Après cinq ans de transactions, de négociations et de tentatives de relance, la marque automobile Saab est plus que jamais à l'article de la mort. Elle appartiendra bientôt à l'histoire et complétera la liste des quelque 150 marques et constructeurs automobiles disparus. Mais, au fait, pourquoi une marque automobile disparaît-elle?

Parce qu'elle ne change pas



Spécialiste en consommation et en communication, Benoit Duguay est catégorique: «Avoir une bonne marque ne suffit pas. Si on ne suit pas son marché et ses tendances, on est mort.» Pour appuyer la réflexion de ce professeur titulaire de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, la disparition en Amérique de la marque britannique MG vient à l'esprit du journaliste spécialiste de l'histoire de l'automobile Alain Raymond. «La MGB a été le dernier modèle vendu en Amérique», dit-il en se souvenant des pare-chocs en caoutchouc dans les années 70. «MG n'a pas su s'ajuster aux changements liés à la sécurité.» Cela n'a pas empêché la firme britannique de survivre en Europe.

Parce qu'il y en a trop



Dans l'histoire de l'automobile, la redondance des marques - et des modèles - est une stratégie classique qui a mené le plus souvent à la mort de l'une d'elles. «Quand il y a trop de marques, il y a un risque de confusion et de mélange des consommateurs, dit Yan Cimon, professeur de l'Université Laval spécialisé dans l'industrie automobile. Avec les marques Géo et Asüna, de GM, il y avait la volonté de concurrencer les japonaises, mais elles n'apportaient rien finalement et étaient des redondances de modèles déjà existants.» On pourrait mettre dans cette catégorie la marque Oldsmobile qui, au-delà de son caractère vieillissant difficilement renouvelable, a pâti de la présence de Buick.

Parce qu'il faut en sacrifier parfois



Le sabordage de Pontiac, de Hummer et de Saturn de la part de General Motors est sans doute le meilleur exemple de «rationalisation» menée au cours des 20 dernières années dans l'industrie automobile. «Quand la demande pour une marque ou un modèle précis diminue jusqu'à un certain niveau, les constructeurs doivent évaluer leur entreprise de manière objective et prendre la décision difficile d'investir plus de ressources dans la marque ou de l'abandonner», explique Ryndee S. Carney, directrice des communications multimarques chez GM. «On a sacrifié Pontiac, en mécontentant des acheteurs fidèles, sur l'autel du profit. À court terme, le constructeur a raison. Mais à long terme, je ne sais pas, je ne pense pas», lance Benoit Duguay.

Parce que la concurrence tue



Après la Seconde Guerre mondiale, les grands constructeurs américains ont fait en sorte que les plus petits ne survivent pas aux changements qu'ils imposaient au marché. «On prévoyait qu'un produit serait périmé d'une année à l'autre en y apportant des changements, en modifiant les apparences d'une année à l'autre. On appelait ça de l'obsolescence programmée. Les gens changeaient ainsi de voiture tous les ans», explique Alain Raymond. Les petits ne pouvant pas suivre le rythme, les grands les ont ainsi fait tomber. Cette stratégie est née relativement tôt dans l'industrie automobile. Elle existe de nos jours dans bon nombre d'activités commerciales. Plus que jamais.

Parce qu'un modèle peut nuire au constructeur



On ne verrait sans doute plus cela aujourd'hui, mais l'échec cuisant de la marque Edsel à la fin des années 50 a failli coûter très cher à Ford. Trois ans seulement après le lancement du premier modèle, le constructeur à l'ovale bleu a jeté l'éponge après avoir englouti 250 millions US de l'époque. Le nom, la carrosserie et les défauts techniques ont eu raison de cette marque créée au moment d'une récession... L'attente générée par une campagne de publicité sans précédent a accouché d'un échec commercial retentissant.

Parce que la crise est passée par là



À l'aube du XXe siècle, les marques automobiles se sont rapidement comptées par dizaines. Mais la crise économique de 1929 est survenue. «Il y avait beaucoup de marques américaines très réputées, aux technologies avancées, s'adressant à une clientèle élitiste. La Grande Dépression en a alors tué plusieurs», dit Alain Raymond. Ventes et clients potentiels insuffisants, difficulté à dégager des marges suffisantes, service après-vente déficient, manque de liquidités et vive concurrence sont encore aujourd'hui les facteurs économiques qui précipitent la chute. Saab en est le dernier exemple en date.