En dévoilant la nouvelle génération de sa Leaf, début septembre, Nissan a malencontreusement créé beaucoup de confusion quant à son autonomie réelle. Sera-t-elle de 240 ou de 380 km par charge ? Ni l'une ni l'autre, en fin de compte. Voici pourquoi.

En 2017, un dévoilement en direct sur la Toile est un phénomène mondial. Alors quand la fiche technique doit comporter des données devant respecter des règles variant d'un marché à un autre, il peut arriver que les données soient mal interprétées. C'est déjà assez délicat lorsqu'il est question de l'autonomie d'un véhicule, ce l'est encore plus si ce véhicule est électrique.

Contrairement à d'autres produits électroniques, comme les téléphones intelligents, le calcul de l'autonomie moyenne de la batterie des véhicules électriques diffère entre l'Europe et l'Amérique, notamment. C'est pourquoi, dans les heures suivant la présentation de la Leaf 2018, on apprenait qu'elle pourra parcourir jusqu'à 380 km par charge, dans le meilleur des cas. Cette donnée est obtenue selon le NEDC, ou « New European Driving Cycle », qui accorde une plus grande importance à la conduite à basse vitesse, en ville, où la motorisation électrique fait mieux.

En Amérique du Nord, conduire à haute vitesse sur autoroute est plus fréquent. Par conséquent, Nissan a plutôt annoncé une autonomie de 240 km par charge dans ce contexte. Une version de la Leaf dotée d'une batterie plus imposante, qui ira défier les Tesla de ce monde, sera mise en marché dans les mois suivant le lancement de ce modèle, a ajouté le constructeur.

Le premier vice-président de Nissan, Hideyuki Sakamoto, a présenté la Leaf 2018. Photo: Reuters

De 240 à 180 km par charge

Alors, aura-t-elle 240 km par charge, cette Leaf ? Probablement pas, observe Jesse Caron, spécialiste en consommation automobile pour CAA-Québec.

« Les chiffres [fournis par les fabricants] sont exagérés, surtout l'hiver, où on a calculé que le froid réduisait en moyenne de 33 % l'autonomie des piles des véhicules électriques. Ils sont probablement atteignables l'été, dans des conditions idéales, si on accélère doucement et si on respecte toutes les limites. »

Comme la cote de consommation des véhicules à essence, l'autonomie estimée des modèles électriques est établie dans les conditions les meilleures. Ce qui fait que les 380 km d'autonomie annoncés pour la Chevrolet Bolt sont en réalité plus près des 275 km, et les 150 km de la Kia Soul EV oscillent autour de 100 km.

Pour la Leaf 2018, les 240 km prévus par Nissan Canada pourraient descendre sous les 200 km par charge, prévoit M. Caron. « La technologie s'améliore sans cesse, mais on a le pied lourd, au Québec », conclut-il.

La nouvelle Leaf. Photo: Reuters

Même confusion dans le projet de loi 104 ?

Il y a deux semaines, Tesla Motors a rempli une demande d'inscription au Registre des lobbyistes du Québec, afin, explique cette demande, d'aider le gouvernement provincial à utiliser les bonnes définitions en matière de voitures électriques et de consommation énergétique et d'autonomie, dans l'élaboration finale de la loi devant favoriser l'émergence de la motorisation électrique sur nos routes.

La nature même des véhicules électriques est une autre source de confusion chez plusieurs consommateurs.

La définition d'un véhicule électrique pourrait inclure, ou pas, les véhicules hybrides et hybrides branchables, mais aussi certains modèles équipés plus simplement d'un système d'arrêt-moteur. Tesla Motors n'a pas voulu commenter ses intentions, mais le groupe du PDG Elon Musk pourrait vouloir ainsi faire contrepoids aux constructeurs plus traditionnels qui craignent ne pas pouvoir atteindre le seuil minimal fixé par le projet de loi zéro émission, qui exige que 3,4 % des véhicules neufs vendus en 2018 soient à motorisation électrique.

Le constructeur californien voudra sans doute réfuter l'argument selon lequel ce seuil est inaccessible. En Californie, où une loi similaire existe déjà, les ventes de véhicules électriques comptaient pour 4,9 % du marché total durant la première moitié de 2017.

Photo: Nissan