Un amusant sondage réalisé par la firme DesRosiers Automotive révèle que les Québécois rêvent d'obtenir un véhicule électrique pour Noël. Et il y a fort à parier qu'ils songent - c'est Noël après tout - à celle-ci: la Tesla Model S. Aussi véloce qu'une Dodge Charger Hellcat de 707 chevaux, aussi spacieuse qu'une Nissan Rogue 7 passagers, la Tesla Model S a de quoi faire mentir ceux et celles qui prétendent que la voiture électrique est condamnée à demeurer confidentielle, urbaine et modeste.

Tesla ne laisse personne indifférent. Cofondée en 2003 par Elon Musk, le père du site de paiement sur l'internet PayPal, cette entreprise californienne a non seulement créé le marché de la voiture électrique, sportive et haut de gamme, mais, aussi, est en passe de révolutionner divers aspects de l'industrie, comme d'inviter la concurrence à copier ses brevets... Du jamais-vu.

Son Model S, une élégante cinq portes dont les dimensions toisent celles des berlines de luxe, fait figure aujourd'hui de valeur étalon. Et surtout, elle fait mentir tous ceux et celles qui croyaient qu'un véhicule électrique était incapable de se déplacer sans un fil à sa roue. Capable de parcourir plus de 400 kilomètres avec une charge, la Tesla parvient à faire oublier à quiconque se trouve à son volant la hantise de tomber en panne. Et là n'est pas sa seule spécificité.

Pour atteindre une telle autonomie, l'acheteur doit prendre rendez-vous avec la version la plus performante de la gamme (85) et résister à la tentation de la grimper sur des roues de 21 pouces. Ces dernières s'enveloppent naturellement de gommes plus adhérentes qui, potentiellement, risquent d'avoir un impact négatif sur la consommation électrique du véhicule.

À noter qu'il existe actuellement deux autres configurations au catalogue: 60 et P85D.

La première, moins puissante et également moins chère, assure une autonomie de quelque 345 km et est la seule à offrir une garantie couvrant son groupe motopropulseur sur une durée de 8 ans ou 200 000 km. Les autres versions proposent la même protection, mais sans limite de kilométrage. Quant à la P85D, il s'agit sans doute de l'offre la plus alléchante pour les consommateurs d'ici puisqu'elle comporte un rouage à quatre roues motrices - en intégrant un second moteur électrique délivrant l'équivalent de 221 chevaux - et une suspension qui fait varier la hauteur de la garde au sol. À eux seuls, ces deux ajouts permettent désormais d'affronter l'hiver sans souci. Hélas, ce n'est pas de cette version que nous disposions dans le cadre de cet essai réalisé peu de temps avant que le ciel ne saupoudre ses premiers flocons sur la chaussée, mais bien de la livrée 85 propulsée (roues arrière motrices).

N'eût été sa fine calandre (bouchée) et l'absence d'une sortie d'échappement, personne ne pourrait vraiment dire qu'il s'agit là d'un véhicule électrique. Bien proportionnée, jolie à regarder, cette Tesla parvient habilement à masquer son poids, qui se compare à celui de certains gros VUS. En fait, sous sa carrosserie en trompe-l'oeil, Tesla dissimule quelque 700 kilogrammes de batteries lithium Ion desquelles s'alimentent un moteur capable de libérer une puissance équivalente à 480 chevaux. Ce dernier est monté sur l'essieu arrière. Cette configuration comporte deux atouts. Le premier offre une meilleure motricité sur une chaussée à faible coefficient d'adhérence et ménage un bel espace de chargement sous le capot avant, en plus du coffre (ou des places, nous y reviendrons) masqué sous le hayon. À ce double atout, il faut ajouter sans doute une répartition idéale des masses qui, selon ses concepteurs, est de 48% à l'avant et 52% à l'arrière.

La première chose que l'on retient au volant de tout véhicule électrique, c'est la poussée de l'accélération. Dans le cas de la Tesla, il est sans doute plus approprié de parler de violence que de force. Sans crier gare, le Model S bondit vers l'horizon sans émettre le moindre son. Pour retrouver des sensations équivalentes, il faut se tourner vers des modèles sportifs d'exception tels que des Porsche 911 Turbo, Lamborghini Huracan ou encore Ferrari 458. Certes, ces dernières signent de meilleures performances à l'épreuve du 0-100 km/h, mais dans les premiers mètres, si la Tesla ne caracole peut-être pas devant, elle ne traîne assurément pas loin derrière.

Sur la route, le vent glisse sans un bruit sur la carrosserie effilée et seuls les pneumatiques troublent cette quiétude en se faisant l'écho des débris qui jonchent la chaussée. Malgré un centre de gravité plutôt bas et une répartition des masses avantageuse, cette américaine n'est pas aussi sportive, dans son comportement, s'entend, que le prétend son constructeur. Il semble exister un (agaçant) filtre entre la direction et les roues directrices, tandis que les suspensions avant et arrière donnaient l'impression de se comporter comme un leurre pour la pêche sur un revêtement détrempé. La faute en incombe assurément à ses pneus «verts» puisque le jour suivant, sur une chaussée sèche, «notre» Tesla faisait preuve d'aplomb dans les virages et d'une rassurante stabilité en ligne droite. Le confort des suspensions demeure ouaté, mais tout de même pas autant que chez une Mercedes de Classe S ou une Lexus LS.

Autre particularité à souligner: l'intensité de la récupération d'énergie à la décélération. Rien d'inconfortable, je vous prie de me croire, mais elle est fascinante dans la mesure où avec un peu d'anticipation, il est possible d'effectuer un arrêt presque complet sans avoir à poser le pied sur la pédale de freinage. Cette dernière est, faut-il ajouter, plus facile à moduler que celle de plusieurs hybrides.

Une voiture de prestige?



Elle en a les dimensions et le prix, mais cette Tesla est-elle pourtant une voiture de prestige? Elle ouvre toutes grandes ses portes à toutes formes de connectivité, mais l'emballage manque de cachet. En clair, il soutient, par endroits, difficilement la comparaison avec des véhicules vendus le même prix. La finition est apparue somme toute légère et plusieurs craquements se faisaient entendre dans le tableau de bord en raison d'attaches visiblement insuffisantes. Les baquets manquent à la fois de relief et de soutien et me rappelaient étrangement ceux que l'on retrouvait sur les Jaguar des années 70... Et autre rappel de cette époque, la présence d'un immense vide-poches, sans cache, entre les sièges avant.

L'oeil averti ne manquera pas de relever la présence de nombreuses commandes issues de chez Mercedes-Benz qui, jusqu'à tout récemment encore, détenait une participation minoritaire dans l'entreprise de Palo Alto. On regrettera tout juste qu'outre les commandes similaires, on n'ait pas songé à reprendre aussi celles des sièges et de les plaquer comme son fournisseur sur le panneau de la contre-porte pour les rendre plus accessibles. Et pourquoi ne pas avoir également greffé un essuie-glace pour la lunette arrière?

Mais aux yeux de plusieurs, ces lacunes ne sont que des peccadilles, tant ils sont émerveillés - on le serait à moins - par la taille (l'équivalent de deux iPad) de l'écran tactile. C'est en pianotant sur celui-ci que l'on accède à l'ensemble des fonctionnalités de cette auto, y compris à l'internet.

Parmi les options offertes, on retrouve une configuration 5+7 qui consiste au montage de deux sièges d'appoint dans le coffre (ses occupants font dos aux autres), mais pour les utiliser, il faut être à la fois (très) petit et (très) agile. Il existe aussi un groupe «climat glacial», un impératif pour les

acheteurs d'ici. En revanche, plusieurs accessoires, de sécurité surtout, manquent à l'appel. Tesla précise que comme un ordinateur personnel, plusieurs logiciels seront mis à jour pour ajouter des fonctionnalités supplémentaires, dont une aide au stationnement. Mais pour cela, il faut opter au préalable pour l'ensemble technologie avec pilotage automatique. Encore un déboursé additionnel, mais qui n'en sera peut-être pas un: le gouvernement du Québec accorde toujours un crédit de 8000$ à l'acquisition de ce type de véhicule. Et pas seulement pour Noël!

L'auteur tient à remercier Félix Normandin et Philippe Louisseize, fondateurs de l'entreprise de location de Véhicules EEKO Logiques de Saint-Laurent.

Recharge: le temps de deux cafés et c'est terminé

L'avenir de la voiture électrique ne dépend pas seulement de la capacité de l'industrie automobile à proposer une offre compétitive et des batteries assurant une autonomie suffisante. Il est tout autant tributaire de la capacité des partenaires publics et privés à créer un environnement favorable en multipliant les points de recharge.

Tesla n'attend pas et poursuit activement la mise en place de son réseau de «Superchargers», qui consiste en des bornes hyper rapides destinées exclusivement (et gratuitement) aux propriétaires de Tesla. Résultat, il faut compter environ une heure (nous avons rechargé la «nôtre» en 73 minutes pour obtenir une autonomie potentielle de 430 kilomètres).

L'entreprise américaine estime que d'ici la fin de l'année 2015, 98% des besoins des propriétaires de voitures Tesla seront comblés et permettront de rallier de nombreuses destinations sans s'inquiéter et sans perdre trop de temps par rapport à un véhicule à essence conventionnel.

Le Québec compte déjà six de ces Superchargers.

L'essentiel

> Marque/Modèle : Tesla Model S (60 kWh)

> Fourchette de prix : 77 800 $ 114 700 $

> Frais de transport et préparation : 1170 $

> Rabais accordé par le gouvernement du Québec : 8000 $

> Garantie de base : 4 ans / 80 000 km

> Pour en savoir plus : www.teslamotors.com

Technique

> Moteur : Électrique

> Puissance : De 380 à 691 chevaux

> Couple : De 325 à 443 lb-pi

> Batterie : Lithium-Ion (65 à 85 kWh)

> Accélération (0-100 km/h) : 5,73 secondes

> Poids : 2108 kg

> Mode : Propulsion (intégral disponible)

> Transmission de série : 1 rapport directe

> Transmission optionnelle : Aucune

> Direction / Diamètre de braquage (m) : Crémaillère / 11,3

> Freins av-arr : Disque / Disque

> Pneus (av-arr) : 245/45R19

> Autonomie (mini/maxi) : 345 à 460 km

On aime

> L'autonomie rassurante

> Les performances

> La configuration 5 + 2

On aime moins

> La finition légère

> L'usage limité (modèle à propulsion)

> L'absence de certaines douceurs pour une auto de ce prix