« N'oubliez pas l'hydrogène ! » C'est en substance le message que lance Toyota Canada au gouvernement du Québec dans le cadre de sa Politique énergétique 2030 dévoilée plus tôt cette année.

La filiale du constructeur nippon a pour cela mandaté pas moins de cinq lobbyistes pour « sensibiliser le gouvernement du Québec à l'hydrogène ».

Toyota Canada vient d'envoyer au front quatre de ses dirigeants en les inscrivant au Registre des lobbyistes le 30 août dernier : son vice-président Stephen Beatty, son directeur des Affaires gouvernementales Olson Or, son directeur des Technologies avancées John-Paul Farag et son directeur des Affaires extérieures Dave Nichols. Ils viennent épauler le lobbyiste-conseil Louis-Charles Roy, d'Environics Communications, mandaté il y a trois mois déjà.

Batterie vs réservoir d'hydrogène

C'est la prochaine grande bataille de l'industrie automobile : qui, du bloc-batterie ou du réservoir d'hydrogène, réussira à s'imposer à l'avenir sur le marché de la voiture électrique ?

À ce jour, la batterie a une bonne longueur d'avance pour alimenter les moteurs électriques de demain. L'offre actuelle aux consommateurs et l'infrastructure de recharge dans le monde en témoignent. Ce clivage n'est pas sans rappeler le combat entre les formats VHS et Beta à une autre époque.

Pionnier de la voiture hybride, Toyota a toujours cru bon d'améliorer constamment son automobile porte-étendard, la Prius, et de la doter au passage d'une version branchable à l'autonomie électrique minimaliste (30 km environ). Mais depuis 10 ans, le constructeur japonais milite activement pour la voiture électrique à hydrogène et sa Mirai est aujourd'hui le premier modèle du genre commercialisé à l'échelle internationale - mais pas au Canada.

La Toyota Mirai à hydrogène, lors d'une présentation en Californie le 20 octobre 2015. Photo: Toyota

Québec veut moins de pétrole dans les transports

Soucieux de réduire de 40 % la quantité de produits pétroliers consommés d'ici 2030 et de « privilégier une économie faible en carbone », le gouvernement du Québec considère qu'« une réduction radicale de la dépendance au pétrole passe inévitablement par la diminution de son utilisation dans le secteur des transports ».

Pour y parvenir, le Québec compte, entre autres, « accompagner les ménages et les entreprises qui feront le choix d'acquérir un véhicule neuf électrique ou à faible empreinte carbone, y compris les véhicules à hydrogène », mentionne son document de présentation de sa politique énergétique.

Toyota Canada ne veut pas manquer le train, manifestement. À la fin du printemps, elle a donc mandaté le lobbyiste-conseil Louis-Charles Roy pour « sensibiliser le gouvernement provincial à l'hydrogène comme source d'énergie verte et de technologie zéro émission ».

Grâce à l'hydrogène, on pourrait enfin mettre du gaz dans son auto sans commettre d'anglicisme. Photo: Bloomberg

« La volonté de Toyota Canada est que cette technologie ne soit pas exclue dans l'atteinte des objectifs fixés par le gouvernement du Québec [...]. Toyota désire qu'une orientation soit prise afin que les véhicules à hydrogène soient considérés comme une option complémentaire aux véhicules électriques conventionnels », précise le mandat inscrit au Registre des lobbyistes du Québec.

Toyota et Tesla jouent du coude à Québec

Trois mois après, Toyota Canada renforce donc sa démarche avec ses quatre dirigeants mandatés à leur tour.

« Toyota Canada croit que le gouvernement du Québec devrait avoir une approche plus large des véhicules zéro émission [...]. Nous croyons que l'hydrogène est la meilleure solution à long terme, qui correspond aux préférences et habitudes des Canadiens », a justifié auprès de La Presse dans un courriel Dave Nichols, directeur des Affaires extérieures de Toyota Canada.

« Nous encourageons donc le gouvernement du Québec à faire en sorte que les véhicules à hydrogène soient inclus dans la catégorie des véhicules à zéro émission et à développer l'infrastructure nécessaire à la distribution de l'hydrogène au Québec », a ajouté M. Nichols.

La politique énergétique du Québec suscite beaucoup d'intérêt chez les constructeurs automobiles, parmi lesquels ça joue du coude. Cet été, Tesla Motors a embauché deux lobbyistes pour « promouvoir l'utilisation de véhicules électriques » auprès du gouvernement du Québec et « faire partie du processus de réglementation et de mise en oeuvre vers une stratégie de transport verte et plus efficace au Québec ».

À Québec, on pense surtout en fonction de l'opposition électricité-pétrole. Photo: Reuters

Pas que des avantages

Complexe mais propre, onéreuse mais autonome, la voiture électrique alimentée à l'hydrogène présente autant d'avantages que d'inconvénients majeurs.

Le plein d'hydrogène fait en cinq minutes, l'autonomie avantageuse (de 400 à 500 km avec un plein), l'absence d'émissions polluantes et son silence sont d'indéniables atouts. Sa pile à combustible, élément mécanique essentiel qui transforme l'hydrogène et l'oxygène en électricité, aurait la même durée de vie que la voiture. Enfin, l'hydrogène est l'élément chimique le plus abondant dans l'univers. N'étant pas une énergie primaire qu'il suffit d'extraire, l'hydrogène doit cependant être produit pour ensuite participer à la production d'électricité. L'autre hic, c'est qu'il faut soit de l'électricité pour l'obtenir, soit des carburants fossiles (pétrole, gaz naturel), dont il est essentiellement extrait aujourd'hui. L'un représente un coût très élevé, l'autre, un important inconvénient environnemental. Ayant aussi l'inconvénient d'être très volumineux et léger, l'hydrogène doit être comprimé pour être stocké et distribué. Ce type de voiture a pour handicap d'être coûteux à l'achat (prix initial de 76 000 $ environ) et à la pompe (même tarif moyen que l'essence). Enfin, il n'y a aucune infrastructure de distribution d'hydrogène.

Ce genre de pompe ne court pas les rues. Il y en a une dizaine au Canada et la plupart sont dans des centres de recherche. Celle-ci était un élément de décor au stand de Toyota au Salon de l'auto de Washington en 2015. Photo: Reuters