, pour que sa compagnie «survive face aux rapides mutations de l'industrie automobile».

Nissan devient ainsi «le premier actionnaire de Mitsubishi Motors», devant les groupes de la galaxie Mitsubishi, et leur association permettra des économies évaluées à environ 25 milliards de yens (220 millions d'euros) sur l'exercice 2017-18, par «le partage d'usines, de plateformes, de recherche et développement».

«Nous allons co-développer des technologies pour les voitures autonomes, pour lesquelles existe une forte compétition», a détaillé M. Masuko, alors que Nissan revendique une avance dans ce domaine. En tant que nouveau «membre de l'alliance», il a aussi évoqué une possible collaboration avec Renault, bien placé dans les moteurs diesel.

Inversement, la firme aux trois losanges pourra apporter son expertise dans les mini-voitures, les véhicules hybrides rechargeables et sa forte implantation en Asie du sud-est.

Mais avant tout le constructeur, qui redoute une lourde perte nette pour l'exercice en cours, va devoir s'efforcer de restaurer son image, déjà entachée par une précédente affaire de dissimulation de défauts dans les années 2000.

«C'est la priorité numéro un», a rappelé M. Ghosn. «Nous devons empêcher que ne se reproduise ce type de problème», a renchéri M. Masuko.

Voici au moins un poste de président que Carlos Ghosn n'a pas obtenu. On le voit ici avec l'ancien pape Benoît XVI --maintenant à la retraite-- au moment de lui faire cadeau d'une Renault électrique. Photo: Osservatore Romano, via AFP

Y en n'aura pas de facile

S'il a reconnu que ce ne sera pas une tâche facile, Carlos Ghosn «espère faire renaître Mitsubishi comme il l'a fait avec Nissan», qui se trouvait au bord de la faillite au début des années 2000, souligne Hans Greimel, analyste d'Automotive News basé à Tokyo, interrogé par l'AFP.

«Une chose est sûre : Mitsubishi a un avenir bien plus radieux avec Nissan que seul», dit-il.

Plus largement, l'ambitieux patron y voit l'occasion d'étendre l'emprise du partenariat noué avec le français Renault en 1999.

«La combinaison de Nissan, Mitsubishi Motors et Renault va créer une nouvelle force dans l'industrie automobile», a-t-il promis, se voyant déjà dans le top 3 mondial. La nouvelle alliance, qui compte aussi le russe Avtovaz, verra ses ventes annuelles avoisiner les 10 millions de véhicules, tout juste derrière le japonais Toyota, l'allemand Volkswagen et l'américain General Motors.

Cette photo du bras et de l'ombre de Carlos Ghosn (à g.) et de l'ombre de son nouvel employé Osamu Masuko, de Mitsubishi, a fait sourire au Japon. Photo: Issei Kato, Reuters