Deux jours après que son salaire de 10 millions de dollars eut fait les manchettes au Japon, le président de l'Alliance Renault-Nissan Carlos Ghosn a pris jeudi la tête d'un troisième constructeur automobile, le russe AvtoVaz.

M. Ghosn a accepté jeudi dernier la présidence du conseil d'administration d'Avtovaz, le fabricant de la Lada, qui est devenue en avril une filiale à 67 % de Renault-Nissan (les 33 % restants appartiennent à l'État russe).

Cette responsabilité supplémentaire a peut-être apaisé les actionnaires japonais qui avaient sourcillé mardi, à l'assemblée annuelle de Nissan, en apprenant que M. Ghosn était un des chefs d'entreprise les mieux rémunérés de tout le Japon.

Vivant déjà entre Yokohama et Paris (un voyage de 9800 km) le dirigeant de Renault et de Nissan a ajouté une escale russe qui rallongera de 1000 km ses voyages entre le Japon et la France. Le siège social d'AvtoVaz et l'usine qui assemble les Lada sont situés à Togliatti, au centre de la Russie. Et relever AvtoVaz, désuète, improductive, démoralisée et déficitaire, est un défi plus intimidant que le décalage horaire.

Questionné mardi dernier (avant sa nomination chez AvtoVaz) au sujet de sa rémunération d'environ 10 millions de dollars en 2012, M. Ghosn a répondu qu'elle est « relativement basse, dans (le contexte) de l'industrie automobile mondiale ».

La question est plus sensible au Japon, où le président de Toyota, Akio Toyoda, a gagné 1,9 million de dollars en 2012, quand il a ramené la compagnie au 1er rang mondial des ventes automobiles.

Mais à l'échelle de la planète, M. Ghosn n'a pas tort.

Alan Mulally, de Ford, est le mieux payé de tous les patrons de l'automobile, avec une rémunération de 21 millions en 2012.

Martin Winterkorn de Wolkswagen a accepté une baisse de salaire à 14 millions d'euros en 2012, soit 18,2 millions de dollars (mais il était le mieux payé en 2011 avec 22,8 millions de dollars).

Au fait, tous les présidents nommés dans cet article savent de quoi a l'air une valise : dans une entrevue avec le magazine allemand Der Spiegel, l'an dernier, M. Winterkorn expliquait avoir fait en 2012 le trajet Wolfsbourg (siège social de Volkswagen) - Detroit - Mexico - Wolfsbourg (19 000 km) en trois jours... puis d'avoir pris l'avion pour la Suède le soir même.

Au palmarès des salaires, viennent ensuite Dan Akerson, de GM, avec 11 millions de dollars, puis Dieter Zetsche, de Daimler (Mercedes-Benz), en 2012.

C'est au cinquième rang qu'on retrouve M. Ghosn avec ses 10 millions pour diriger Nissan et Renault (et maintenant AvtoVaz), juste devant Sergio Marchionne, qui a reçu 9,9 millions de dollars en 2012 pour diriger Fiat (7,4 millions d'euros, soit 9,6 millions $) et Chrysler (300 000 en compensation non-salariale). Il ne touche pas de salaire chez Chrysler depuis que Fiat a repris Chrysler de la faillite en 2009.

Comme M. Ghosn, M. Marchionne doit voyager sans cesse entre les sièges sociaux de deux constructeurs, mais Turin, en Italie, est à « seulement » 6900 km d'Auburn Hills, en banlieue de Détroit.

Tout ça remet les choses en perspective, au Japon, où les actionnaires ont naturellement tendance à comparer les 10 millions de M. Ghosn au 1,9 million de M. Toyoda, deux dirigeants extrêmement engagés et capables et qui voyagent partout dans le monde dans leurs empires commerciaux respectifs.

L'autre façon de mettre en perspective l'écart salarial entre MM. Ghosn et Toyoda est de rappeler que M. Toyoda est aussi le petit-fils et un des héritiers du fondateur de Toyota, Kiichiro Toyoda; son actif net est estimé à un milliard de dollars, 20 fois celui de M. Ghosn.

Une chose est vraie pour tous ces dirigeants. Aucun de ces workaholics ne le fait (seulement) pour l'argent.

Ni pour les points Aéroplan, ils voyagent en jet privé.

Sources financières : AP, Bloomberg, Der Spiegel; Detroit News; Automotive News; Finanza i Mercati.