General Motors est dans la tourmente depuis trois semaines. L'origine de ses déboires ? Un problème avec une simple clé de contact. La conséquence ? Plus de 1,6 million de voitures sont rappelées.

Le hic ? GM est soupçonné d'avoir négligé le problème pendant des années alors que l'on compte des victimes. Après la saga des pédales d'accélérateur de Toyota, ce rappel risque de faire la manchette pendant longtemps.



DEUX RAPPELS EN DEUX SEMAINES

Le 13 février, General Motors annonce le rappel de plus de 780 000 Chevrolet Cobalt 2005 à 2007, Pontiac G5 2007 et Pontiac Pursuit 2005 et 2006. Douze jours plus tard, le constructeur publie un deuxième rappel, pour environ 850 000 Saturn Ion 2003 à 2007, Saturn Sky 2007, Chevrolet HHR 2006 et 2007 et Pontiac Solstice 2006 et 2007. Plus de 1,6 million de véhicules dans le monde sont concernés, dont près de 90% ont été vendus aux États-Unis. Au Canada, 230 000 voitures sont visées par cette mesure. Dans les deux cas de figure, le problème est similaire et provient du commutateur d'allumage - ou barillet.

L'ORIGINE DU PROBLÈME...

C'est un défaut du commutateur d'allumage qui est à l'origine du rappel. Ainsi, la clé de contact ne reste pas en position d'allumage, ce qui fait caler le moteur et coupe l'alimentation électrique, empêchant ainsi le déploiement des coussins gonflables en cas d'impact. Les pouvoirs publics et le constructeur ont mentionné que ce défaut est manifeste si le trousseau de clés est trop lourd, si le barillet est soumis à des vibrations répétées ou si un coup (involontaire) est donné sur le commutateur.

... AUX CONSÉQUENCES MORTELLES

Parce que le ou les coussins gonflables ne sont pas activés en raison de la coupure impromptue du moteur, des automobilistes ont été blessés et ont même perdu la vie. À ce jour, 31 accidents de la route sont ciblés par les enquêteurs, dont au moins 23 collisions frontales au cours desquelles aucun coussin gonflable ne s'est déployé. Le bilan des victimes liées à ce problème mécanique est de 13. Ce sont surtout les modèles Chevrolet Cobalt et Saturn Ion qui sont impliqués dans ces cas dramatiques. GM a ordonné la seconde grande vague de rappels après que l'avocat d'une famille de victime eut démontré que d'autres modèles pouvaient être concernés.

RAPPORTÉ IL Y A 10 ANS

Selon des documents publiés par GM, deux ingénieurs du constructeur remarquent dès janvier 2004 que le commutateur d'allumage de la Saturn Ion est si fragile et si bas sur la colonne de direction que le genou du conducteur pourrait facilement heurter la clé et faire caler le moteur. «Un défaut de conception de base qui doit être corrigé», écrivent-ils alors dans une note. Ce commutateur va pourtant se retrouver sur les modèles en question jusqu'en 2006. Alors que les plaintes de clients se multiplient, GM rachète les Cobalt d'une douzaine d'entre eux - sans réellement offrir de solutions de dépannage aux autres. Dans une note de GM datant de 2005 et concernant une plainte, on mentionne qu'il n'y a pas de problèmes mécaniques: «Cela vient des habitudes des clients. Ils cognent dans le commutateur.»

À TRAVERS LES MAILLES DU FILET

Comment expliquer qu'un tel problème observé en 2004 puisse faire l'objet d'un rappel 10 ans plus tard? Sous réserve d'une possible négligence, Automotive News a souligné la semaine dernière que ce dossier s'est perdu dans le dédale administratif propre à cette entreprise, à une époque où celle-ci a supprimé un tiers de sa main-d'oeuvre de cols blancs. Le magazine américain en veut pour preuve le nouveau commutateur introduit au cours de l'année 2006. Cette nouvelle pièce a réglé le problème sans que presque personne le sache chez GM avant octobre 2013... La raison est simple: cette nouvelle pièce portait le même numéro de série que l'ancienne, défectueuse. Entre-temps, on a essayé de comprendre chez GM pourquoi les plaintes portaient sur des modèles 2003 à 2007.

ET MAINTENANT?

Après s'être confondu en excuses, General Motors doit maintenant répondre de ses actes auprès des autorités américaines. La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) a ouvert une enquête afin de déterminer si GM a agi suffisamment rapidement. Le constructeur automobile a jusqu'au 3 avril pour répondre aux 107 questions que lui pose l'administration des Transports au sujet de sa gestion du rappel. À la Chambre des représentants, le Comité de l'énergie et du commerce a également ouvert une enquête. Depuis une semaine, GM envoie des avis de rappel aux automobilistes concernés. Et il a requis les services d'un bureau d'avocats pour procéder à un examen interne.

QUE RISQUE GM?

La NHTSA pourrait imposer une amende de 35 millions US à General Motors pour ne pas avoir rapporté ce problème dans les temps requis. Les familles des victimes pourraient essayer de poursuivre l'entreprise. Mais depuis sa faillite et sa restructuration en 2009, le nouveau GM n'est pas responsable des événements antérieurs à cette date. À ce jour, le nombre de poursuites recevables apparaît très limité. En matière d'image, le coût indirect pourrait par contre être très élevé. «La réputation de notre entreprise ne sera pas déterminée par le rappel lui-même, mais par la manière dont nous répondrons au problème», a déclaré Mary Barra (photo), nouvelle PDG de General Motors depuis deux mois seulement.