Les ambitions de Tesla de révolutionner l'automobile avec des voitures 100% électriques et des technologies sophistiquées sont mises à mal par une série récente d'accrocs, estiment des experts qui gardent néanmoins leur confiance dans la start-up californienne.

Signe de la tempête soufflant sur la compagnie créée en 2003 par l'entrepreneur Elon Musk, Tesla Motors a perdu 19 % de sa valeur en Bourse depuis le 6 avril.

Accident mortel avec Autopilote

Vendredi dernier, Tesla a annoncé l'ouverture d'une enquête aux Etats-Unis suite au décès d'un automobiliste à bord d'un Modèle S dont le système d'aide à la conduite automatique Autopilote était enclenché au moment d'une collision avec un camion en Floride le 7 mai dernier.

Tesla a révélé que ce logiciel, composé de capteurs et de technologies dernier cri et permettant à la voiture d'effectuer seule certaines manoeuvres comme freiner en cas de danger, n'avait pas détecté le camion qui coupait la route à la berline en raison de la météo et de la luminosité.

Cet accident, qui porte un coup au développement de la voiture autonome, a conduit certains observateurs à se demander si Tesla avait suffisamment testé Autopilote.

«Mon inquiétude est que cet accident aurait pu être évité», confie à l'AFP Mary Cummings, responsable du laboratoire de l'autonomie à l'université Duke, de Durham, en Caroline du Nord. Mme Cummings estime que les voitures autonomes devraient être autorisées sur les routes le plus tard possible.

Chez Tesla, on explique que toutes les fonctionnalités de cette assistance à la conduite ont été longuement testées, homologuées, et sont améliorées au fil des trajets.

Le constructeur a d'ailleurs cru bon de rappeler qu'il s'agissait du premier accident sur les 200 millions de kilomètres parcourus en mode pilotage automatique par ses voitures. Par comparaison, il y aurait aux Etats-Unis en moyenne un mort tous les 150 millions de kilomètres parcourus par les voitures classiques, selon Tesla.

Cette saisie d'écran d'une vidéo YouTube montre Joshua Brown, de Canton, en Ohio, assis derrière le volant (mais ses mains n'y touchent pas) de son Modèle S en mode Autopilote. M. Brown est mort le 7 mai dernier à Williston, en Floride, quand l'Autopilote n'a pas détecté un camion 18-roues s'engageant dans une intersection. Le haut de la voiture a été arraché par l'impact. La vidéo avait été mise en ligne le 15 octobre 2015. Photo: AP

Pas capable de livrer

Puis, dimanche dernier, le constructeur des véhicules électriques de luxe a annoncé des chiffres de production décevants.

Tesla dit n'avoir produit que 18 345 voitures --moins que les 20 000 prévues-- au second trimestre et en avoir livré quelque 14 370 à ses clients contre 17 000 anticipées.

Durant la seconde moitié de 2016, le groupe dit vouloir livrer 50 000 voitures, ce qui devrait porter à 79 000 le nombre de ses livraisons en 2016. Ces prévisions sont bien inférieures aux 80 000 à 90 000 visées en début d'année.

«Certes nous sommes modérément déçus mais nous ne sommes pas surpris», explique Deutsche Bank, qui doute de la capacité de Tesla à tenir sa promesse de produire 500 000 véhicules par an à partir de 2018.

Tesla Motors ne suffit pas à la demande. Ci-haut, les employés de l'usine Tesla à Fremont, en Californie, célèbrent quand le premier Modèle S est sorti de la chaîne de montage en 2013. Photo: AP

Encore des pertes

La banque, qui prédisait jusqu'ici que le groupe allait gagner pour la première fois de l'argent cette année, a changé d'avis et parie désormais sur une nouvelle perte.

L'engagement de Tesla repose pour beaucoup sur la commercialisation en 2017 du Modèle 3, la voiture d'entrée de gamme vendue à 35 000 dollars US dont le but est de lui permettre de passer du statut de constructeur de niche à la production en grande série.

Mais «nous ne sommes pas sûrs que Tesla ait résolu ses problèmes de production», qui ont retardé les livraisons initiales de la berline Modèle S et du VUS Modèle X, les deux seuls modèles commercialisés, écrit, sceptique, Deutsche Bank.

Le patron-fondateur de Tesla, Elon Musk, a dévoilé la Model 3 ce printemps. Photo: AP

Mariage avec une autre compagnie déficitaire

La communauté financière s'interroge par ailleurs sur la nécessité du mariage à 2,7 milliards de dollars annoncé entre Tesla et SolarCity, le producteur d'énergie solaire, autre bébé d'Elon Musk.

Cette union entre deux entreprises, qui ont perdu à elles deux 1,6 milliard de dollars en 2015, soulève des problèmes de gouvernance et de conflits d'intérêts car M. Musk et des membres de sa famille sont omniprésents chez l'une et l'autre société.

Mais Tesla s'accroche à son ambition de devenir le «meilleur» producteur de voitures au monde. «On croit en cette mission, en ce qu'on est en train d'accomplir», avance-t-on à l'interne.

«On croit en cette mission»

Dans son «grand plan secret» dévoilé en août 2006, Elon Musk avait expliqué que Tesla allait réinventer l'automobile en trois étapes: en produisant une voiture de sport électrique (Roadster), puis une berline de luxe familiale (Modèle S) et enfin une voiture abordable (Modèle 3), avant de devenir une entreprise de transport et d'énergie «intégrée verticalement».

Pour l'analyste boursière Trip Chowdhry, chez Global Equities, Tesla est «en train de créer une nouvelle industrie».

«Nous continuons à penser que Tesla a le potentiel pour révolutionner l'industrie automobile», renchérit Deutsche Bank.