Le «Made in Germany», gage de qualité longtemps accolé aux constructeurs automobiles allemands, a perdu de sa réalité ces dernières années sans remettre en cause l'image de marque des BMW, Audi ou Mercedes.

Depuis 2010, davantage de voitures allemandes sont produites à l'étranger qu'en Allemagne.

Ce phénomène s'explique par «la volonté des constructeurs, pas seulement allemands, de produire toujours plus dans les régions où ils vendent», en Chine ou aux États-Unis par exemple, analyse Stefan Bratzel, directeur du Centre de recherche automobile CAM à Bergisch Gladbach.

Ils veulent «soigner leur image en étant vu par les clients comme un employeur dans la région, mais aussi répondre aux exigences de certains gouvernements, économiser en coûts logistiques et se mettre à l'abri des risques liés au taux de change», explique Christoph Skudelny, spécialiste automobile au sein du cabinet d'audit et de conseil PwC.

Les constructeurs allemands comme BMW, Audi, Volkswagen et Mercedes-Benz ont vite compris l'importance de l'internationalisation, ce qui leur permet aujourd'hui de résister sans trop de mal à la crise du marché européen.

En 20 ans, la production à l'étranger des constructeurs présents en Allemagne, à savoir Opel, Audi, Porsche, Volkswagen, BMW, Daimler ainsi que Ford Europe, a plus que quadruplé pour atteindre 8,2 millions d'unités en 2012, selon les chiffres de la fédération automobile allemande VDA.

Cette évolution ne s'est pas faite au détriment de l'Allemagne, où la production automobile a également progressé, quoiqu'à un rythme plus modéré, pour atteindre 5,6 millions d'unités l'an dernier.

L'internationalisation de la production devrait se poursuivre, à en croire la VDA, qui prévoit que les fabricants allemands assembleront 8,7 millions d'unités hors du territoire national en 2013. La part de la production à l'étranger des constructeurs allemands grimpera ainsi de 60% en 2012 à 63% en 2013.

Il y a dix ans seulement, le rapport était encore de 45% de la production hors du pays contre 55% en Allemagne, et de 23% contre 77% en 1992.

Seule exception, la marque de luxe Porsche qui produit toujours entièrement à domicile.

«Développé en Allemagne»

Daimler, fabricant des Mercedes-Benz, compte fabriquer d'ici la fin de la décennie la moitié de ses voitures en Allemagne, contre «les deux tiers aujourd'hui», selon un porte-parole. Après avoir ouvert une usine en Hongrie pour ses modèles compacts l'an dernier, le groupe réfléchit à assembler au Brésil et au Mexique «mais aucune décision n'a encore été prise», a déclaré mardi le patron Dieter Zetsche au Salon de l'auto de Francfort.

«Tant que la qualité est au rendez-vous dans les usines à l'étranger, cela ne nuit pas à l'image des constructeurs allemands», selon M. Bratzel.

D'autant que les clients s'intéressent peu au lieu de fabrication: selon une étude de l'observatoire Cetelem, seuls 5% des Européens y accordent de l'importance.

Mais «plus on va dans le haut de gamme, plus le lieu de production est important», relève Christoph Stürmer, du cabinet de conseil IHS Automotive.

Les constructeurs allemands ont trouvé la parade, en vantant les mérites du «développé en Allemagne» plutôt que du «fabriqué en Allemagne». «L'ingénierie allemande a une bonne réputation, c'est plutôt ce qui est mis en avant», observe Jürgen Pieper, analyste de la banque Metzler.

Pour l'instant, la hausse de la production à l'étranger n'a «pas seulement créé des emplois à l'étranger mais aussi en Allemagne», où le secteur compte 750 000 salariés, en légère hausse, a déclaré à l'AFP Klaus Bräunig, responsable au sein de la VDA.

Forts de leurs succès, plusieurs constructeurs allemands ont d'ailleurs versé de généreuses primes à leurs employés cette année.

«Pour des raisons politiques et sociales, avec un syndicat puissant (IG Metall), délocaliser n'est pas facile», souligne M. Pieper, «et les constructeurs veulent montrer qu'ils restent présents en Allemagne».

Mais, pour M. Bräunig, s'il n'y a pas de menace immédiate pour les sites allemands, il «n'y a pas non plus de garantie» pour l'avenir.