Le géant automobile allemand Volkswagen était dans l'oeil du cyclone jeudi après ses révélations sur une nouvelle tricherie au CO2, qui elles aussi vont lui coûter cher, l'État lui demandant de rembourser des millions d'euros d'impôts.

Le colosse aux 12 marques, ébranlé depuis la mi-septembre par un scandale retentissant de tricherie aux normes antipollution sur 11 millions de véhicules diesel, a fait état cette semaine de nouvelles «irrégularités».

Elles concernent cette fois-ci les émissions de dioxyde de carbone et 800 000 voitures, «un chiffre provisoire, car nous sommes en pleine enquête», indiquait un porte-parole du groupe cité jeudi dans la presse.

Avec ce nouveau volet, le scandale s'étend au gaz sur lequel les Européens sont les plus regardants, aux moteurs à essence - dont 98 000 exemplaires sont concernés -, et discrédite la thèse propagée par Volkswagen d'agissements frauduleux isolés de quelques-uns.

«Volkswagen n'est pas, comme on pouvait le croire il y a quelques semaines, un groupe fondamentalement sain qui se trouve en crise du fait d'une grosse faute. Non, l'analyse doit être: chez Volkswagen beaucoup de choses sont pourries de bout en bout», accusait dans un éditorial le Süddeutsche Zeitung.

Concrètement, les émissions de CO2 de certains véhicules de marque VW, Skoda, Audi et Seat sont jusqu'à 18% plus élevées que ce que le constructeur promet sur le papier.

Fraude fiscale

C'est un nouveau coup dur porté à la réputation de Volkswagen, qui a vu ses ventes au Royaume-Uni baisser de 10% sur un an en octobre, selon un chiffre publié jeudi. Aux États-Unis, le constructeur est en outre visé depuis cette semaine par de nouvelles accusations sur les gros moteurs diesel.

Et le groupe, qui devra déjà payer des milliards de pénalités et dédommagements au titre de l'affaire du logiciel truqueur et organiser un gigantesque rappel, se retrouve maintenant au coeur d'une fraude fiscale.

Depuis 2009, le prix de la vignette que payent les automobilistes allemands est lié aux émissions de CO2 de leur véhicule.

Volkswagen «s'est rendu coupable de fraude fiscale en déclarant des niveaux d'émissions de CO2 plus bas» que ceux qui correspondent à la réalité, dénoncent les Verts (opposition), exigeant une enquête contre le constructeur.

Berlin ne semble pas disposé à renoncer aux recettes fiscales qui lui ont échappé du fait de cette supercherie. Le ministre des Transports, Alexander Dobrindt, veut «une solution qui ne pénalisera pas les clients de Volkswagen», laissant entendre que le géant de Wolfsburg devra payer les pots cassés. Le montant du remboursement n'a pas encore été révélé.

Selon l'ONG écologiste allemande Deutsche Umwelthilfe (DUH), le manque à gagner fiscal imputable aux émissions de CO2 du secteur automobile pour la seule année 2015 s'élèverait à 1,8 milliard d'euros, et à 2,2 milliards pour 2016.

Ces estimations incluent aussi les modèles de plusieurs concurrents, que DUH accuse de tricher eux aussi systématiquement sur leurs niveaux d'émissions, dénonçant un différentiel de 42% entre les valeurs déclarées et les valeurs mesurées lors de ses tests maison.

«Perdu confiance»

Si arithmétiquement la dimension de ce nouveau chapitre du scandale Volkswagen est moindre que le précédent - la falsification  d'émissions d'oxydes d'azote (NOx) de 11 millions de véhicules diesel au moyen d'un logiciel truqueur -, les possibles répercussions de cette affaire dans l'affaire n'en sont pas moins graves.

La réduction des émissions de CO2 est au coeur de la lutte contre le réchauffement climatique, gouvernements et autorités européennes accroissant la pression sur les industriels pour qu'ils se conforment à des normes de plus en plus strictes.

«Chaque gramme de CO2 en moins dans notre flotte en Europe nous coûte 100 millions d'euros par an», se plaignait l'an dernier Martin Winterkorn, l'ex-patron de Volkswagen, emporté par le scandale fin septembre.

Le verdict de Bruxelles au lendemain des révélations est  sévère. «Les consommateurs ont perdu confiance. Ils ont payé plusieurs milliers d'euros de plus pour une voiture qui avait supposément des émissions plus faibles», juge la commissaire européenne à l'Industrie Elzbieta Bienkowska.

«Les systèmes d'homologation des États membres n'ont pas fonctionné. Nous voulons à l'avenir contrôler que les autorités nationales travaillent correctement», a-t-elle martelé.