Le constructeur automobile Volkswagen s'est ôté une grosse épine du pied en parvenant mardi à un accord avec deux de ses fournisseurs, qui avaient ces derniers jours perturbé sa production en arrêtant brutalement leurs livraisons.

La marque Volkswagen, encore occupée à limiter les dégâts causés par le scandale des moteurs truqués, a annoncé mardi une solution dans le conflit l'opposant à Car Trim et ES Automobilguss, fabricants respectivement de revêtements pour sièges et de pièces pour les boîtes de vitesse.

Les différentes parties ont toutefois choisi de garder le silence sur le contenu de l'accord, selon une réaction écrite de Volkswagen transmise à l'AFP. «Les fournisseurs vont reprendre sous peu la livraison» et «les sites concernés préparent la reprise progressive de la production», indique seulement le constructeur.

Les deux équipementiers, PME détenues par l'allemand Prevent, lui-même filiale d'un groupe bosniaque, ASA, ont donné des sueurs froides au géant de Wolfsburg en cessant brutalement de l'approvisionner au mois d'août, sur fond de différend commercial.

Avec cette mesure drastique et très rare dans le secteur, les fournisseurs entendaient répondre à la dénonciation de contrats commerciaux par Volkswagen, connu pour être très coriace dans les négociations avec ses sous-traitants.

Inédit

Volkswagen a adressé le 12 août une injonction via les tribunaux aux deux équipementiers pour qu'ils reprennent leurs livraisons mais ils n'ont pas obtempéré.

Le constructeur a donc annoncé lundi être contraint d'interrompre une partie de sa production dans six usines allemandes, dont Wolfsburg, et de prendre des mesures de réduction du temps de travail «allant jusqu'au chômage partiel» pour près de 28 000 salariés dans le pays.

La production de la Golf et de la Passat, deux modèles phares de Volkswagen, a été affectée.

Les experts commençaient déjà à sortir leurs calculettes pour chiffrer le manque à gagner pour Volkswagen - jusqu'à 70 millions d'euros par semaine, selon Commerzbank - et le gouvernement allemand est sorti lundi de sa réserve habituelle sur les affaires d'entreprises pour appeler à une rapide sortie de crise.

Stephan Weil, le chef du gouvernement de l'État régional de Basse-Saxe qui abrite le siège de Volkswagen, a salué mardi la fin d'un conflit «préjudiciable économiquement à toutes les parties».

Il a au passage étrillé Prevent, qui a selon lui initié à tort un bras de fer qui «ne doit pas faire école».

Que des équipementiers loin de compter parmi les poids lourds du secteur se rebellent contre un client aussi gros que Volkswagen est inédit, selon plusieurs experts.

La presse allemande a dépeint la dispute comme le combat de David contre Goliath, tout en s'interrogeant sur l'identité du gentil de l'histoire dans ce cas. Les motivations de Car Trim et ES Automobilguss, dont la réputation risque fort de pâtir de ce conflit, ne sont pas claires.

«Pantalonnade»

L'affaire illustre aussi pour certains la pression sur les prix exercée par Volkswagen sur ses sous-traitants, alors que la marque, encore affaiblie par le scandale des moteurs diesel, est en mal de rentabilité.

Le poste des achats est un élément clé de réusssite pour le groupe Volkswagen, qui compte onze marques en plus de celle du même nom, relève Ferdinand Dudenhöffer, du centre de recherche automobile CAR. Avec un volume d'achats de 149 milliards d'euros en 2015, une baisse des prix d'achat, même minime, permet d'importants gains.

Le conflit soulève de nombreuses interrogations. Comment le groupe Volkswagen, fort de plus de 600 000 employés dans le monde et d'un chiffre d'affaires de plus de 200 milliards d'euros, peut-il être aussi dépendant de petits fournisseurs? Pourquoi n'a-t-il pas vu venir le blocage? Comment les deux parties vont-elles collaborer à l'avenir?

«La vraie raison de cette pantalonnade réside dans le système d'achats de Volkswagen», tacle Ferdinand Dudenhöffer.