Précurseur de l'hybridation et apôtre de l'hydrogène, Toyota change son fusil d'épaule en ouvrant la porte aux voitures tout électriques à batterie et ce, rapidement. Ce coup de barre à première vue surprenant est significatif.

Rapporté la semaine dernière le quotidien japonais Nikkei, Toyota a confirmé jeudi dans un communiqué son orientation vers la production de masse de ces voitures électriques.

 

«Toyota a décidé d'établir une filiale en charge de développer des véhicules électriques. (...) La société s'appuiera sur le savoir-faire et les ressources technologiques du Groupe Toyota. Sa petite structure organisationnelle (...) conduira à une progression accélérée du projet et, par conséquent, à des produits rapidement mis en marché», a indiqué le constructeur japonais.

 

Toyota va mettre sur pied dès le mois prochain cette division consacrée au lancement d'un premier modèle tout électrique qui pourrait reposer sur la plateforme de la Corolla ou de la Prius.

Jusqu'à ce jour, Toyota n'a fait quasiment aucun effort dans le domaine du tout électrique à batterie. Photo: AP

Autonomie de 300 km en 2020

Un VUS d'au moins 300 km d'autonomie est évoqué par le quotidien économique Nikkei. Le constructeur chercherait des partenaires pour commencer rapidement la production car l'objectif serait de présenter ledit véhicule d'ici 2020.

Jusqu'à ce jour, Toyota n'a fait quasiment aucun effort dans le domaine du tout électrique à batterie.

Il n'y a qu'à penser au défunt RAV4 électrique, dont on n'a jamais vu la couleur sur les routes du Canada ou encore à la petite Scion iQ, dont seulement quelques dizaines d'exemplaires ont été utilisés aux États-Unis.

Toyota a toujours considéré que les voitures hybrides et hybrides branchables représentaient la meilleure solution de rechange aux traditionnelles voitures à essence et le meilleur compromis à court et moyen terme pour réduire considérablement les émissions polluantes tout en n'ayant pas cette contrainte de l'autonomie limitée propre à la voiture électrique à batterie.

Le succès de sa Prius, lancée en 1997 au moment où Honda misait lui aussi sur la technologie hybride avec son modèle Insight, l'a conforté dans cette idée jusqu'à tout récemment. Et semble le conforter encore avec l'arrivée prochaine de la dernière version branchable, la Prius Prime, qui aurait la capacité de parcourir jusqu'à « 965 km » --dixit Toyota-- avec un plein d'essence. Autant dire que la Chevrolet Volt est ici dans sa ligne de mire.

Toyota n'a jamais démontré sa foi en la voiture électrique, jusqu'à ce qu'il dévoile son utilisation de l'hydrogène - carburant alternatif à la batterie - , contraint, comme tous les autres grands constructeurs, de trouver une propulsion propre et de respecter les normes environnementales de plus en plus strictes des gouvernements occidentaux.

Le Rav4 électrique avait une motorisation fournie par Tesla. Photo: Toyota

La Prius Prime --vue ici au Salon de l'auto de New York le 23 mars-- vise la Chevrolet Volt, l'hybride de General Motors. Photo: Reuters

Virage à 180 degrés

En se lançant dans la grande production en série d'un premier véhicule à batterie destiné aux principaux marchés de la planète, Toyota opérerait un virage à 180 degrés. Mais à quoi serait dû ce revirement ?

L'an dernier, il a annoncé ne plus vouloir vendre de voitures uniquement à essence d'ici 2050. Mais la conjoncture, la concurrence et le progrès pourraient le contraindre à changer quelque peu ses plans.

L'étau législatif se resserre de plus en plus autour du parc automobile mondial, dont les émissions polluantes doivent diminuer radicalement. L'adoption récente au Québec du projet de loi Zéro émission, qui oblige les constructeurs à vendre une part définie de véhicules électriques sous peine de sanctions, en est une des dernières illustrations.

Les gains progressifs et constants en matière d'autonomie associés à la diminution du coût des batteries risquent d'inciter plus d'un constructeur à réfléchir.

Selon l'Agence internationale de l'énergie, ce coût au kilowattheure est passé de 1000 $US à 250 $US entre 2008 et 2015 alors que la capacité des batteries a été multipliée par six durant la même période.

Toyota doit également revoir sa stratégie par rapport à l'hydrogène. Cet autre carburant des voitures électriques pose encore de gros problèmes, notamment d'infrastructure de ravitaillement - qui est inexistante. Il est cependant impensable que Toyota abandonne cette filière. Même si, par exemple, il n'a vendu que 813 exemplaires de sa Mirai aux États-Unis depuis sa mise en marché en octobre 2015. Et même s'il a reconnu dans son communiqué de jeudi qu'il fallait se tourner vers le tout-électrique à batterie.

 

«Toyota a mis l'accent sur les véhicules à hydrogène qui offrent des commodités comparables à la voiture à essence actuelle et qui, selon Toyota, représentent la voiture écologique idéale. Toutefois, les différents problèmes d'infrastructure qui se posent dans le monde et le renforcement rapide de la règlementation visant à accroître l'utilisation de véhicules zéro émission ont renforcé le besoin de gammes de produits capables de répondre à diverses situations.»

L'orientation de Toyota dévoilée par le Nikkei doit aussi répondre à la concurrence. Dans le secteur des véhicules à batterie, Tesla a bouleversé l'industrie, l'Alliance Renault-Nissan est le plus important vendeur du genre au monde, Volkswagen compte redorer son blason avec ce genre de véhicules, General Motors va commercialiser le meilleur compromis du marché et le Chinois BYD accentue sa cadence de production.

Bref, Toyota doit se réorienter.

Avec les batteries d'autos électriques de moins en moins chères, Toyota se demande sûrement s'il est sage de mettre tous ses oeufs dans le panier de l'auto à hydrogène. Ci-haut, la Toyota Mirai à hydrogène, montrée au Salon de l'auto de Canton. Photo: Reuters.