Incarnation d'une certaine réussite dans le domaine de la propulsion électrique, Tesla a brillé par son absence au salon de Montréal. Si le constructeur californien semble faire cavalier seul, ce n'est pas par snobisme. Des choix à la fois stratégiques et contraints motivent sa discrétion.

Sans occuper une place de choix, les voitures électriques étaient bien présentes cette année encore au salon de Montréal. Que ce soit sur les étages du Palais des congrès ou dans les rues adjacentes lors des essais offerts au public. Tous les modèles sur marché y étaient représentés. Ou presque. Le plus emblématique manquait à l'appel, la Tesla Model S.

Difficile d'être partout

Depuis deux ans, le constructeur californien de voitures électriques est sollicité par les organisateurs du salon de Montréal afin que les couleurs de Tesla soient visibles au Palais des congrès. Cette année encore, la démarche a été vaine.

«Ils n'ont pas les infrastructures pour avoir un deuxième stand, à Montréal, en même temps que le salon de Detroit», explique le président de l'événement montréalais, Stéphane Guilbault. En contrepartie, une Model S a été mise à la disposition du public lors des essais de voitures électriques proposés pendant le salon, une gracieuseté... d'un propriétaire de Tesla.

«On participe seulement aux salons de Detroit et de Genève dans le monde pour des raisons de ressources. Un salon, c'est assez exigeant. Et nous avons suffisamment de demandes pour la Model S», justifie Martin Paquet, directeur régional des ventes pour l'Est canadien et directeur de Tesla Canada.

Stratégie discrète

Avec un produit de niche qui se démarque nettement de la concurrence - la Model S -, une entreprise émergente comme Tesla, oeuvrant dans une industrie hyper concurrentielle exigeant des moyens financiers colossaux, ne peut qu'avoir une stratégie de marketing des plus économes. Tesla n'investit rien dans la publicité, il utilise les médias sociaux et la presse uniquement, et il a déployé dans le monde un réseau de boutiques installées principalement dans de grands centres commerciaux. «Les propriétaires de Tesla sont nos meilleurs ambassadeurs», ajoute M. Paquet.

Pour Elon Musk, le meilleur moyen de vendre des Model S encore aujourd'hui est le bouche-à-oreille. Le président fondateur de Tesla va même encore plus loin dans sa réflexion. «Ce qui permettra de vendre des voitures à long terme, ce seront les autres clients, par le bouche-à-oreille», a-t-il confié récemment à Automotive News.

Tesla n'a pas les moyens de faire comme les autres constructeurs? «On n'a pas nécessairement besoin de faire du marketing non plus», répond M. Paquet.

Magasins et galeries

Tesla n'est pas totalement convaincu de la nécessité d'établir un solide réseau de concessionnaires. Il soutient pouvoir poursuivre sa mise en marché par le biais de magasins, selon le modèle des Apple Stores. Ces boutiques doivent permettre au client qui se balade dans un centre commercial de découvrir sa technologie et son produit, grâce à une présentation interactive. Le but est simple: il s'agit d'éduquer les gens aux voitures électriques.

Mais le concept de vente évolue. Le constructeur se dote de plus en plus de «salles d'exposition», attenantes le plus souvent à un centre de services qui assure les livraisons, les réparations et la maintenance. On n'est pas loin de l'idée que l'on se fait d'un concessionnaire, à ceci près que les installations restent relativement modestes.

Le centre de services, tel que celui ouvert à Laval en 2012, est le troisième pilier de cette représentation sur rue. À Laval, un représentant des ventes est présent sur place depuis peu.

Quelle concurrence?

David contre Goliath. Tesla fait face aux Nissan, Mitsubishi, Ford et maintenant BMW et Mercedes de ce monde de la voiture électrique - sans compter les Toyota et GM. Il est déjà loin le temps où son petit Roadster était le seul du genre sur la route. Cette concurrence ne semble pas effrayer Tesla.

«La plupart des concurrents proposent des hybrides - branchables - ou des tout électriques dotées d'une autonomie inférieure à la Model S. Notre voiture offre plus de performance, de confort et d'autonomie», estime Martin Paquet, directeur de Tesla Canada. En clair, on ne joue pas dans la même cour.

«Notre stratégie est de réinvestir les profits dans l'ingénierie, la mise au point et le développement de nos voitures pour avoir à terme une voiture électrique accessible à tout le monde», explique M. Paquet.

Des limites

Les prétentions de Tesla suscitent des interrogations. Avec les arrivées de son multisegment Model X en 2015 et de sa berline Gen III en 2016, Tesla ambitionne de passer de 22 000 ventes annuelles dans le monde à 500 000 d'ici la fin de cette décennie. Cette progression fulgurante - si progression il y a - devra être accompagnée d'investissements majeurs dans la production en usine et nécessitera des ajustements dans la distribution et la vente des produits. Sans compter que la voiture électrique ne pourra devenir un véhicule de masse sans diminution du coût de sa batterie et donc de son prix de vente. Difficile dans ces conditions de vendre une berline haut de gamme 100% électrique à 35 000$.

Elon Musk ne semble pas se laisser impressionner par le scepticisme ambiant. À Automotive News, il a assuré que le coût des batteries diminuerait d'ici trois ans. Quant à la distribution, «nous n'allons pas avoir besoin d'un nombre énorme de magasins. Nous aurons des bannières dans les principaux marchés», a-t-il estimé.

En chiffres

Difficile de savoir avec exactitude à combien s'élèvent les ventes de Tesla dans le monde. La difficulté est encore plus grande pour le marché canadien. Tesla ne publie que ses résultats trimestriels mondiaux. «On est suivi de très près sur le marché boursier», justifie Martin Paquet, directeur de Tesla Canada.

3000 Nombre de Tesla Model S vendues dans le monde au deuxième semestre 2012.

22 000 Nombre de Tesla Model S vendues dans le monde en 2013.

2400 Nombre de Tesla Roadster vendues dans le monde de 2008 à 2012.

Source: Tesla Motors

Tesla au Canada

2 magasins

4 centres de services dont un avec salle d'exposition

2 projets de magasin ou salle d'exposition

1 projet de centre de services

64 Le Club Tesla Québec compte 64 membres, propriétaires d'un modèle Tesla, S ou Roadster.

Tesla dans le monde

Boutiques et salles d'exposition

> 48 dans 23 États américains

> 3 dans 2 provinces canadiennes

> 24 dans 11 pays européens

> 4 dans 4 pays d'Asie du Sud-Est

Centres de services

> 43 dans 21 États américains

> 4 dans trois provinces canadiennes

> 17 dans 8 pays européens

> 3 dans 3 pays d'Asie du Sud-Est.

Source: Tesla Motors