Les constructeurs automobiles néerlandais Spyker et suédois Saab ont porté plainte lundi aux États-Unis contre le constructeur américain General Motors, accusant celui-ci d'avoir provoqué délibérément la faillite de Saab dans le but de dominer le marché chinois.

Les deux sociétés réclament trois milliards de dollars (2,41 milliards d'euros) en dommages et intérêts à GM qui, assurent-ils, a bloqué un accord entre Saab et le groupe chinois Youngman afin de pouvoir «dominer le marché automobile chinois», selon le texte de la plainte.

«GM a interféré de manière délictuelle dans une transaction entre Saab Automobile, Spyker et l'investisseur chinois Youngman qui aurait permis à Saab de se restructurer et rester solvable», a précisé Spyker dans un communiqué.

General Motors a indiqué dans un courriel à l'AFP que ses avocats «allaient examiner la plainte et répondre en temps voulu».

Saab s'était déclaré en faillite le 19 décembre 2011 après qu'une tentative de lever des fonds en Chine, avec notamment le groupe Youngman, avait été contrariée par General Motors, l'ancien propriétaire de Saab, qui avait refusé à plusieurs reprises un transfert de brevets.

Spyker avait racheté Saab début 2010 pour quelque 400 millions de dollars alors que le constructeur suédois était déjà au bord de la faillite.

La somme réclamée par Spyker et Saab, 3 milliards de dollars donc, représente «le calcul de ce que Saab aurait eu comme valeur, si la transaction avec Youngman avait été menée à terme», a déclaré Victor Muller, le directeur exécutif de Spyker, lors d'une conférence téléphonique.

«Le prix de 3 milliards est ridicule, quand on sait qu'ils avaient payé 400 millions, je pense vraiment qu'il s'agit pour Spyker d'une dernière tentative de gagner de l'argent», a commenté pour l'AFP Frank Schwope, analyste chez la banque allemande NORD/LB.

«La plainte n'a aucune chance d'aboutir», a ajouté M. Schwope, soulignant que Spyker, une marque de voiture de sport haut de gamme, relancée en 2000 sur les cendres d'une entreprise éponyme fondée en 1898 et ayant cessé ces activités en 1925, n'avait jamais été bénéficiaire.

Selon un autre analyste, Anthony Michel Sabino, professeur en droit des affaires à l'université de Saint-John, à New York, «GM peut se défendre très facilement en disant uniquement ''regardez l'économie, regardez la récession, regardez les chiffres de vente de Saab''».

En cas de succès de cette procédure judiciaire, Spyker toucherait 90% des réparations en vertu d'un accord entre les deux constructeurs, a précisé M. Muller: «Saab étant en liquidation judiciaire n'a ni les moyens ni la capacité d'aller en justice, Spyker va payer les frais de justice».

«Il est évident que General Motors a délibérément poussé Saab dans le vide», a par ailleurs déclaré M. Muller, selon lequel GM ne voulait pas être concurrencé par Saab sur le marché chinois.

Selon Frank Schwope, «GM avait refusé de donner les brevets pas tellement pour dominer le marché chinois, mais plus par peur que les Chinois construisent et vendent des voitures en Europe avec ses technologies».

La Chine est le premier marché automobile mondial, mais les ventes ont commencé à baisser l'an dernier après que le gouvernement a supprimé des mesures incitatives et que certaines métropoles aient restreint le nombre de véhicules afin de limiter pollution et embouteillages.

Au deuxième trimestre, GM a enregistré en Asie un bénéfice de 600 millions de dollars.

À la mi-juin, un groupe d'investisseurs sino-japonais avait officialisé l'acquisition des actifs de Saab pour produire en Suède des véhicules électriques.

Fondé en 1937 avec l'aide du gouvernement suédois pour fabriquer des avions, Saab s'était ensuite diversifiée dans l'automobile. Si elle est appelée à disparaître dans cette branche, la marque Saab demeure dans le secteur de l'aéronautique avec Saab AB.