Jacques Villeneuve se prépare à enfourcher de nouveau sa motoneige pour le Grand Prix Ski-Doo de Valcourt, dès vendredi. Véritable passionné de vitesse, ce casse-cou défie toutes les lois de la nature en étant pilote professionnel à 59 ans.

Glacial jeudi du mois de janvier. C'est le calme plat dans le petit village de Saint-Cuthbert, dans Lanaudière. Rue Vadnais, un petit bungalow de briques rouges et jaunes est blotti près d'un gigantesque garage. Si le silence règne à l'extérieur de celui-ci, à l'intérieur, c'est le branle-bas de combat.

De petite taille, à peine cinq pieds trois pouces, Jacques Villeneuve marche clopin-clopant, mais déplace tout de même de l'air. Au centre de la pièce gît une motoneige qui n'attend qu'à être assemblée. À quelques jours de sa première course de la saison en Eastern Pro Tour, le week-end du 2 février à Manitoulin, en Ontario, le passionné de courses ne lésine sur aucun détail pour préparer sa motoneige. À 59 ans, malgré de nombreuses blessures, celui qu'on appelle «mononcle Jacques» a toujours la même passion pour la vitesse.

Le goût de la course, Jacques le tient de son frère Gilles. «Étant jeune, je voulais être guitariste, je voulais être un prêtre, avoue en riant le verbomoteur, qui dit avoir toujours été un casse-cou. Mon frère était plus vieux et il m'ouvrait les portes.» Une occasion s'est présentée à lui lorsqu'il avait 16 ans, alors que le promoteur qui avait démarré la carrière de Gilles cherchait un pilote. «Jacques à commencé la course et n'a plus arrêté depuis, affirme, candide, sa femme Céline Vadnais. La course, ça l'aide à rester heureux.»

Sur le bitume

Ses exploits en motoneige lui ont permis de faire le saut en sport automobile dans les années 1970. En 1978, il conduit sa première monoplace en Formule Ford. Deux ans plus tard, en 1980, il est couronné champion en Formule Atlantique. Exploit qu'il allait répéter l'année suivante également.

Alors grande vedette de F1, son frère Gilles lui permet de décrocher un essai lors du Grand Prix du Canada en 1981. «Dans ce temps-là, tu pouvais louer une F1 pour la fin de semaine. C'était plus pour voir les deux Villeneuve ensemble qu'ils ont fait ça», se remémore-t-il.

Jacques a de nouveau obtenu des essais dans la grande série en 1983. «C'était avec une équipe bas de gamme et c'était plus un coup promotionnel pour le Grand Prix du Canada, explique le pilote. Alors j'ai envoyé promener la F1 et je me suis lancé dans la Formule Atlantique en Amérique! De toute façon je déteste l'Europe, c'est vieux et je n'aime pas ça.» Le cadet de la famille Villeneuve a alors roulé sa bosse dans plusieurs séries, devenant au passage le premier Canadien à obtenir une position de tête en Indy Car.

L'homme de fer

«Jacques a eu du succès en course dans toutes les disciplines, explique son ami et directeur du musée Gilles-Villeneuve à Berthierville, Alain Bellehumeur. Mais la motoneige, c'est plus que du succès, ce sont des championnats régulièrement.»

Après un parcours en course automobile parsemé de succès, le coureur professionnel est revenu à son premier amour, la motoneige. Il tente de gagner sa vie avec les courses depuis, mais avoue que c'est de plus en plus difficile. «Ça me coûte 60 000$ par année pour courser, il faut que je me trouve des commanditaires. Avec les hivers qu'on a de nos jours et mon âge avancé, les commanditaires sont plus frileux.»

Le quinquagénaire peut se compter chanceux de toujours pouvoir pratiquer sa passion. De nombreuses blessures graves l'ont affecté tout au long de sa carrière. En 2008, il s'est fracturé le bassin à de multiples endroits lors d'une course aux États-Unis. Il a également subi une dizaine de commotions cérébrales au cours de sa carrière. Mais les blessures n'ont jamais freiné le natif de Berthierville. «Tu ne penses pas à ça quand tu remontes sur ta motoneige. Ça fait partie de la game. La vie, c'est comme un livre, quand mon tour va arriver, ben je partirai», raconte-t-il, philosophe. Son entourage a dû s'habituer à ce genre de situation. «J'aimerais ça parfois qu'il arrête, confie sa femme, résignée. Mais il n'en est pas question pour lui, je dois composer avec ça.»

La course dans le sang

S'il est heureux dans ce qu'il fait aujourd'hui, Jacques Villeneuve, pense tout de même à ce qu'aurait pu être sa vie avec son frère Gilles. «Souvent, il me dit qu'il aimerait que son frère soit là pour voir ce qu'il fait, confie sa femme. Il se demande s'ils feraient de la course ensemble.» Le principal intéressé ne s'en cache pas, son frère était son idole. «Mon frère, c'était un héros pour moi, insiste-t-il. Être numéro deux de Gilles, ça ne m'a jamais dérangé. Pantoute. Pour moi, c'était normal de le laisser gagner.»

Observant les photos de Gilles et de Jacques qui tapissent l'atelier de son mari, Céline Vadnais abonde dans le même sens. «Son frère lui manque beaucoup, observe-t-elle. La famille, c'est important pour lui.»

Et Jacques Villeneuve n'entend pas arrêter la compétition de sitôt. «J'aimerais ça en faire quand j'aurai 70 ans», déclare-t-il d'un ton solennel. Pour Alain Bellehumeur, la seule chose qui sortira «mononcle Jacques» d'une piste de course est l'état de son corps. «Il va continuer tant qu'il va pouvoir, avance ce dernier. Gilles et Jacques n'ont pas du sang dans les veines, ils ont de l'huile à moteur!»

Photo Claude Poulin, collaboration spéciale

Jacques Villeneuve n'entend pas arrêter la compétition de sitôt. «J'aimerais ça en faire quand j'aurai 70 ans», déclare-t-il d'un ton solennel.