Optimiste au point d'évoquer son entrée «dans un nouvel âge d'or», Rolls-Royce - dont la production annuelle atteint aujourd'hui près de 4000 unités - compte beaucoup sur la Ghost pour prendre de l'altitude et conforter sa position de marque de prestige la plus diffusée dans le monde. Déjà un exploit considérant que chacune de ses créations vaut le prix d'une maison.

La direction de Rolls-Royce a sans doute parcouru avec gourmandise la dernière édition du GlobalWealthReport de Crédit Suisse sur le patrimoine des ménages. Celle-ci nous apprenait la semaine dernière que la planète compte désormais 34,8 millions de millionnaires, soit 3,8 millions de plus que l'année précédente. Un profil très recherché par la marque britannique dont le patrimoine se trouve aujourd'hui administré par le groupe BMW.

Rolls-Royce pratique depuis toujours l'artisanat d'art. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler que pour chaque Ghost assemblée, 25 300 Nissan Micra voient le jour... En effet, l'assemblage d'une Ghost nécessite en moyenne 460 heures de travail. Et quand on a eu la chance d'assister à la construction d'une Rolls, on se dit qu'après tout, à notre époque, un phénomène pareil n'a pas de prix...

Par conviction plus que par nécessité, l'auguste marque britannique évite ostensiblement tout recours au processus industriel «normal» pour préserver l'empreinte de la main de l'homme sur les formes ou les aspects de ses modèles. Cette approche apparaît très certainement surannée et extrêmement coûteuse, mais c'est ce qui donne à Rolls-Royce ses lettres de noblesse.

Évolution discrète



D'entrée de jeu, les responsables de la marque rappellent que la clientèle «déteste le changement». Voilà qui explique pourquoi le rafraîchissement de ce modèle apparu en plein coeur de la crise économique (2009) paraît si discret. Sobre, virile, massive, la carrosserie de la Ghost se met à l'abri de toute influence extérieure, de tout caprice de la mode. Sans doute faut-il être le propriétaire de la première génération de ce modèle pour relever les différences. Comme ces deux appliqués de chrome intégrés aux canalisations d'air sous le pare-chocs avant, le remodelage du capot pour y intégrer une calandre plus haute de 13 millimètres ou pour apprécier le métal dans lequel sont désormais modelée les ouvertures de portes. Des changements de la sorte, Rolls-Royce en a réalisé plus d'une douzaine allant de peindre les étriers de frein arrière en noir pour une meilleure harmonie des couleurs.

À l'intérieur de ce palace sur roues, les retouches sont toutes aussi nombreuses que discrètes. Celles-ci touchent le dessin des sièges, du bloc d'instrumentation, et va jusqu'à l'intégration d'appuie-têtes actifs destinés à réduire les risques de lésions graves à la suite d'un impact arrière. Une nouveauté? Pas du tout et on s'étonne à juste titre que Rolls-Royce accuse un tel retard en matière de sécurité passive. Et ce n'est pas le seul. En effet, la Ghost se prive également de capteurs d'angles morts, deux éléments de sécurité que l'on retrouve pourtant sur des autos vendues dix fois moins cher. On s'étonne tout autant du rendu vieillot de la cartographie du système de navigation et du clinquant de certaines commandes.

En revanche, personne ne trouvera à redire sur l'espace dont jouissent tous les passagers. Surtout si le propriétaire a pris soin d'opter pour la version longue (empattement allongé). L'accès et la sortie aux places arrière s'en trouvent d'ailleurs facilités par l'ouverture antagoniste des portières. Une fois confortablement assis, chaque passager aura le loisir de contempler - comme s'il se trouvait dans un musée - la splendeur des cuirs odorants, l'épaisseur des moquettes et la précision inouïe des accostages. Tout simplement sublime, et ça correspond, grâce au programme de personnalisation de la marque, à satisfaire l'ultime requête de la clientèle: l'exclusivité.

On se hâte, sans se presser



Avant d'aller plus loin, évacuons certains mythes et légendes urbaines.

On disait les Rolls-Royce si silencieuses que l'on pouvait entendre le mouvement sec et régulier de la montre encastrée dans son tableau de bord. Hier peut-être, mais plus aujourd'hui. On la disait également si performante que l'on ne jugeait pas nécessaire de divulguer la puissance de son moteur tant celle-ci était «suffisante». Rolls-Royce ne fait plus preuve d'autant de désinvolture et ne fait plus de mystère sur ce sujet. Pour animer son impressionnante et lourde carrosserie, la Ghost fait appel à un moteur V12 suralimenté de 6,6 litres (d'origine BMW) auquel est rattachée une boîte automatique à 8 rapports. Cette dernière achemine les 563 chevaux et 575 livres-pied de couple aux (seules) roues arrière. Pour le moment, il s'agit de la seule configuration offerte, mais Rolls-Royce n'exclut pas le recours à un rouage intégral dans un avenir plus ou moins proche, selon la demande. Il faut dire que les acheteurs de la Ghost ont en moyenne cinq autres véhicules dans leur garage, dont l'un d'eux doit forcément être plus habile les jours de tempête.

Première impression au volant: la jante plutôt fine du volant auquel est reliée une direction plus lourde que pressentie. L'effet-surprise s'estompe très rapidement dès qu'on voit au bout de l'interminable capot les ailes déployées du Spirit of Ecstasy. C'est donc cela, une Rolls.

En ville, conduire une Ghost, avec ses 5,39 mètres, ses 2,4 tonnes et son énorme rayon de braquage, est un peu stressant. Alors, pourquoi ne pas confier cette tâche à votre chauffeur?

Mais dès que l'horizon se dégage, la Rolls donne le meilleur d'elle-même et peut même se transformer en furie. Il suffit d'appuyer plus fort sur l'accélérateur et les turbos entrent en scène. Inutile d'observer les oscillations de l'aiguille de la jauge de suralimentation (appelez ici Power Reserve), on se sent très bien s'enfoncer dans l'épaisseur des sièges. Le V12 propulse sans retenue la fière anglaise à des vitesses inavouables. Mais en vérité, l'atmosphère Rolls-Royce incite davantage à la croisière qu'à la régate. Une Rolls n'apprécie pas qu'on la bouscule et se conduit avec sobriété - sinon avec componction - et une bonne dose d'anticipation pour aborder en toute sérénité les virages serrés et bien doser le freinage.

La suspension moelleuse à souhait absorbe en douceur tous les obstacles - quoiqu'une Mercedes Classe S le fait tout aussi bien - et la conduite sur autoroute se caractérise par une grande décontraction. En dépit des formes anguleuses de la carrosserie, les remous d'air sont négligeables et les bruits de roulement - en dehors des pneumatiques -, inexistants. On n'en attendait pas moins, sauf peut être d'entendre le tic-tac de la montre...

Les frais d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Rolls Royce Motor Car.

L'ESSENTIEL

› Marque/Modèle: Rolls Royce Ghost Series II

› Fourchette de prix: 334 000$ à selon vos désirs

› Frais detransport et de préparation: 5995$ (2014)

› Garantie de base: 4 ans/kilométrage illimité

› Consommation réelle: 13,7L/100km

› Pour en savoir plus: rollsroycemontreal.com

TECHNIQUE

› Moteur: V12 DACT biturbo 6,6litres

› Puissance: 563 ch à 5250 tr/min

› Couple: 575 lb-pi à 1500 tr/min

› Rapport poids-puissance: 4,47kg/ch

› Poids: 2520 kg 

› Mode: Propulsion

› Transmission de série: Automatique 8 rapports

› Transmission optionnelle: Aucune

› Direction/Diamètre de braquage(m): Crémaillère/14

› Freins av-arr: Disque/Disque

› Pneus (av-arr): 255/50R19

› Capacité du réservoir/Essencerecommandée: 82,5 litres/Super

ON AIME

› Personnalisation àl'extrême

› Voyager assis derrière

› Respecter les limites devitesse

ON AIME MOINS

› Diamètre de braquage important

› Graphisme du système de navigation

› Ne pas entendre le tic-tac de la montre