Pour sa 17e année, l'équipe de L'annuel de l'automobile n'a pas tourné en rond, et encore moins fait du surplace, s'arrêtant plutôt après avoir parcouru des milliers de kilomètres à bord de plus de 350 voitures - dont 36 nouveautés. Depuis jeudi dernier, il est possible de consulter le résultat de ses analyses ou encore de lire divers dossiers portant sur des enjeux du monde de l'automobile. Entretien avec Éric LeFrançois, collaborateur de la section Auto de La Presse+ et directeur de l'information de L'annuel.

Quelles nouveautés les lecteurs découvriront-ils cette année ?

Ce qu'ils risquent de découvrir, ce sont des fiches techniques qui vont apporter des compléments d'information touchant des aspects qui les préoccupent de plus en plus lorsqu'ils prennent place à bord d'un véhicule, notamment en ce qui a trait aux modules multimédias ou d'infodivertissement que l'on y trouve.

Est-ce donc dire que ce livre s'adresse davantage à monsieur et madame Tout-le-Monde, et un peu moins aux habitués de ce genre de publications ?

Non. Les connaisseurs vont trouver les mêmes informations techniques [qui se trouvaient dans les éditions précédentes]. On n'a pas coupé dans ce genre d'informations, sauf qu'il faut essayer de se mettre à la page. [...] Ce sont des préoccupations que les gens ont désormais, à savoir s'ils peuvent brancher leurs téléphones ou leurs tablettes, ou encore s'ils peuvent se connecter au réseau WiFi.

Aura-t-on encore droit à la deuxième opinion, qui vous permettait, dès le lancement de L'annuel en 2001, de vous démarquer par rapport aux autres publications du genre ?

On considère que ça a toujours été intéressant [comme proposition]. Ça ne veut pas dire que les lecteurs seront forcément d'accord avec ce qui est écrit, mais ça a le mérite d'apporter un éclairage nouveau, ou à tout le moins d'amener le lecteur à réfléchir davantage sur ses réels besoins lorsqu'il magasine un nouveau véhicule.

De quoi êtes-vous le plus fier en tant qu'équipe en voyant le résultat définitif ?

On est très content cette année d'avoir pu peaufiner plusieurs éléments et d'avoir pu « revisiter » certaines sections qui le méritaient. Je pense notamment au fait d'avoir pu inclure les prototypes dans notre tour d'horizon. [...] Je crois surtout que le meilleur livre n'a pas encore été imprimé, ce qui nous force à regarder devant et à continuer de proposer de nouvelles idées à nos lecteurs.

LA question que plusieurs lecteurs se posent : quel est votre coup de coeur automobile cette année ?

Mon coup de coeur : l'Alfa Romeo Giulia Quadrofoglio Verde.

Le premier texte que l'on peut lire dans ce livre porte sur la nouvelle loi 104 concernant les émissions de gaz à effet de serre au Québec. J'imagine qu'il allait de soi que vous abordiez le sujet. Croyez-vous que c'est réaliste comme législation ?

Je pense que c'est un enjeu dont il faut tenir compte. D'une part, parce que la loi a été votée, et d'autre part, parce qu'il sera intéressant de voir si cette nouvelle loi parviendra à atteindre ses objectifs. Personnellement, je pense qu'ils sont un peu trop audacieux à l'heure actuelle, considérant les subventions accordées en comparaison, par exemple, avec celles de l'Ontario.

Les projets de véhicules autonomes font également beaucoup jaser depuis quelques mois, parfois même à l'extérieur du monde de l'automobile à proprement parler. Vous y êtes-vous attardé avec plus d'attention que d'habitude ?

On a déjà fait un dossier sur ce sujet il y a deux ans. Aurait-on pu revenir là-dessus cette année ? Peut-être. L'ennui à l'heure actuelle avec ce genre de véhicules, c'est qu'il n'y a pas de législation établie pour encadrer leur utilisation. [...] Tout le monde nous en parle, mais on a jugé qu'il n'y avait pas matière à y revenir. Pas pour cette année, du moins...

Autre sujet qui préoccupe les automobilistes : la voiture électrique, sur laquelle vous avez écrit un dossier, justement. Peut-on finalement croire qu'elle fait son chemin dans l'esprit des consommateurs québécois ?

Absolument. Par contre, pour la plupart des consommateurs, le son de cloche que nous avons de leur part, c'est que ça ressemble un peu aux ordinateurs. Dans le sens où plusieurs se demandent : « Oui, mais demain, est-ce qu'il va y avoir mieux [sur le marché] ? » On a l'impression que, dans plusieurs cas, la technologie n'est pas assez mature. [...] On peut dire que pour l'instant, le consommateur est attentif, mais frileux.

Dans ce cas, n'aurait-il pas mieux valu de consacrer davantage de reportages à ce sujet ?

Non. Nous n'avions pas l'intention d'en faire une section à part, puisque le coût d'achat relatif à un véhicule électrique, que ce soit avec ou sans subvention gouvernementale, demeure important, au même titre que les autres voitures sur le marché. [...] Pour certains, l'électrique peut représenter une solution de rechange valable, alors que pour d'autres, la voiture électrique n'est peut-être pas assez « mûre » sur le plan technologique pour constituer une véritable option.

Peut-on déceler des tendances dans l'industrie automobile qui pourraient influencer les automobilistes dans l'avenir ?

Si l'on regarde les derniers grands mouvements dans l'industrie, au cours de la dernière année seulement, on remarque beaucoup de rapprochements entre les grands groupes automobiles. Il y a 20 ans, plusieurs observateurs prédisaient qu'il allait rester une dizaine de constructeurs au tournant de l'année 2010. [...] Or, on pourrait plutôt dire que l'on assiste à la consolidation d'une dizaine de conglomérats automobiles. Ce qui sera intéressant à suivre, ce sera de voir comment ces marques-là pourront se « démarquer » [à l'intérieur de ces grands groupes], puisqu'il ne faut pas oublier que plusieurs modèles seront construits à partir des plateformes communes. Cela pourrait profiter aux automobilistes si jamais les constructeurs parviennent à rentabiliser leurs coûts de production et s'ils décident de leur « refiler » d'éventuelles économies.

Aussi, on en parle peu, mais est-ce que l'hydrogène parviendra à se tailler une place ? En ce moment, c'est [la voiture] électrique qui monopolise l'attention dans l'actualité, mais en ce qui concerne l'hydrogène ou encore la pile à combustible, les constructeurs qui y travaillent sauront-ils tirer leur épingle du jeu ?

Aussi, est-ce que le Québec et le Canada iront de l'avant avec une législation à l'égard des voitures autonomes ? Parce que dans certains cercles, on parle de la conduite entièrement autonome aussi rapidement qu'en 2020.

Bref, ce sont des dossiers qu'il nous faudra suivre de près.

Revenons un peu au livre ; avec les grands changements qui frappent les médias traditionnels depuis quelques années, sentez-vous un déclin des ventes ?

Étonnamment, c'est encore très stable. Mais ça demeure un phénomène particulier au Québec, que l'on ne perçoit nulle part ailleurs en Amérique du Nord. Et sans vouloir parler à travers mon chapeau, je serais même tenté de dire dans le monde. [...] Souvent, les Américains vont se référer à des revues spécialisées qui contiennent de courtes descriptions analytiques des véhicules, tandis que nous, ce sont encore des bouquins qui intéressent les lecteurs.

Pourrait-on assister un jour à une édition numérique d'une publication comme L'annuel, un peu à l'image de La Presse+ ?

Au moment où l'on se parle, l'engouement est encore très fort pour le livre sous sa forme « physique », au même titre que les livres de cuisine. Pour l'instant, c'est encore une valeur sûre. De part et d'autre, autant L'annuel que Le guide de l'auto ont essayé des éditions numériques qui n'ont peut-être pas eu les succès escomptés. [...] Mais surtout, je pense qu'il existe encore un fort sentiment de possession pour un tel type de livre, tout comme les Québécois ont encore un très fort sentiment de possession et d'attachement envers l'automobile.

Photo fournie par Alfa Roméo

L'Alfa Romeo Giulia Quadrofoglio Verde est le coup de coeur automobile d'Éric LeFrançois cette année.