La campagne de l'homme d'affaires Roger Demers, qui vise à intéresser le gouvernement à sa célèbre collection de voitures rares, donne des résultats.

Mais ce n'est pas la subvention espérée par M. Demers pour construire un musée qui abriterait la collection familiale, actuellement logée à Thetford Mines.

C'est plutôt une vérification et une enquête fiscales.

Revenu Québec enquête sur la Collection Demers et veut avoir une liste complète de toutes les voitures du promoteur Roger Demers, qu'il a récemment évaluées à 2 milliards de dollars. Le percepteur québécois veut aussi savoir comment ont été acquises une bonne partie des 584 voitures - dont certaines sont anciennes ou exotiques.

M. Demers fait campagne depuis au moins 2005 pour convaincre une municipalité québécoise de construire un musée de l'automobile. Lors de son dernier effort, l'hiver dernier, il prétendait que ses voitures avaient appartenu «à des grands de ce monde», comme Elton John, Michael Jackson, le Shah d'Iran, le financier J.P. Morgan, l'avionneur et producteur de cinéma Howard Hughes, la reine d'Angleterre, les acteurs Clark Gable, Tony Curtis et Jean Harlow, et une foule d'autres personnes riches et célèbres.

Drummondville, Shawinigan, Sherbrooke, Thetford Mines et Victoriaville avaient montré de l'intérêt. Avant les élections du 7 avril, des ministres péquistes avaient visité la collection, à Thetford Mines, et le ministre Yves-François Blanchet s'était intéressé de près au projet, sans toutefois engager le gouvernement.

La Presse a publié le 14 avril une enquête qui montre que les prétentions de M. Demers sur l'origine et la valeur des voitures sont fausses.

En cour dans deux semaines

La Presse a appris que Revenu Québec plaidera le 9 juin en Cour du Québec pour contraindre les frères Roger, Serge et Michel Demers à lui fournir une liste de leurs voitures, les adresses des lieux où elles sont entreposées, ainsi que la documentation de toutes les transactions financières se rapportant à cette collection d'automobiles, avec pièces justificatives à l'appui, pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2010.

L'enquête sur la collection de voitures vise les trois frères individuellement, pas leur entreprise, Tapis Demers inc.

La «requête pour ordonnance de production» a été déposée par Revenu Québec le 18 avril 2013 au palais de justice de Thetford Mines, où la cause doit être entendue dans deux semaines.

Revenu Québec réclame les informations sur la Collection Demers depuis le 3 février 2012, date à laquelle une «demande péremptoire» a été envoyée à chacun des trois frères. La demande péremptoire est un recours prévu par la loi fiscale pour astreindre un contribuable à collaborer dans le cadre d'un processus de vérification et d'enquête.

Dans cette demande péremptoire, Revenu Québec exigeait aussi des procurations signées par les frères Demers et donnant accès aux renseignements douaniers de l'Agence des services frontaliers du Canada. La plupart des grands encans automobiles d'Amérique du Nord ont lieu aux États-Unis.

La requête actuellement en cour est appuyée par un affidavit signé par Daniel Racine, chef de service à la vérification des entreprises de l'Agence du Revenu du Québec. Ni les frères Demers ni leur avocat n'ont répondu aux demandes d'entrevue de La Presse.

Abus de pouvoir?

Les frères Demers ont déposé une défense le 10 avril dernier, dans laquelle ils affirment que Revenu Québec abuse de ses pouvoirs en réclamant ces renseignements et les documents sur la Collection Demers.

Premièrement, la collection de voitures n'est pas assujettie à l'impôt, disent-ils, puisque ce sont des biens constituant leur «collection personnelle» et que toute information sur ces voitures «n'est aucunement pertinente, pas plus que ne le seraient les informations relatives à une collection de timbres, de bouteilles de vin ou d'allumettes». La requête de Revenu Québec est l'équivalent d'une saisie administrative, ajoutent les frères Demers, qui les forcerait «à faire l'inventaire de leurs biens personnels et à révéler des informations qui, autrement, ne pourraient être exigées d'aucune façon» par le Ministère.

De plus, affirment les frères Demers, Revenu Québec s'est lui-même exclu de demander ces renseignements au terme d'une vérification fiscale qui s'est conclue le 17 décembre dernier par six avis de cotisation pour une somme non indiquée dans la requête et visant les années fiscales 2006 à 2011 (que les défendeurs contestent).

En effet, Revenu Québec ne peut plus réclamer quelque information que ce soit depuis qu'il a terminé sa vérification et son enquête, puis envoyé ses avis de cotisation, affirme le procureur des frères Demers, Me Jean-Claude Chabot, du cabinet Chabot et associés. Selon la Loi de l'impôt sur le revenu, Revenu Québec est lié par ses avis de cotisation et «ne peut changer le fondement de ces cotisations, rendant inutile toute demande de renseignement visée par sa requête», écrit Me Chabot.