Avant même de poser ses roues en Amérique du Nord --en 2009-- la GT-R était déjà une légende. En raison de son prestigieux palmarès accumulé au Japon et en Australie, mais aussi et surtout pour sa participation virtuelle sur les consoles de jeu PlayStation (Gran Turismo). Mais l'ardente excitation provoquée par ce coupé que l'on surnomme Godzilla s'est estompée. Pour contenir la déferlante de voitures d'exception, moins radicales et tout aussi efficaces, apparue ces dernières années, Nissan n'a pu faire autrement que d'adoucir le monstre.

Il pleut, la visibilité est réduite, la chaussée est grasse et les pneus sont froids. Tous les ingrédients se trouvent aujourd'hui réunis pour expédier la GT-R dans les rails...

Déjà réputé difficile, le circuit de Spa-Francorchamps se transforme, dans ces conditions dantesques, en un véritable péril. La prudence élémentaire consiste à ne pas lâcher tous les chevaux. 

La conduite obéit alors à une règle impérative : attendre que les gommes aient atteint leur température de fonctionnement adéquate pour solliciter le potentiel du moteur et du châssis. En pratique, accélérer progressivement, et seulement quand la voiture est en ligne, éviter les vibreurs - de véritables patinoires - et les lignes blanches qui quadrillent par endroits le circuit.

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Essai sur l'ancienne piste du GP de Belgique

Il ne faut pas oublier que la GT-R met quelque 3 secondes pour passer de 0 à 100 km/h et que cette fois, contrairement à un essai réalisé quelques années plus tôt sur le tout aussi exigeant circuit de Suzuka, au Japon, la vitesse maximale ne se trouve pas bridée à 180 km/h.

Eau rouge, Radillon, les Combes, Pouhon, Blanchimont. Tous des virages qui exigent concentration, précision et une bonne dose de sang-froid sur le sec, alors imaginez un peu sur le mouillé. Mais contrairement à plusieurs sportives de son rang (Corvette Z06, Aston Martin Vantage, Mercedes AMG-GT), la GT-R bénéficie d'un rouage à quatre roues motrices qui se distingue par sa faculté à rouler très vite par tous les temps : une vraie bénédiction que de bénéficier de cette exceptionnelle motricité dans le cadre de cet essai !

En revanche, dans ces conditions météo, impossible de rendre compte du travail réalisé par les motoristes qui, à l'aide de savantes interventions, sont parvenus à extraire 20 chevaux et 4 lb-pi de couple supplémentaires.

Dix ans d'améliorations techniques

Visuellement, les formes de la GT-R ont peu changé depuis son lancement il y a près de 10 ans.

Cependant, le concept aérodynamique s'est beaucoup affiné dans le but d'améliorer le phénomène de déportance sur le dessus de la voiture au moyen d'appendices aérodynamiques (becquets, ailerons, volets, lames...) et une zone de dépression en dessous pour attirer le soubassement vers le sol. D'autre part, creuser un complexe réseau de tunnels et de canalisations qui, en traversant les structures, avalent et convoient l'air frais vers les organes à refroidir avant de l'évacuer avec les calories produites par la mécanique. En somme, on se sert désormais de l'air au lieu de jouer au plus fin avec lui.

Comme il pleut et que la température est fraîche dans les Ardennes en cette période de l'année, les glaces de la GT-R sont relevées.

V6 enragé

C'est dommage, car entendu du dehors, les hurlements enragés du V6 suralimenté donnent le frisson.

Du dedans, c'est moins réussi, malgré l'adoption d'un résonateur plus sonore et de la technologie - toujours trop artificielle - qui vise à améliorer « l'expérience sonore » en phase d'accélération. Ce n'est pas très réussi. Et à la réflexion, c'est peut-être mieux, du dedans, ne pas se laisser distraire pour éviter les pièges tendus par cette piste.

À ce sujet, mention plus qu'honorable aux ingénieurs de Nissan d'avoir mis un terme à l'épouvantable vacarme des roulements et autres pièces mécaniques entendus sur les modèles précédents. La présence d'un dispositif de réduction du bruit actif n'y est certes pas étrangère.

Soucieux de ne pas se retrouver avec des GT-R et des invités froissés à la tombée du jour, les organisateurs de l'événement veillent rigoureusement à ce que les nombreuses béquilles électroniques demeurent en alerte. Ces derniers ne stériliseront pas pour autant la pugnacité de la GT-R à s'extraire des virages et encore moins les amorces de dérives dictées par un pied droit trop impatient à remettre les gaz.

Accélération violente, jamais de surprise

Qu'à cela ne tienne, la GT-R se montre, plus que bon nombre de ses présumées rivales, parfaitement sûre dans ces conditions météorologiques. En dépit de la violence de l'accélération, l'assiette demeure plutôt stable, et tandis que le « pilote » entre dans les virages sur les freins jusqu'au point de corde sans soucis. On ne ressent qu'une amorce de dérive du train arrière qu'on contrôle sans mal pour peu qu'on fasse preuve d'une rigoureuse précision. Pas toujours facile en raison du manque de ressenti de la direction.

Ramassée, la GT-R paraît pourtant plus massive qu'elle le semble au volant. Et ce n'est pas seulement une impression : à près de 1800 kg à la pesée, elle est plutôt lourde, ce qui a pour effet de brimer son agilité, la rend plus monolithique. En d'autres mots, une auto qui récompense la précision de conduite et non l'improvisation.

Contrairement à ses présumées rivales, la GT-R s'appréhende et se comprend tout de suite. D'ailleurs, sa principale qualité tient peut-être justement au fait qu'elle ne vous surprend jamais. Impeccablement équilibré, le châssis se montre d'une stabilité exemplaire dans toutes les phases de la conduite, y compris les plus critiques. 

Les modifications - les plus importantes jamais apportées depuis le lancement de cette génération - améliorent non seulement son efficacité par rapport à celui du modèle précédent, mais aussi son comportement en virage (la rigidité du châssis a été opportunément renforcée) où elle sous-vire beaucoup moins et, grâce à des suspensions révisées, augmentent le confort au prix, il est vrai, de mouvements de caisse légèrement accentués.

Un habitacle plus raffiné

Revenons en arrière. Le dévoilement de la GT-R s'est organisé en deux temps. Une portion sur la piste, une autre sur la route où il a été permis de se familiariser avec le côté Mr. Hyde de cette Nissan. L'aspect « console PlayStation » de la partie centrale du tableau de bord demeure avec ses menus et sous-menus ayant pour but d'offrir un relevé quasi télémétrique de « vos » performances, mais on retiendra autre chose cette fois.

Contrairement aux modèles des précédentes années, la GT-R apparaît aujourd'hui plus raffinée, plus cossue. Moins bruyante aussi, faut-il le répéter. 

Le luxe se joint à la qualité de la conception pour assurer aux voyageurs (oubliez cependant les minuscules places arrière) un exceptionnel confort, pour une auto de cette catégorie, s'entend.

Immergé dans un océan de cuir et de garnitures aux tons assortis, bien calé dans un siège confortable et parfaitement sculpté, on se sent prêt à traverser le Canada rien que pour le plaisir. On regrettera toujours qu'il soit nécessaire d'opérer deux leviers pour régler la colonne de direction (un pour la hauteur, un autre pour la profondeur). En revanche, les palettes montées au volant sont désormais plus agréables à utiliser et mieux positionnées qu'autrefois. Les amateurs apprécieront.

Note de la rédaction : les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Nissan Canada.