L'an dernier, 53% des conducteurs québécois ont consommé de l'alcool et pris le volant. Cette proportion est en hausse par rapport aux années précédentes. Faut-il y voir un motif de préoccupation?

«Au cours des 12 derniers mois, vous est-il arrivé de conduire alors que vous aviez consommé au moins une consommation?» À cette question posée sur l'internet à 1083 conducteurs entre le 11 et 17 juillet 2013, 53% ont répondu par l'affirmative. Cette proportion est nettement plus élevée qu'en 2008, alors que 42% des conducteurs avaient affirmé la même chose.

On doit ce résultat à la maison de recherches et de sondages SOM qui a déposé en novembre dernier un rapport sur l'efficacité de la dernière campagne de sensibilisation «Alcool et drogue» de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). Dans ce rapport figurent entre autres ces proportions.

Au-delà de cet écart significatif entre les deux périodes, comment expliquer cette augmentation? Directeur de projet pour la firme SOM, Louis Moreau suppose «que l'on a là une population plus informée [sur les risques de l'alcool au volant], elle a donc une certaine aisance à prendre une consommation». Elle se permettrait donc une consommation raisonnable. Rappelons que le libellé de la question parle «d'au moins une consommation».

Mais ce début d'explication a ses limites. Dans le deuxième volet de la question posée par SOM, 18% des conducteurs ont affirmé qu'il leur est arrivé «de conduire alors qu'ils avaient consommé deux consommations ou plus dans l'heure précédant le départ». Cette proportion était de 12% en 2008.

Dans le troisième volet de la question, 7% ont reconnu avoir conduit alors qu'ils avaient consommé «plus de cinq consommations» au cours d'un même événement. Cette proportion était de 3% seulement en 2008.

Les réponses à ces deux derniers volets de la question sont plus «préoccupantes», juge Louis Moreau. On a, semble-t-il, affaire à un noyau dur. Qui semble grossir.

Des données surprenantes

Ces pourcentages et leur croissance laissent les analystes de la SAAQ perplexes. La firme SOM précise que «certains aspects de la méthode de sondage peuvent avoir contribué à ces écarts, notamment l'administration du sondage par internet (et non par téléphone) et le fait que la population sondée soit constituée exclusivement d'adultes alors qu'il y avait des répondants de 16 et 17 ans dans les sondages des années antérieures».

Ce changement de méthodologie explique-t-il à lui seul l'écart de 11 points (53% en 2013 contre 42% en 2008) observé dans le premier volet de la question? Et peut-il expliquer que les proportions aient augmenté de 50% dans le deuxième volet (de 12% à 18%) et même de plus de 100% dans le troisième volet (de 3% à 7%) de la question?

«À ce stade-ci, on ne sait pas à quel point le changement de méthodologie peut avoir eu une influence sur le taux élevé», répond Lyne Vézina, directrice des études et stratégies en sécurité routière à la SAAQ.

«S'agit-il d'un réel changement de comportement? [...] Il faut être prudent à ce stade-ci», ajoute-t-elle.

À la SAAQ, on ne cache pas que c'est «surprenant» et «préoccupant» d'avoir des chiffres aussi élevés. Néanmoins, le prochain sondage qui sera effectué l'été prochain selon la même méthodologie employée en 2013 devrait apporter un éclaircissement.

«On va suivre ça, on va voir si le phénomène prend de l'ampleur ou si c'est lié à la méthode de sondage», conclut Michelle Gendreau, statisticienne à la SAAQ.

Prendre le volant après avoir pris au moins une consommation alcoolisée est le fait de 63 % des hommes.

Plus honnêtes par internet?

La manière dont on demande à un conducteur s'il a consommé de l'alcool peut-elle influencer sa réponse? Les derniers chiffres sur la consommation d'alcool au volant contrastent tellement avec ceux des années précédentes que la méthodologie pourrait en être responsable.

Le sondage de l'an dernier a été mené par internet alors que ceux des cinq années précédentes ont été effectués par téléphone, un moyen nettement moins anonyme. Résultat, par internet, ils sont plus nombreux à affirmer qu'ils ont consommé de l'alcool alors qu'ils devaient conduire.

Les gens seraient donc plus honnêtes par internet que par téléphone? «Possiblement», répond Lyne Vézina. La directrice des études et stratégies en sécurité routière à la SAAQ affirme que les chiffres des années précédentes étaient donc «possiblement en dessous de la réalité».