La course de rue ne date pas d'hier. L'image de la jolie fille donnant le départ à une course clandestine existe depuis des lustres et a été entretenue par de nombreux films, de Grease à Fast and Furious en passant par Nitro. Bien sûr, ce genre de course séduira toujours les jeunes à la recherche de sensations fortes. Heureusement, ce qui se faisait en secret dans la rue se pratique aujourd'hui en toute sécurité sur les pistes de Saint-Eustache, Sanair, Napierville et ICAR, pour ne nommer que celles de la région de Montréal.

Gros party

«C'est un gros rassemblement de passionnés qui ouvrent leur capot, parlent d'autos, regardent les courses. C'est un happening social, affirme Jason Labrosse, qui organise depuis six ans les soirées Drag de rue à l'Autodrome Saint-Eustache. Autant pour ceux qui viennent pour le plaisir que pour ceux qui ont des Civic de 600-700 forces.» La première soirée de l'année a attiré plus de 3000 personnes, le 17 avril. «Tout le monde a hâte au mercredi, ça devient une drogue. Et ça va en grandissant», soutient Rémi Laurin, présent toutes les semaines. Le quart des participants est là pour rouler, le reste profite de l'ambiance, assurée par DJ Klix. Le jeudi soir, la piste d'accélération de 200 m accueille aussi le public. C'est le moment idéal pour se concentrer sur la course. «Le jeudi, c'est plus tranquille, on n'attend jamais plus de 15 minutes avant de faire une course», affirme Rémi Laurin.

Sain défoulement

Il y a une dizaine d'années, il était encore possible, pour celui qui cherchait, de trouver des courses clandestines. Mais la police a - heureusement - pris les moyens pour mettre un terme à ces manifestations dangereuses. Les propriétaires de pistes de course ont flairé la bonne affaire et ont accueilli les amateurs en manque de vitesse. «Il y a certainement des imbéciles qui font encore des courses illégales, mais ils ne sont plus qu'une poignée, soutient Jason Labrosse. Aujourd'hui, les gars veulent faire attention à leur réputation.» Impression corroborée par Rémi Laurin: «Quand tu rentres chez toi, tu roules peinard à 110 km/h parce que t'as tout fait, t'as tout vidé», soutient-il. Selon lui, le coût des contraventions et le nombre réduit de points d'inaptitude des jeunes conducteurs ont certainement contribué à augmenter l'affluence aux pistes de course. «Et c'est très bien ainsi!», conclut-il.

Dehors, les matamores!

Aux courses, tous les excès de testostérone sont permis: on peut «allumer» ses pneus ou «rincer» son moteur, tout ça pour le bon plaisir des amateurs. Tant et aussi longtemps que ça reste sur la piste. «Une fois de temps en temps, il y en a un qui fait le comique en faisant un «show de boucane». Soit on lui sert un avertissement, soit il est aussitôt jeté dehors, affirme Rémi Laurin, qui va aux courses avec sa Dodge SRT4. Et quand ça arrive, on s'organise pour qu'il comprenne qu'il a fait une gaffe.» Et ceux qui font des «burn-outs» en quittant la piste ne reviennent plus. «On n'en veut pas de ces fanfarons-là, avertit l'organisateur Jason Labrosse. Les gars savent que la marge de manoeuvre est mince: les amendes sont salées, les jeunes tiennent à leurs points d'inaptitude et les policiers sont plus sévères. Mais les gens sont confortables avec ça.»

La revanche des sleepers

À une certaine époque pas si lointaine, la voiture représentait une forme d'affranchissement que tout jeune cherchait à obtenir le plus rapidement possible. On vouait donc à l'auto une sorte de culte. Avec la révolution numérique, la bagnole semble moins intéressante pour une jeunesse qui met ses priorités ailleurs. Mais pas sur les pistes de course. «Les autos, c'est pas mort, affirme Jason Labrosse. À mon avis, il y a même eu un regain de vie au sein des amateurs de tuning au cours des trois dernières années, mais ça a changé.» Ainsi, ce qui fonctionnait au début des années 2000 n'attire plus. Exit, les accessoires de look, les portières papillon, les ensembles de jupes. «Aujourd'hui, on aime les «sleepers» aux suspensions rabaissées, à l'allure plus léchée, qui passent inaperçus», ajoute-t-il.

Festival de la bagnole

Les soirées Drag, c'est aussi pour se rincer l'oeil. En contemplant les bagnoles, on s'entend! Mis à part les très populaires voitures sport compactes, dont certaines sont modifiées à souhait, on peut aussi y croiser des bolides d'exception aussi rares que puissants. «Mercredi dernier, j'ai vu une Lamborghini Aventador de 400 000$, affirme Jason Labrosse, qui assure aussi l'animation des soirées Drag de rue. Il y avait aussi une McLaren MP412C et, plus l'été avance, plus on voit de véhicules exotiques.» Le fils d'Alan Labrosse, propriétaire de l'Autodrome Saint-Eustache, a également entendu dire que l'un des habitués avait promis de se pointer plus tard cet été avec une MP4-12C Can-Am. Faudra nous avertir, car le bolide conçu pour la piste par McLaren n'a été construit qu'à 30 exemplaires et coûte la bagatelle de 585 000$!

Des dragsters en visite

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les jeunes qui participent aux courses d'amateurs n'ont pas l'ambition de faire de la compétition. Très peu vont donc choisir d'aller rouler pour des bourses dans les courses d'accélération à handicap, comme elles sont pratiquées au Québec. À Saint-Eustache, elles ont lieu le vendredi, mais certains pilotes sont aussi tentés de venir rouler le mercredi et le jeudi. «Les gars du vendredi décident de venir le mercredi ou le jeudi pour donner un show. Ça leur permet aussi de pratiquer», explique Jason Labrosse. C'est pourquoi il n'est pas rare de voir des muscle cars de plus de 1500 chevaux se mêler aux modestes Civic Si et Sentra SE-R!

Les amateurs qui veulent défier leurs amis sur une piste d'accélération ont l'embarras du choix. Les quatre pistes de la région de Montréal réservent en effet des cases horaires au grand public.

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L'embarras du choix

Sanair

vendredi, dès 19 h. 5 $

Autodrome Saint-Eustache

mercredi et jeudi, dès 18 h 30. 8 $

Napierville Dragway

mardi et mercredi, dès 19 h. 8 $

ICAR

jeudi et samedi, dès 18 h. 15 $