L'équipementier japonais Takata a révélé jeudi avoir été au courant dès mai 2005 du défaut affectant ses coussins gonflables liés à cinq morts mais a attendu jusqu'à deux ans pour en référer aux autorités et aux groupes automobiles.

«Nous avons commencé l'enquête en mai 2005. S'il y a eu une communication avant ça je ne suis pas au courant. La date c'est 2005», a répété le vice-président du groupe responsable de la qualité, Hiroshi Shimizu, devant des sénateurs américains à Washington.

Pressé par les élus, il a indiqué que l'équipementier en avait informé les constructeurs automobiles et les régulateurs seulement deux ans plus tard, en 2007.

Cette année-là, Takata avait commencé une série de tests étendus jusqu'en 2010 avec Honda, son plus gros client.

À la suite de ces tests, l'équipementier a décidé de modifier la composition chimique du modèle de coussin gonflable mis en cause mais il réfute avoir fait ces ajustements afin de corriger des vices de conception en réaction à la crise.

Les premiers rappels n'ont débuté qu'en 2008. À ce jour, plus de 16 millions de véhicules ont d'ores et déjà été rappelés à travers le monde, en l'occurrence dans les régions à forte humidité, dont la moitié aux États-Unis. Ce nombre devrait encore grimper après l'extension mardi par les autorités américaines des rappels à l'échelle du pays entier.

Quelques mois après General Motors, Takata est dans le collimateur des autorités américaines qui veulent savoir comment ses coussins gonflables défectueux ont pu être installés dans des véhicules alors que la presse américaine affirme que l'équipementier avait dissimulé les défauts de ce modèle d'airbag.

Contrôles peu efficaces

«Il est clair pour nous qu'ils (Takata) n'ont pas de contrôles efficaces en termes de qualité», a fustigé jeudi le responsable de l'agence américaine de la sécurité routière (NHTSA) David Friedman, devant le Congrès.

C'est l'usine de Takata à Ciudad Frontera au Mexique qui aurait fabriqué le modèle de coussin gonflable, ou coussin de sécurité, défectueux dans les années 2000. Ces coussins gonflables peuvent exploser et projeter des fragments de métal et de plastique sur les passagers. Au coeur du problème se trouve l'agent gonfleur utilisé --du nitrate d'ammonium--, susceptible de se détériorer en cas d'exposition à une humidité excessive.

Ce défaut est à l'origine de nombreux incidents et de plusieurs décès: cinq selon les médias, dont trois confirmés par Takata et le constructeur automobile nippon Honda, plus gros client de l'équipementier.

«Nos produits ont fonctionné anormalement dans ces trois cas», a reconnu jeudi Hiroshi Shimizu.

«Endossez-vous la responsabilité de ces trois décès?», insiste un sénateur. «Oui...,» répond finalement M. Shimizu après quelques secondes d'hésitation.

Takata est l'objet d'une enquête pénale du département de la Justice (DoJ), tandis que la NHTSA tente, elle, d'établir sa responsabilité et celle de Honda. Les deux groupes font également l'objet de plusieurs plaintes aux États-Unis, dont certaines en nom collectif.

Les sénateurs ont réclamé jeudi une enquête interne indépendante et une pénalité financière maximum contre Takata, qui a présenté ses excuses et ses «sincères condoléances» aux victimes et à leurs familles.

«Nous sommes profondément désolés pour chaque incident dans lequel un coussin gonflable Takata n'a pas fonctionné correctement», a déclaré Hiroshi Shimizu.

«Nos sincères condoléances vont à tous ceux qui ont souffert dans ces accidents et à leurs familles», a-t-il ajouté, alors que, quelques minutes plus tôt, une victime, Stephanie Erdman, la voix tremblante, venait de faire revivre à la salle les dernières minutes précédant son accident en septembre 2013 en Floride.

300 000 kits

Pour pallier la pénurie de pièces de remplacement, l'équipementier produit actuellement 300 000 kits par mois au Mexique et en Allemagne et devrait augmenter à 450 000 à compter de janvier.

De BMW à Toyota en passant par Chrysler, Ford, Honda, Mazda, Mitsubishi, Nissan et Subaru, la plupart des grands constructeurs sont affectés.

«Nous travaillons avec notre réseau de concessionnaires pour faire en sorte que notre stock actuel des coussins gonflables de remplacement soit disponible», a indiqué Rick Schostek, vice-président de Honda en Amérique du Nord.

Outre sa réputation, ce scandale va peser lourd financièrement sur Takata qui s'attend à une perte de 180 millions d'euros en 2015. En Bourse, le titre a fondu de 50% depuis l'aggravation de la crise en juin.