Le scandale des moteurs diesel truqués chez Volkswagen prend des allures de vendetta à la tête du constructeur après des accusations accablantes de l'ancien homme fort du groupe, Ferdinand Piëch. Ses allégations explosives pourraient coûter cher à l'entreprise.

Mercredi soir, le conseil de surveillance du mastodonte aux douze marques a nié en bloc un témoignage de Ferdinand Piëch devant la justice allemande, relayé par la presse, selon lequel l'ex-patron de Volkswagen Martin Winterkorn et certains membres du conseil de surveillance étaient au courant de la fraude sur les moteurs diesel plus tôt qu'ils ne veulent bien l'admettre.

Allégations «peu crédibles», dit Volks

Des accusations «déjà faites au printemps 2016 dans le cadre de l'enquête interne et indépendante» commanditée par Volkswagen qui les a jugées «dans l'ensemble peu crédibles», affirme Volkswagen.

Les membres du présidium --un comité réduit du conseil de surveillance-- «ont tous séparément rejeté la véracité des déclarations de Ferdinand Piëch», souligne également le constructeur, qui menace ce dernier de «mesures et réclamations». Interrogé par l'AFP, un porte-parole de Volkswagen a refusé de dévoiler quels recours étaient envisagés par le directoire.

D'après le quotidien allemand Bild, M. Piëch a indiqué au procureurs chargés de l'enquête sur le Dieselgate avoir eu vent d'une possible fraude sur les moteurs diesel dès février 2015, alors qu'il dirigeait le conseil de surveillance. Il aurait confronté le patron de l'époque, Martin Winterkorn, qui lui aurait assuré avoir les choses sous contrôle, et aurait informé le comité resserré du conseil de surveillance.

Ferdinand Piëch, ingénieur de talent, pilote et petit-fils de Ferdinand Porsche, fut durant les années 60 un des principaux concepteurs de la Porsche 911 et de son 6 cyl. à plat de 2 litres. Il a été nommé grand patron de Volks en 1993. On le voit ici au Salon de l'auto de Genève en 2007. Photo: Bloomberg

Or Volkswagen a toujours assuré que personne dans les plus hautes instances du groupe n'était au courant de la manipulation avant août, voire septembre 2015, soit peu avant que l'affaire n'éclate au grand jour, entraînant une dégringolade soudaine de l'action et une crise profonde chez Volkswagen.

Sollicité par l'AFP, le parquet n'a pas voulu donner le noms des témoins entendus ni dévoiler leurs déclarations.

Rancoeur... et vengeance ?

Petit-fils de l'inventeur de la Coccinnelle, ex-patron de VW et membre de la dynastie actionnaire Porsche-Piëch, M. Piëch, 79 ans, a longtemps été une figure incontournable de l'empire Volkswagen, avant d'être tassé en avril 2015.

Il avait alors été contraint de quitter son poste à l'issue d'un bras de fer qu'il avait lui-même provoqué avec M. Winterkorn, son ancien protégé.

Ce passif entre les deux hommes mais aussi avec certains membres du conseil de surveillance toujours en place risquent d'entamer sa crédibilité. Stephan Weil, membre du parti social-démocrate SPD, a dénoncé jeudi la propagation par M. Piëch de fausses informations, selon l'agence DPA.

«M. Piëch tente visiblement de régler ses comptes», a par ailleurs estimé une source au sein du groupe Volkswagen, qui ne souhaite pas être identifiée.

Un avis partagé par l'expert automobile allemand Stefan Bratzel, de l'institut CAM, qui évoque la «frustration» du patriarche depuis son départ forcé il y a deux ans et juge que l'affaire du diesel «pourrait être la raison de la rupture inattendue avec M. Winterkorn». La cause de la brouille entre ceux qui formaient auparavant un tandem de choc reste jusqu'à ce jour inconnue.

Ferdinand Piëch (à d.) et un collaborateur posent à côté d'une Porsche 917 de course en 1969. Piëch fut un des meilleurs ingénieurs de la compagnie avant de passer chez Audi, puis d'être nommé pdg du Groupe Volkswagen en 1993. L'acquisition de Porsche par Volkswagen s'est faite en 2012. Photo: Presse canadienne

Témoignage «très dangereux»

À plusieurs égards, son témoignage est «très dangereux», souligne l'expert. Le patriarche lui-même pourrait y perdre des plumes car il détient toujours des parts de Volkswagen et ses déclarations peuvent l'impliquer dans la tricherie.

Pour le groupe, tout juste sacré numéro un mondial de l'automobile, cela pourrait alourdir encore plus une facture déjà très salée.

Rien qu'aux États-Unis, où le constructeur a plaidé coupable, Volkswagen va débourser plus de 22 milliards de dollars pour satisfaire autorités, clients et concessionnaires mécontents.

La justice, aux États-Unis comme en Allemagne, cherche toujours a établir les responsabilités individuelles. Le parquet de Brunswick enquête entre autres sur Martin Winterkorn pour fraude et manipulation de cours.

La question est notamment de savoir si la direction de Volkswagen a informé les marchés financiers en temps et en heure, ce que contestent des investisseurs qui ont essuyé de lourdes pertes et réclament des milliards d'euros au groupe.

Winterkorn et Piëch ont été très proches et les allégations explosives du patriarche de Volkswagen sont dangereuses pour son ancien protégé et pour la compagnie. On les voit ici au Salon de l'auto de Francfort en 2013. Photo: Reuters