Le technicien accusé d'espionnage industriel par Elon Musk et poursuivi en justice par Tesla affirme qu'il a agi comme sonneur d'alerte, par esprit civique.

Tesla a déposé vendredi dernier une poursuite en dommages et intérêts contre Martin Tripp, un ex-employé de l'usine de batteries Tesla de Sparks, au Nevada. Dans des entrevues à divers médias américains, Tripp a nié la plupart des accusations, admettant seulement avoir transmis à un journal des informations qu'il dit exactes.

Tesla l'accuse d'avoir installé des mouchards électroniques dans les systèmes d'exploitation de la chaîne de montage des batteries Tesla. Ces codes encryptés, allègue la compagnie, envoyaient régulièrement des données d'entreprise à des tierces parties non identifiées par la poursuite. Tesla accuse aussi Tripp d'avoir transmis de fausses informations aux médias.

Tripp voulait commettre une tuerie à l'usine, dit Tesla

Tesla en a rajouté une couche aujourd'hui, affirmant à la chaine d'information continue CNN avoir appelé la police et augmenté la sécurité après avoir été informé par un ami de Tripp que ce dernier avait l'intention de revenir armé à l'usine et d'y faire une tuerie («to shoot the place up»). Sans donner de noms, la police locale affirme avoir fait une enquête et avoir déterminé qu'il n'y avait aucune menace crédible de ce genre.

«C'est absurde» et «maboule», a déclaré Tripp au sujet de ces allégations, cité par le quotidien Washington Post.

«On me montre du doigt parce que je suis un sonneur d'alerte», a dit Tripp en réponse à une question de CNN Money. «Les données que je recueillais étaient tellement graves, il fallait que je les remette aux médias».

Selon toutes les apparences, Tripp est l'employé que Elon Musk a accusé sans le nommer d'être un saboteur dans un courriel envoyé à tous les employés la semaine dernière : «J'ai été consterné d'apprendre ce week-end qu'un employé de Tesla a commis un gros acte de sabotage nuisible à nos opérations», écrivait Musk.

Musk y affirmait que l'employé avait entre autres fait des «changements purs et simples de code du système de fabrication de Tesla en empruntant de faux noms d'utilisateurs».

Tripp a nié ces accusations dans une entrevue au Washington Post.

Tripp dit avoir voulu sonner l'alarme au sujet de Tesla

Malgré les dénégations de Tesla, Tripp a réitéré ses affirmations selon lesquelles Tesla a installé des batteries endommagées dans des Modèle 3 par la suite expédiés à des clients

Tripp à dit à CNN et au quotidien Washington Post qu'il a été congédié et poursuivi en justice par Tesla parce que «j'essayais de prévenir les investisseurs et le public des problèmes» chez le constructeur de véhicules électriques «après avoir vu des affaires vraiment effrayantes» : selon lui, Tesla a installé 1100 batteries endommagés dans des Modèle 3 qui ont par la suite été livrés à des clients et qui roulent aujourd'hui sur la voie publique, rapporte CNN.

Tripp accuse aussi Tesla de gaspillage à l'usine de batteries, en raison de procédés industriels générant des retailles d'acier excessives, durant la coupe du métal. Cette affirmation a été publiée dans la revue Business Insider récemment et Tripp a admis être la source anonyme de cet article.

Il affirme aussi que la compagnie a gonflé le nombre de Modèle 3 produits.

Dans la poursuite, Tesla rejette les affirmations de Tripp au sujet des batteries, notant qu'aucun enjeu de sécurité lié aux batteries des Modèle 3 n'a été signalé. La compagnie y affirme qu'elle jette au fur et à mesure les composantes de batteries qui se révèlent défectueuses.

Tesla y affirme aussi que Tripp a estimé au pif les volumes de métal rejeté et qu'il a mal identifié les retailles et rejets empilés à la Gigafactory.

Courriels d'injures et d'accusations

Dans une entrevue au Washington Post publiée mercredi, Tripp nie avoir hacké les logiciels de l'usine, comme Tesla l'en accuse (la poursuite de Tesla allègue que Tripp a admis l'avoir fait) : «je n'ai pas la patience de coder», dit-il.

Tripp réfute aussi le motif invoqué par Tesla à son sujet, soit qu'il aurait agi par vengeance après qu'on lui ait refusé une promotion : «C'est leur excuse habituelle», a-t-il dit.

Tripp a dit au Post s'être joint à Tesla pour l'opportunité professionnelle mais aussi par admiration pour Elon Musk et par désir de contribuer à la transition vers une économie propre. Mais son travail à l'usine a amené une désillusion. Il croit maintenant que Musk n'est qu'un «narcissique» qui «ne s'intéresse qu'à lui-même».

Le Washington Post a publié un échange de courriels acrimoneux datés du 20 juin entre Musk et Tripp, où les deux hommes échangent des injures et s'accusent mutuellement. Le journal note qu'il est inhabituel de voir un patron d'entreprise cotée en Bourse s'impliquer à un niveau si personnel dans un enjeu de ce genre.

Aucun des protagonistes sort grandi de cette histoire bizarre où personne n'a l'air entièrement fiable. On en saura peut-être plus bientôt : Tesla a demandé à la cour une injonction lui permettant d'examiner les ordinateurs et autres appareils électroniques de Martin Tripp. Si Tesla trouve les preuves de ses accusations, elle a intérêt à les divulguer. Si elle ne trouve rien, elle aura des explications à donner au public et à ses actionnaires.

Pour lire la poursuite intentée par Tesla contre son ex-employé, cliquez ici.



L'échange courriel entre Elon Musk et Martin Tripp. Source : Wahington Post