L'automobile demeure trop souvent l'obsession des grandes villes dans les pays émergents, affectés par d'insondables problèmes de transports: tel est l'un des constats unanimes lors du Forum urbain mondial des Nations Unies.

«L'erreur, parfois, c'est de développer des infrastructures pour les voitures», résume auprès de l'AFP Diego Sanchez, un des analystes en chef de la Banque de développement de l'Amérique latine (CAF), lors de cette conférence organisée à Medellín en Colombie.

Pour un transport urbain efficace, il faut, selon lui, absolument offrir une alternative aux conducteurs: «il ne s'agit pas seulement de construire des routes car les routes s'encombrent».

Selon un rapport de la Banque mondiale, publié en 2013 et intitulé «Transformer les villes à travers le transit», l'augmentation du parc automobile est supérieure dans les pays émergents, par rapport aux nations développées. Une hausse qui croît avec les constructions de routes.

Directrice du département finance, économie et développement urbain de la Banque mondiale, Zoubida Alloua explique à l'AFP que, faute de transports publics performants, l'idée de faire payer aux automobilistes le droit d'utiliser la voiture ou réduire les parcs de stationnement s'avère souvent vaine.

«Les gouvernements doivent investir beaucoup dans les transports publics, au lieu des routes. Sinon il est très difficile de jouer sur l'aspect financier. On ne peut pas pénaliser les gens si on ne leur offre pas d'alternative», insiste-t-elle.

Le rapport de la Banque mondiale montre aussi que le nombre d'accidents routiers s'est réduit dans les pays développés, alors qu'il est en moyenne quatre fois plus élevés dans les pays émergents.

Piste cyclable séparée si le trafic dépasse les 30 km/h 

Selon une étude de l'Observatoire de la mobilité urbaine pour l'Amérique latine, dépendant de la CAF, les conditions de sécurité sont très mauvaises, avec à l'appui un chiffre inquiétant: 51 % des victimes mortelles d'accidents de la route sont des piétons.

Le constat latino-américain dressé par la CAF est sans appel: «le transport public est de mauvaise qualité et d'un coût élevé pour les usagers».

Autre phénomène constaté dans cette région, la hausse du parc des motos qui «augmente de 15 % par an», «ce qui génère de l'insécurité», indique à l'AFP Nilo Cruz, représentant d'un réseau international de villes latino-américaines.

Le vélo, alternative moins risquée, pâtit du manque de pistes cyclables. Secrétaire général de la Fédération européenne des cyclistes, basée à Bruxelles, Bernhard Ensink estime qu'une piste cyclable séparée est nécessaire dès lors que le trafic dépasse la vitesse de 30 kilomètres par heure.

«Sans infrastructure sécurisée, il est possible de se retrouver dans un conflit permanent» avec les voitures, souligne M. Cruz.

Au-delà des pistes cyclables, les experts insistent sur une gestion innovante du trafic lui-même: feux intelligents, adaptation des rues avec changement de sens de circulation en fonction des flux durant la journée, etc.

L'un des freins à ces alternatives à la voiture réside dans l'impopularité de ces mesures, admet Mme Alloua. «Dans beaucoup de pays qui ont adopté ce changement, le gouvernement y gagne financièrement à investir dans les transports, et les gens finissent par s'adapter», assure-t-elle toutefois.