Ratan Tata passe la main ce vendredi, jour de son 75e anniversaire, vingt ans après avoir fait du groupe Tata, un colosse capable de s'offrir des proies aussi imposantes que le constructeur Jaguar ou le sidérurgiste Corus.

«Père» de la Nano, présentée comme la voiture la moins chère du monde, Ratan Tata sera remplacé par Cyrus P. Mistry, 44 ans, à la tête du premier conglomérat indien au chiffre d'affaires combiné de 100 milliards de dollars US sur l'exercice 2011/2012.

«Le groupe Tata a été le fer de lance de l'intégration indienne dans l'économie mondiale», titrait vendredi le quotidien The Hindustan Times.

Ratan Tata, descendant d'une dynastie industrielle vieille de 140 ans, a pris la tête de l'empire familial en 1991, à l'époque où l'Inde libéralisait son économie en suivant, peu ou prou, le modèle soviétique. Il a alors entrepris de réveiller ce que les analystes appelaient un «dinosaure endormi».

Formé dans les universités américaines de Cornell et Harvard, Ratan Tata a été un précurseur en faisant adopter à ses entreprises les pratiques internationales, a souligné le Hindustan Times.

«Ce qu'il a fait sert aujourd'hui de tremplin pour toute une nouvelle génération de dirigeants d'entreprises indiens à l'international», selon le journal.

Le groupe a été fondé en 1869 - sous la période coloniale - par Jamsetji Tata qui avait démarré dans le textile à Bombay avant de construire la première centrale hydroélectrique du pays, puis la première aciérie de Tata Steel en 1907.

Le groupe s'est relancé sous la houlette de Ratan Tata en étant l'une des premières entreprises indiennes à acheter à l'étranger.

Son premier coup d'éclat remonte à 2000, lorsqu'il enlève le fabricant de thé britannique Tetley Tea. À l'époque, la presse indienne y voit la «contre-attaque de l'Empire britannique des Indes» sur le Royaume-Uni, l'ex-puissance coloniale.

Tata rafle ensuite le fabricant de café américain Eight O'clock Coffee, l'aciériste anglo-néerlandais Corus en 2007 pour 13,7 milliards de dollars, puis en 2008, les marques haut de gamme Jaguar et Land Rover rachetées au constructeur automobile américain Ford.

Du thé à la construction de camions en passant par la chimie, les télécoms, l'informatique et les services financiers, l'empire Tata compte aujourd'hui une centaine de filiales et réalise près de 60% de son chiffre d'affaires à l'étranger, principalement aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

La nomination de Cyrus Mistry, annoncée dès novembre 2011, permet au groupe de garder la présidence non loin du giron familial: la soeur de Mistry est mariée au demi-frère de Ratan, Noël, un temps pressenti pour lui succéder.

Comme Ratan Tata, M. Mistry, devenu l'un des dirigeants de la holding Tata Sons à la tête du conglomérat en 2006, est un parsi, une minorité religieuse adepte d'une confession dérivée du zoroastrisme.

Diplômé de l'université londonienne Imperial College et de la prestigieuse London Business School, Cyrus Mistry est aussi le fils du magnat Pallonji Mistry, plus gros actionnaire de la holding Tata Sons.

«Tata a dirigé le groupe avec vision, énergie, ténacité et compétence», estime Pradip Shah, président fondateur de la société IndAsia Fund Advisors, un proche de la galaxie Tata.

Le défi de son successeur Cyrus Mistry, souligne-t-il, sera de poursuivre le développement du groupe, de gérer ses 23 000 employés et de lui faire traverser la crise mondiale qui affecte actuellement ses activités dans l'acier, l'énergie, les télécoms, l'hôtellerie et la finance.

Aucun événement officiel n'est prévu pour la passation de pouvoirs.

Cyrus Mistry a été accueilli vendredi par une horde de journalistes au siège du groupe à Bombay, sans faire de déclaration. Ratan Tata, discret et fuyant les mondanités, ne s'est pas rendu, lui, au bureau, selon son entourage.

Célibataire et sans enfants, il porte désormais le simple titre de «président émérite».