Certains automobilistes n'ont aucun scrupule à abandonner leur véhicule chez un garagiste ou un concessionnaire. Source de revenus, ce bien devient soudainement embarrassant pour le commerçant. Une situation inusitée.

Bien que très rare, le phénomène existe bel et bien.

En 20 ans de mécanique, Roch Sylvain l'a appris à ses dépens à quatre reprises. Ce garagiste de Québec a vu chaque fois le client s'évanouir dans la nature après avoir laissé son véhicule à son atelier pour une simple évaluation de réparations. Lors de sa dernière mésaventure du genre, le client lui a laissé sa voiture sans aucun papier d'immatriculation. «On a rappelé le client, il était reparti dans son pays d'origine. Finalement, j'ai réussi à envoyer la voiture à la ferraille», témoigne Roch Sylvain.

Directeur adjoint aux services-conseils automobiles de CAA-Québec, Daniel Bédard observe que ce cas de figure est souvent signalé près des universités et des cégeps. «Les étudiants étrangers se débarrassent de leur voiture au moment de partir», dit-il.

Mais la raison principale pour laquelle un propriétaire abandonne son véhicule chez un commerçant est que le montant des réparations est plus élevé que la valeur du véhicule. Le client ne veut alors pas payer. On connaît la suite.

Conséquences, le garagiste doit malgré tout conserver l'automobile et donc l'assurer comme n'importe quel autre stationné dans ses installations. Et il perd de l'argent dans le cas d'une évaluation et, surtout, de réparations effectuées.

Un «oubli»

Les garagistes victimes de ces désagréments n'ont pour seul recours que de respecter les dispositions stipulées dans le Code civil du Québec. Lorsqu'un bien n'est pas récupéré par son propriétaire dans les 90 jours suivant la fin des travaux, il est considéré comme «oublié».

À partir de ce moment, le garagiste devra signifier au client son «oubli» par courrier recommandé. Si ce dernier ne récupère pas son véhicule dans les 90 jours suivant l'envoi de la lettre, le garagiste pourra demander à la Société de l'assurance automobile du Québec d'immatriculer le véhicule à son nom.

«S'il n'y a pas de créancier lié à la voiture, on peut ensuite la vendre à n'importe qui. S'il y a un créancier, le garagiste l'avise de la situation et s'entend avec lui. Mais de toute façon, le créancier ne pourrait récupérer le véhicule sans payer au garagiste le montant équivalant aux réparations», explique Frédéric Morin, avocat et directeur des affaires juridiques à la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ).

Attendre 180 jours avant de pouvoir prendre possession d'un véhicule que l'on ne voulait pas voir dans sa cour initialement, «c'est un délai trop long», juge par contre la CCAQ.

Le garagiste a intérêt à respecter cette procédure, une poursuite du propriétaire du véhicule étant toujours possible. Du moins, si celui-ci donne signe de vie...