Bien peu de gens peuvent se targuer d'avoir traversé le Canada d'un bout à l'autre. Encore moins à moto. Imaginez maintenant le faire en roulant le moins souvent possible sur le bitume. C'est le défi que nous offre depuis cette année le Trans-Canada Adventure Trail (TCAT).

Il y a l'autoroute transcanadienne. En parallèle, il y a maintenant le Trans-Canada Adventure Trail. Près de 16 000 kilomètres de gravier, de sable et de terre battue à travers taïgas, forêts, prairies et montagnes, faits sur mesure pour les aventuriers à moto.

Comme nul n'est prophète en son pays, le TCAT a semblé jusqu'à maintenant résonner davantage à l'étranger que chez nous; les premiers motards attirés par cet incroyable sentier transcontinental ont volé des milliers de kilomètres pour pouvoir en rouler autant sinon plus sur leurs bécanes aventurières.

«C'est ma plus belle randonnée à vie», nous a confié Keith Larkin, qui a terminé le premier le TCAT, en compagnie de son fidèle comparse Bryan Donaldson. Ce qui n'est pas peu dire: les deux motards néo-zélandais (oui, oui!) ont traversé l'Amérique du Sud, l'Australie et les États-Unis.

Mais la longueur du sentier d'aventure transcanadien - tiens, voilà une proposition de traduction - le place dans une classe à part. «Il y a trois ans, nous avons fait la Trans-America Trail, une randonnée de 8800 kilomètres. En comparaison, le TCAT est une incroyable expédition; nous avons fait 18 000 km, s'est souvenu Keith, que nous avons croisé par hasard, à Goose Bay, au Labrador.

Keith et Bryan, la cinquantaine énergique, sont partis le 11 juin de St. John's et sont arrivés le 6 août à Vancouver. Ils pensaient parcourir 15 800 km. Finalement, ils ont fait 18 000 km. "Établir l'itinéraire de la TCAT a pris cinq ans, si bien que les chemins ont considérablement changé, des tronçons de route ont été emportés, des ponts ont disparu, a dit Keith Larkin. Il a donc fallu trouver une façon de les contourner. Parfois, ça prenait une heure ou deux avant de trouver un nouveau chemin.»

L'idée de créer la Trans-Canada Adventure Trail est arrivée comme ça, il y a cinq ans, alors qu'une bande de mordus de moto sirotaient une bière dans le garage de Ted Johnson, en banlieue d'Ottawa. «On s'est ouvertement inspirés de la Trans-America Trail, en se disant que ça serait bien d'avoir un sentier semblable au Canada, a-t-il dit.

On croyait que ça nous prendrait un an à préparer, mais ç'a finalement été cinq fois plus long!»

En plus de penser aux sentiers et à les tester, il a aussi fallu prévoir l'accès à l'hébergement, au ravitaillement et aux ateliers de réparation tout au long du chemin. À la fin, ce sont neuf personnes d'un peu partout au pays qui ont mis la main à la pâte pour arriver avec le premier véritable sentier transcontinental en Amérique du Nord - le sentier américain part du Tennessee et se termine en Oregon.

«J'ai fixé des balises pour que les gars n'arrivent pas avec des parcours trop exigeants, en s'assurant que ce soit réalisable même si on enfourche une grosse moto aventurière, a expliqué Ted Johnson. Bien franchement, nous aurions préféré rendre notre itinéraire plus difficile, mais il a fallu l'adapter un peu pour permettre aux participants d'avoir accès à un minimum de services.» En effet, tout le monde n'aime pas camper en pleine nature après une longue journée passée à rouler dans la boue sous la pluie...

Info: www.graveltravel.ca

Quelques anecdotes de sentiers

Itinéraires modifiés

Que ce soit à cause des intempéries ou de décisions récentes de sociétés forestières, le tracé du TCAT est sujet à des changements inattendus. «On a dû faire huit modifications d'itinéraire cette année, a expliqué Ted Johnson, le coordonnateur du TCAT. Mais comme on fournit gratuitement les fichiers GPS aux participants, on leur demande de nous communiquer les changements, le cas échéant.» Keith Larkin et Bryan Donaldson ont été les premiers à mettre les cartes du TCAT à l'épreuve et ont ainsi communiqué en direct leurs changements d'itinéraire à Ted, qui s'empressait de mettre les cartes à jour. «C'est d'ailleurs intéressant de constater que deux jeunes Anglais qui nous suivaient à quelques jours d'intervalle ont bouclé leur aventure en 1000 kilomètres de moins», a révélé Keith.

Surprises au menu

Si le Québec est accueillant pour les aventuriers avec son incroyable réseau de chemins forestiers, il n'en reste pas moins que Fabrice Tremblay, qui a mis sur pied une grande partie de l'itinéraire du TCAT au Québec, a mis près d'un an et demi à trouver les bons sentiers pour relier le Labrador à l'ouest de la province. Avec quelques surprises au menu. «Dans le secteur de la rivière Péribonka, un chemin de ZEC s'est subitement terminé en cul-de-sac sur le bord du lac Tchitogama. Mais sur les cartes, il semblait y avoir un pont à cet endroit. On a fait des corrections aux fichiers, beaucoup d'allers-retours, on a souvent failli se perdre, on a eu peur de manquer d'essence.»

Nature sauvage

Le TCAT, c'est une immersion complète en pleine nature. Bryan Donaldson en porte encore les marques d'ailleurs. «Il a été littéralement éjecté de sa moto par un chevreuil qui a bondi sur lui! , nous a raconté Keith Larkin. Il roulait à 80 km/h quand c'est arrivé, le long d'un canal, à environ 60 kilomètres de Swan River, au Manitoba. Les radiographies ont décelé une fracture à la clavicule et il devait se faire opérer le lendemain matin. Mais il a choisi de reprendre la route. Bryan est un dur.» En effet, le grand gaillard de 58 ans ne fait pas son âge. Peut-être en partie à cause du fait qu'il est capitaine de son équipe de rugby!

Photo fournie par Fabrice Tremblay Photographie

L'aventure en chiffres

5

À peine une demi-douzaine de motards ont terminé la TCAT cette année. Deux Néo-Zélandais, deux Britanniques et un Australien. Une vingtaine de groupes ont par ailleurs roulé une semaine ou deux dans l'une ou l'autre partie du sentier.

17 997

Nombre de kilomètres franchis en 50 jours par Keith Larkin et Byan Donaldson, les deux premiers motards à avoir terminé la TCAT.

Photo fournie par Fabrice Tremblay Photographie